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Trump construira-t-il une Route de la soie Américaine ?

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Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 24 janvier 2017 – Source CounterPunch

L’hystérie règne à l’aube de l’ère Trump, avec le président représenté à travers tout le spectre idéologique, comme un Mao américain ou même un Hitler américain.

Éloignons-nous de ce « carnage américain des médias » pour examiner quelques faits concernant le G2 non officiel : les relations sino-américaines.

On peut prétendre que Pékin a déjà réussi un coup de billard à trois bandes, prévenant la possibilité d’une guerre commerciale initiée par les États-Unis.

Cela a commencé avec la fameuse visite de Jack Ma à la Trump Tower, où il a développé son idée d’aider les petites entreprises américaines à vendre leurs produits en Chine et en Asie via son réseau Alibaba, créant ainsi au moins « un million d’emplois » aux États-Unis, selon lui.

Puis est venu le coup de maître du président Xi Jinping à Davos, où il s’est positionné comme Ronald Xi Reagan, vendant la mondialisation inclusive aux vaillants piliers du turbo-capitalisme international.

Finalement Jack Ma, toujours à Davos, a élaboré une formulation claire, de cause à effet, entre la mondialisation et la détresse économique des États-Unis.

Ma a dit : « Au cours des trente dernières années, des entreprises comme IBM, Cisco et Microsoft ont fait des tonnes d’argent. » Le problème est de savoir comment les États-Unis ont dépensé cette  richesse : « Au cours des trente dernières années, l’Amérique a mené treize guerres, pour un coût de $14 200 milliards. » Et si les États-Unis « avaient consacré une partie de cet argent à la construction de leurs infrastructures, en aidant les cols blancs et les cols bleus ? Vous êtes censé dépenser de l’argent pour votre propre peuple. Ce ne sont pas les autres pays qui volent les emplois américains. C’est votre stratégie, vous n’avez pas distribué l’argent de façon appropriée. »

Entre-temps, quelque chose de tout à fait extraordinaire s’est produit lors de l’Asian Financial Forum à Hong Kong, un jour avant le discours de Xi à Davos. Le président de China Investment Corporation (CIC), Ding Xuedong, se référant au plan tellement vanté de Trump d’investir $1 000 milliards, a déclaré que cela créerait de fabuleuses opportunités d’investissement pour la Chine et son fonds souverain de $800 milliards.

Selon Ding, Washington aura besoin d’un financement stupéfiant de $8 000 milliards pour ses infrastructures spectaculaires. Le gouvernement fédéral et les investisseurs privés américains n’y suffiront pas : « Ils doivent compter sur des investisseurs étrangers. » Et CIC est prêt pour cela – en se concentrant déjà sur les « investissements alternatifs aux États-Unis ».

En supposant que l’administration Trump fasse bon accueille au CIC, et c’est un grand si, ce sera un lent démarrage. Actuellement le gouvernement américain est endetté de seulement $80 milliards d’investissements étrangers du CIC. Une polémique massive de sécurité nationale et antitrust sera inévitable. Et pourtant, en cas de succès, ce projet pourrait être gagnant-gagnant pour une Route de la soie américaine.

C’est le moment de peaufiner votre chaîne d’approvisionnement

Voyons maintenant les options. Pendant la campagne, Trump avait accusé la Chine de manipuler sa monnaie et sa promesse de taxer à 45 % les importations chinoises est, en théorie, toujours sur la table.

Peter Navarro – auteur de Death by China et de Crouching Tiger : Ce que le militarisme chinois signifie pour le monde – dirigera le nouveau Conseil national du commerce à la Maison Blanche, en se concentrant sur « les subventions injustes de la Chine ».

Dans le même temps, de nombreux rapports comme celui-ci se concentrent sur les scénarios de guerre commerciale américano-chinoise. Et ils n’ont pas l’air d’être bons, pour aider l’Amérique à retrouver sa grandeur.

Pour commencer, Beijing ne manipule pas le yuan. Au contraire, la Banque populaire de Chine veut un taux de change stable, se traduisant en un commerce stable.

En cas de rupture majeure, Pékin ne serait pas enclin à se débarrasser massivement de ses obligations du Trésor américain ; ce ne serait pas exactement un gagnant-gagnant pour les réserves chinoises.

Les États-Unis ont beaucoup plus d’investissements étrangers directs en Chine que l’inverse, et il est donc facile de voir qui serait perdant à la fin. Dans le même temps, les entreprises chinoises pourraient profiter de plus d’allègements fiscaux et investir dans l’amélioration de leurs lignes de production. Autre option : la rupture, l’épargne énorme de la Chine finançant la prochaine étape de l’investissement industriel – d’autant plus que sept millions de diplômés universitaires arrivent sur le marché chaque année. Ça, c’est un gagnant-gagnant.

Toute analyse de la guerre commerciale mène aux mêmes résultats : consommation déprimée des États-Unis, moindre croissance économique et plus de chômage – en particulier dans la Rust Belt,  la zone qui loge le tas de déplorables de Hillary.

Ensuite, il y a le film d’horreur pour les grandes sociétés américaines telles que Apple, dont la restauration des chaînes d’approvisionnement, exceptionnellement complexes, prendrait des années. Boeing, quant à lui, compte sur la vente de jets en Chine, pour assurer 150 000 emplois américains et envisage déjà une nouvelle usine chinoise d’assemblage.

L’administration Trump va ce débarrasser de la branche commerciale du Pivot vers l’Asie de l’administration Obama, le TPP [c’est fait, NdT]. Personne en Asie ne verse vraiment des larmes. En même temps, personne ne sait si l’équipe Trump pourrait être intéressée, plus tard, à discuter d’une zone de libre-échange dans la région Asie-Pacifique.

Ce qui est absolument certain, c’est qu’en l’absence d’une guerre commerciale, la nouvelle stratégie commerciale des États-Unis sera parfaite pour Beijing, car la Chine va accélérer l’expansion de son projet de Nouvelle route de la soie – One Belt, One Road – en particulier à travers le continent sud-est asiatique, ainsi que les lignes ferroviaires à grande vitesse reliant la province du Yunnan à Singapour via le Laos, la Thaïlande et la Malaisie.

À Davos, Jin Liqun, président de l‘Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), dirigée par les Chinois, a même ouvert la porte, en plaisantant à demi, à une participation des États-Unis. Ainsi tous les mises sont sur la table : imaginez le Mao américain rejoignant la Banque AIIB, pour participer à l’action en Eurasie tout en acceptant l’investissement du fonds CIC pour construire la Route de la soie américaine. Cela serait-il considéré comme un « fait alternatif » ?

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Article Original paru dans Asia Times

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone.


L’agenda mondialiste de la Chine

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Par Kerry Bolton – Le 16 janvier 2016 – Source katehon


La Chine moderne, une création de Wall Street

La Chine s’apprête enfin à faire une déclaration sans équivoque en faveur de la mondialisation. Le président Xi Jinping fera justement cette déclaration mondialiste au Forum économique mondial de Davos, entre le 17 et le 20 janvier. Il est dit que cette rencontre de Davos sera axée sur la montée de la réaction antimondialiste incarnée par l’élection de Trump. Elle abordera probablement aussi la question de la montée du « populisme », de l’expression politique conservatrice d’un anti-mondialisme qui n’est pas aussi facile à récupérer que l’éventail « de gauche », comme l’a montré – une nouvelle fois – l’opposition gauchiste bouffonne à l’encontre de Trump.

Cette réunion de Davos fournira un jubilé aux ploutocrates états-uniens et à leurs hommes de paille, les USA étant représentés par le vice-président Biden et son secrétaire d’État John Kerry, à travers ce qui constituera probablement leurs dernières actions à ces postes.

Il semble que le président Xi se fera le chantre d’une « mondialisation inclusive », tout en dénonçant le populisme comme facteur de « guerre et de pauvreté ». Son agenda mondialiste pour Davos a été esquissé par Jiang Jianguo, à la tête du Bureau d’Information du Conseil d’État, qui a déclaré devant un symposium hébergé par l’Organisation mondiale du commerce à Genève, que le président Xi se rendrait à Davos afin de prôner le développement, la coopération et la mondialisation économique, dans le but de bâtir « une communauté humaine partageant une destinée commune ». 1 Jiang s’est expliqué :

« Avec la montée du populisme, du protectionnisme et du nativisme, le monde arrive à un tournant historique où une route mène à la guerre, la pauvreté, l’affrontement et la domination tandis que l’autre mène à la paix, au développement, à la coopération et aux solutions bénéfiques à tous. »

Le vice-ministre des affaires étrangères Li Baodong, au cours d’un point presse à Davos, a déclaré que « la Chine répondrait aux inquiétudes de la communauté internationale quant à la mondialisation, en avançant les dispositions de Pékin sur la façon d’aiguiller la mondialisation économique vers une plus grande inclusion ».  Li a affirmé que les critiques à l’encontre du protectionnisme commercial formulées à destination de la Chine étaient injustes. « Le protectionnisme commercial n’est dans l’intérêt de personne et mènera à l’isolement », a-t-il ajouté.

Nous avons ici la rhétorique élémentaire que les mondialistes emploient depuis longtemps. Les demandes supposées et les attentes d’une « communauté internationale » constituent un euphémisme pour désigner la « communauté internationale » des oligarques ainsi que « l’opinion publique » produite par leurs médias de masse. Procéder de la sorte au nom de « la paix, du développement et de la coopération » est révélateur de la manière dont la Chine reprend à son compte les éléments de langage que les politiciens occidentaux ont utilisés depuis que les Quatorze Points de Woodrow Wilson ont assuré la promotion du « libre-échange » conçu comme un objectif de guerre au nom d’un « nouvel ordre mondial », ainsi qu’on l’appelle aujourd’hui. Les expériences impériales depuis Alexandre Le Grand ont été justifiées au nom de la paix et de la coopération, et souvent en se référant aux « droits de l’homme » de nos jours. Les États-Unis ont participé à la Seconde Guerre mondiale dans les intérêts – une fois de plus – du libre-échange mondial (la mondialisation), comme la Charte de l’Atlantique de Roosevelt l’a ouvertement établi. La destruction de la Serbie dans le but de faire main basse sur les richesses minières du Kosovo via la mondialisation fut entreprise au nom de « la paix et de la coopération ». Il existe désormais un département kosovar de la privatisation. Ainsi donc, à travers l’histoire et ce jusqu’à nos jours, les expériences impériales, les guerres et les révolutions qui ont été menées à bien au nom de « la paix » devraient se poursuivre. La Chine rejoint le cercle des mondialistes et dévoile son véritable visage, maintenant qu’il se trouve un président élu des États-Unis d’Amérique qui a fait des déclarations indiquant que le commerce et les politiques étrangères mondialistes des USA pourraient être réorientés.

A présent que les intérêts sont définis selon des axes aux contours plus nettement tracés, la Chine est obligée de jouer franc jeu en tant que partisan majeur de la mondialisation. En effet, si Trump infléchit bel et bien le mondialisme, en dépit du poids considérable de sommités de la Goldman Sachs parmi ses conseillers économiques, la Chine apparaîtra comme le principal État promouvant la mondialisation, avec Soros, Goldman Sachs et Rockefeller pour lui tenir la traîne.

Derrière des slogans théoriques, la Chine est comme toujours mue par son propre intérêt. Tout en appliquant les principes d’une économie planifiée, elle exige que les autres États maintiennent leurs frontières ouvertes à l’écoulement de ses produits au rabais. En Nouvelle-Zélande par exemple, de l’acier chinois de piètre qualité a été récemment importé. Une enquête est actuellement menée sur le dumping de l’acier mais lorsque des questions sont soulevées, il en résulte toujours des craintes pour le commerce avec la Chine, par peur des représailles de cette dernière. C’est du « partenariat » et de la « coopération » tels que définis par la Chine ; l’autre « partenaire » doit toujours être subordonné. Cette exigence de subordination fait partie de la mentalité pluri-millénaire de la Chine, lorsque l’empereur était tenu pour le dirigeant du monde mandaté par les cieux. Cette mentalité impériale a substitué l’état à l’empereur. Le dumping de l’acier constitue un exemple concret de ce que la Chine entend par « mondialisation ». 2

L’omnipotent Henry Kissinger

Le vice-ministre des affaires étrangères Li a assuré dans le cadre du forum, que “les canaux de communication sont ouverts” entre la Chine et l’équipe de transition de Trump, mais a averti que programmer une rencontre pourrait s’avérer difficile. Une fois de plus, l’attitude se révèle dominatrice et méprisante en dépit des sourires, des poignées de mains et des costumes à l’occidentale. Quoi qu’il en soit, indépendamment de la politique de Trump, l’oligarchie états-unienne a toujours la garantie d’un contact influent auprès de la Chine par l’entremise de l’indéboulonnable Henry Kissinger. L’ancien secrétaire d’État, qui a été proche des intérêts oligarchiques et particulièrement de ceux de Rockefeller pendant la plus grande part de sa longue vie, n’a pas gaspillé son temps en assurant cette garantie indépendamment de Trump ; les relations de la Chine avec les mondialistes seront maintenues. Pourquoi la Chine aurait-elle besoin d’entretenir des relations diplomatiques formelles avec un gouvernement Trump, alors que les affaires continueront de suivre leur cours habituel via les escapades de Kissinger entre les plus hautes sphères des milieux d’affaires états-uniens et chinois ?

Kissinger, dont la soi-disant « diplomatie ping-pong » a introduit la Chine dans le système du commerce mondial au cours des années 1970, remplissait un objectif majeur des mondialistes, et en particulier des intérêts de Rockefeller, centrés autour de la commission trilatérale et du Council on Foreign Relations. Bloomberg News rapporte que Kissinger était à Pékin peu après l’élection de Trump, après avoir eu des discussions secrètes avec Trump le 18 Novembre. Kissinger a confié à CNN que « les gens ne devraient pas bourrer le mou à Trump sur des positions qu’il a prises pendant la campagne et sur lesquelles il n’insiste pas ». 3

Si préserver des emplois du mouvement de mondialisation, que Trump a clairement identifiée avec la Chine, n’est pas un but ultime pour le président élu, alors rien ne l’est. Il serait préoccupant que Trump ait indiqué à Kissinger que ses remarques sur la Chine et la mondialisation n’étaient que de la rhétorique électorale. Les nominations au cabinet en provenance de la Goldman Sachs n’incitent certainement pas à la confiance.

Kissinger a rencontré le président Xi, le remerciant pour « la nature de [sa] pensée et les objectifs de [sa] politique à long terme » ; Xi a pour sa part répondu qu’il était « tout ouïe » concernant ce que Kissinger a « à dire sur la situation mondiale actuelle et le développement futur des relations sino-étasuniennes ». « Personne ne pourrait le remplacer » a affirmé Gao. « Aucun autre États-unien ne pourrait susciter le même respect chez les dirigeants chinois ni avoir des échanges aussi honnêtes avec eux ».

Le reportage de Bloomberg établit que Kissinger a visité la Chine 80 fois depuis son voyage secret en 1971 (selon l’agence de presse officielle Xinhua) dans le but de restaurer les relations diplomatiques, et il a rencontré chaque dirigeant chinois depuis Mao. « La presse d’État le couvre de louanges à chacune de ses visites, le décrivant comme un vieil ami du peuple chinois ».

« Kissinger figurait au sein d’un panel d’experts états-uniens – comprenant l’ancien secrétaire du trésor Hank Paulson et Elaine Chao, désignée par Trump pour être la secrétaire d’État aux transports –  que Xi a rencontrés en février 2012 avant de prendre le pouvoir. Le groupe a fait savoir à Xi qu’une communication fréquente avec ses homologues US était plus importante que des visites formelles répétées, selon les dires d’une personne au fait de la visite, qui a demandé à demeurer anonyme en raison du caractère secret des discussions. »

Cela montre la façon dont la diplomatie mondiale fonctionne : au-delà du niveau gouvernemental formel, entre les oligarques et leurs ambassadeurs tels que Kissinger. On pourrait ajouter que le mondialiste républicain Paulson, soutien d’Hillary Clinton, a condamné le « populisme » de Trump, mais a récemment salué le choix de celui-ci en faveur de Steven Mnuchin pour le poste de secrétaire du Trésor, après avoir occupé le poste de PDG de la Goldman Sachs. 4

Brzezinski

Russophobe de longue date, Zbigniew Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter et, à la manière de Kissinger, proche, durant la plus grande partie de sa vie, des intérêts de Rockefeller, est également une figure majeure pour ce qui est de l’établissement de relations entre les USA et la Chine. Brzezinski a œuvré en tant que directeur fondateur de la commission trilatérale, mise en place par David Rockefeller dans le but de promouvoir les relations entre la Chine et les oligarques mondialistes. Dans une récente interview donnée au Huffington Post, Brzezinski a rappelé l’agenda mondialiste, ne manquant pas au passage de sonner l’alerte contre la propagation du « populisme » et la victoire de Trump. Tout comme Kissinger, Brzezinski demeure un acteur de premier plan dans la diplomatie internationale. Ses positions révèlent que les oligarques du monde occidental et la Chine sont en phase les uns avec les autres. Brzezinski s’avère aussi anti-russe qu’il est pro-chinois, lorsqu’il exprime la ligne qui a été abondamment relayée auprès des médias de masse, selon laquelle la Russie s’ingère dans les politiques intérieures, alors que cela fait longtemps que le National Endowment for Democracy est financé par les États-Unis dans ce but précis. Du fait de son rôle de négociateur de la politique états-unienne dite de la « Chine unique », Brzezinski fut invité à faire part de sa réaction quant au toupet dont Trump a fait preuve, lorsqu’il a accepté par téléphone les félicitations adressées par le président de Taïwan, suscitant ainsi l’indignation de la Chine. Comme à l’époque de la Guerre froide, les stratèges états-uniens continuent de voir la Chine comme un élément important pour endiguer la Russie :

« Le danger que je perçois est celui d’instiller de l’animosité dans cette relation primordiale pour la politique étrangère US, sans qu’il en résulte la moindre réalisation stratégique significative. Il n’est pas dans notre intérêt de nous mettre Pékin à dos. Il est nettement préférable pour les intérêts états-uniens que les Chinois travaillent étroitement avec nous, forçant ainsi les Russes à leur emboîter le pas s’ils ne veulent pas être laissés pour compte. Cette connexion confère aux États-Unis la capacité exceptionnelle de toucher le monde entier à travers une influence politique collective. (…) Un monde dans lequel l’Amérique et la Chine coopèrent est un monde dans lequel l’influence états-unienne est optimisée. Si nous mettons cela en péril par des agaceries stupides, qu’aurons-nous accompli ? 5

Brzezinski conçoit l’entente sino-étasunienne comme une « optimisation » du pouvoir des USA. Il lui a été demandé si les signes envoyés par Trump à la Russie seraient utiles pour endiguer la Chine, en tant que rival des États-Unis. Sa réponse est un « non » sans ambiguïté. Il considère les véritables pôles de puissance comme étant les USA et la Chine travaillant en tandem et constituant un « ensemble prédominant », tandis que la Russie s’en tiendrait à un rôle subalterne.

« La Russie ne constitue pas un rival pour les États-Unis, si l’on se base sur ce qu’elle peut offrir dans le cadre d’une relation avec la Chine. Les Chinois savent très bien que, quand bien même nous serions affaiblis, appauvris et déboussolés, l’Amérique est fondamentalement toujours la première puissance dans le monde et les Chinois sont eux aussi presque la première puissance. En conséquence, la Chine doit faire un choix. Si elle choisit d’être contre les États-Unis, elle finira par se trouver perdante. Il est plus que dans leur intérêt d’appartenir à l’ensemble prédominant. L’inverse est également vrai pour les États-Unis s’ils rejettent la Chine. »

Brzezinski recourt à la même logique pour justifier l’hégémonie mondiale des partisans de la mondialisation, telle qu’elle est désormais vantée par le président Xi à Davos ; seule cette suprématie sino-étasunienne est censée pouvoir garantir la stabilité du monde. La Russie compte pour du beurre. Elle peut être tenue en respect par les deux superpuissances hégémoniques. La Chine reprend à son compte le scénario rédigé par Kissinger et Brzezinski. Ce dernier poursuit :

« Pour insister sur la réalité stratégique que j’ai déjà soulignée, les USA et la Chine sont les puissances prédominantes dans le monde. Tout au long des années qui ont suivi la normalisation de nos relations et durant lesquelles nous avons travaillé conjointement, nous n’avons jamais œuvré à des fins malveillantes de guerre ou de conquête, mais dans le but de renforcer la sécurité et la stabilité nécessaires à chacun pour la poursuite de ses intérêts propres. Dans le monde d’aujourd’hui, la Chine ne peut dominer seule. Pas plus que ne le peuvent les USA. Pour le dire de façon plus précise, bien qu’en des termes pouvant sembler paradoxaux, si les États-Unis essaient de faire cavalier seul dans le monde en laissant de côté la Chine, ils ne seront pas à même de se maintenir. Si nous gardons cela à l’esprit, nous pouvons commencer à façonner, de façon progressive, un monde plus équilibré que le monde actuel, qui est très instable et imprévisible. Les intérêts à long-terme des États-Unis reposent fondamentalement sur le renforcement des liens que nous avons avec la Chine, et non sur la rupture brutale de ceux-ci pour d’éventuels gains à court-terme. »

Comment les mondialistes ont créé la Chine moderne

La « révolution populaire » en Chine était aussi bidon que les « révoltes spontanées » financées par Soros et la NED en Europe de l’Est et en Afrique du Nord. Bien qu’il ne soit pas question ici d’analyser de quelle manière les USA ont sabordé Chiang Kaï-Shek, ni de quelle façon Taïwan a entretenu pendant des décennies un système économique authentiquement autarcique sous le règne de Chiang, nous allons brièvement examiner par quel moyen les oligarques ont verrouillé la participation de la Chine à un système économique mondial. Dans un récit historique officiel du Council on Foreign Relations (CFR), Peter Grose explique :

« Le Council s’est sérieusement penché sur le problème de la Chine communiste dans les années 1960. Diverses publications du Council avaient commencé à développer l’idée d’une politique « des deux Chine » – la reconnaissance à la fois du gouvernement nationaliste de Taïwan et le gouvernement communiste sur le continent. Les auteurs du Council ont suggéré que cela pouvait pour le moins constituer une mauvaise orientation politique. Le professeur A.Doak Barnett a publié un livre précurseur pour le Council en 1960, La Chine communiste et l’Asie. Une étude majeure du Council portant sur les relations entre les États-Unis et la Chine débuta en 1964, l’année où la Chine fit exploser sa première bombe nucléaire ; le groupe se réunit de manière systématique au cours des quatre années suivantes. “Se satisfaire des relations actuellement au point mort avec les Chinois n’est pas faire preuve de sens politique”, déclara Robert Blum de l’Asia Society, le premier directeur du projet. “L’impatience états-unienne et le bouillonnement d’émotion politique empêchent souvent de planifier en amont pour gérer notre politique d’une manière persévérante mais souple.” 6

Robert Blum, l’analyste pour la Chine du CFR, est mentionné plus haut comme une éminence de l’Asia Society. Celle-ci fut fondée en 1956 par John D. Rockefeller III et demeure un acteur d’envergure pour ce qui est de l’entretien de relations économiques et diplomatiques avec la Chine au profit des grandes entreprises.

Taïwan représentait un problème pour les mondialistes, dans la mesure où les USA avaient garanti la sécurité de la République.

Par conséquent le CFR élabora une solution dialectique, soutenant vraisemblablement une « politique des deux Chine » qui dans la pratique signifierait que Taïwan pourrait être abandonnée sans que cela soit trop flagrant.  C’est ce qui se produisit dès lors que les USA appliquèrent cette « politique des deux Chine », conçue des années auparavant au sein du CFR, dans le but de verrouiller l’admission de la Chine rouge parmi les Nations Unies et de mettre Taïwan sur la touche. L’approche du CFR consistait en une promotion graduelle du régime de Mao, allant de pair avec un dénigrement du « bouillonnement d’émotions » qui regimbait face à la liaison mondialiste avec la Chine. Quoi qu’il en soit, Grose est explicite en ce qui concerne l’attitude du CFR à l’égard de la Chine :

« Cela semblait être tout-à-fait le genre d’impasse politique dont le Council on Foreign Relations, libre de toute contrainte électorale ou partisane, était habilité à assurer la sortie. A mi-chemin du projet, le Council publia une étude de l’opinion publique intitulée Le peuple Américain et la Chine d’A.T. Stelle, qui parvenait à la conclusion inattendue selon laquelle les États-uniens étaient plus enclins que nombre de leurs représentants à forger de nouvelles relations avec la Chine. Cette étude soutenait que c’était à la seule faveur d’un flot continu de déclarations publiques hostiles, que les États-uniens étaient « disposés à croire le pire concernant la Chine communiste et eux [les Chinois] le pire nous concernant. »

Le CFR a remodelé la soi-disant « opinion publique » en « communauté internationale ». Le compte-rendu du CFR indique qu’ils étaient convaincus que le public serait réceptif à une politique prochinoise et à l’abandon de Taïwan. Grose poursuit :

« En 1969 le Council fit un résumé du projet sous le titre Les États-Unis et la Chine dans les affaires du monde, la publication survint juste au moment où Richard Nixon, un ennemi de longue date ouvertement déclaré, devint président des USA. (Quelques mois plus tôt, Nixon lui-même avait choisi Foreign Affairs pour en faire son forum dédié à l’étude approfondie via un regard neuf de l’Asie en général et de la Chine en particulier.) Se heurtant à un blocage ayant longtemps prévalu, le projet du Council traça les contours d’une politique des deux Chine fondée sur des analyses prudentes. Cette politique préconisait le consentement à l’appartenance de la Chine continentale aux Nations Unies et arguait que les États-Unis devaient “renoncer à la chimère d’un régime nationaliste qui serait le gouvernement officiel de la Chine.” »

Grose conclut en citant Kissinger et Cyrus Vance pour leur rôle charnière dans l’ouverture de la Chine rouge, qui a amorcé le processus qui fit de la Chine une puissance mondiale :

« Kissinger, agissant en tant que conseiller en matière de sécurité nationale de Nixon, partit pour une mission secrète en direction de Pékin en 1971, afin d’établir un contact officiel de nature exploratoire avec le régime communiste. Nixon en personne prit le même chemin en 1972. Le délicat processus de normalisation des relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine aboutit en 1978, par l’entremise du successeur de Kissinger au poste de secrétaire d’état Cyrus R.Vance, un responsable de premier plan du Council avant et après son passage aux affaires d’État. »

A présent, le temps est venu pour les mondialistes de payer l’addition. Monsieur Xi se rend à Davos avec son boniment mondialiste, mais une ligne de démarcation a été tracée par les allusions de Trump à l’encontre de la Chine et de la mondialisation. Monsieur Xi confirme charitablement son consentement à ce que la Chine prenne sa place à la tête du processus de mondialisation. C’est la situation que les Rockefeller, Soros, Goldman Sachs et les coteries trilatérales ont longtemps appelée de leurs vœux en Amérique, en Asie et en Europe.

La Chine a adopté le modèle libéral de développement économique de l’Occident. Il n’y a aucune contradiction entre le libéralisme et l’autoritarisme politique. On l’a vu avec l’avènement de la France jacobine de 1789, ainsi qu’avec l’empressement dont font preuve les démocraties libérales pour recourir aux bombes et aux armes au nom des « droits de l’homme ». Ce qui importe pour les mondialistes occidentaux, c’est que la Chine se « réforme ». Cette réforme a été menée bon train pendant des décennies, jusqu’à ce que la Chine rejoigne les USA au rang d’hégémon mondialiste ; la voilà alignée en paroles et en actes. D’un autre côté, ce que veut l’oligarchie concernant la Russie est très différent : un « changement de régime ». Il est hors de question de laisser la Russie tranquille, tant qu’elle n’est pas domestiquée dans le cadre d’un système économique international. La Chine constitue une porte dérobée vers la mondialisation pour la Russie. La relation russo-chinoise semble avoir tout apporté à la Chine, aux dépens de la Russie. Il convient de garder à l’esprit que le modèle des BRICS était une idée lancée par Goldman Sachs. 7

Tout aussi significatif bien que moins reconnu, le modèle libéral de développement économique du monde occidental adopté par la Chine est le produit d’une civilisation ayant atteint le stade terminal de la décadence. La Chine a recouru à une transfusion en provenance d’un organisme malade.

Le modèle économique libéral s’accompagne d’éléments de dégénérescence morale et culturelle concomitants. Le caractère politiquement autoritaire de la Chine a tenté de minimiser cette répercussion sur la Chine. Les empereurs, à travers les millénaires, ont aspiré à accommoder des influences étrangères modérées tout en préservant l’organisme culturel chinois de la décadence. Ils s’en sont montrés capables, en entretenant le nœud de la tradition chinoise, et en dépit des ascensions et des chutes cycliques de bien des dynasties, la civilisation chinoise s’est perpétuée. Mao a déployé les Gardes rouges au cours de la Révolution Culturelle, dans une tentative enfiévrée d’anéantir cette tradition. Récemment, le régime chinois a cherché à raviver quelque chose des traditions confucéennes et taoïstes de la Chine. Reste à savoir s’il s’agit d’autre chose que d’une tentative d’instrumentaliser la tradition afin d’asseoir l’autorité du régime.  La Chine fait d’ores et déjà face à des problèmes considérables liés à l’augmentation croissante du nombre de ruptures de mariages, alors que ce phénomène n’existait guère auparavant ; à ces problèmes s’ajoutent l’étalement urbain, une population vieillissante et d’autres complications caractéristiques d’une civilisation traversant un cycle de décadence. En outre, il faut ajouter les problèmes d’une économie de marché tels que la pollution et l’épuisement des sols. La Chine est, pour reprendre l’expression que les maoïstes se complaisaient à utiliser pour qualifier les États-Unis, « un tigre de papier ».

Kerry Bolton

Traduit par François, relu par nadine pour le Saker Francophone

  1. China; Xi to promote globalization at Davos, not war and poverty’, Reuters, 11 January 2017; http://www.cnbc.com/2017/01/11/chinas-xi-to-promote-globalization-at-davos-not-war-and-poverty.html.
  2. MBIE launches investigation into Chinese steel dumping’, Stuff Business Day, 23 December 20156; http://www.stuff.co.nz/business/87920079/MBIE-launches-investigation-into-Chinese-steel-dumping.
  3. China, Grappling With Trump, Turns to “Old Friend” Kissinger’, Bloomberg News, 2 December 2016, https://www.bloomberg.com/news/articles/2016-12-02/china-grappling-with-trump-turns-to-old-friend-kissinger
  4. Former Hillary backer Henry Paulson hails Trump’s choice for treasury’, Newsmax, 30 November 2016; http://www.newsmax.com/John-Gizzi/john-gizzi-paulson-supports-steven-mnuchin/2016/11/30/id/761489/
  5. Nathan Gardels, ‘Brzezinski: America’s Global Influence Depends On Cooperation With China’, The World Post, Huffpost, 23 December 2016; http://www.huffingtonpost.com/entry/zbigniew-brzezinski-america-influence-china_us_585d8545e4b0d9a594584a37
  6. Peter Grose, Continuing The Inquiry: The Council on Foreign Relations from 1921 to 1996, New York, Council on Foreign Relations, 2006; ‘ ‘X’ Leads the Way’; http://www.cfr.org/about/history/cfr/index.html)
  7. K. R. Bolton ‘BRICS development bank an instrument for globalization’, Foreign Policy Journal, http://www.foreignpolicyjournal.com/wp-content/uploads/2015/07/150714-BRICS-Development-Bank-KR-Bolton.pdf

La stratégie asiatique de Trump demeure une énigme

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Trump’s Asian Strategy Remains a Riddle


Bhadrakumar

Par M.K. Bhadrakumar – Le 9 février 2017 – Source Strategic Culture

Le président américain Donald Trump a rassemblé une équipe éclectique. Mais savoir qui, parmi ses coéquipiers, représente sa voix authentique au sujet de la politique étrangère reste à voir. La récente visite du secrétaire américain à la Défense James Mattis en Corée du Sud et au Japon n’a probablement fait qu’ajouter à la confusion.

Peut-être Trump lui-même est-il la seule voix de son administration, tandis que tous les autres sont, pour emprunter les mots de Macbeth chez William Shakespeare, de simples ombres ambulantes : « Pauvres acteurs qui se pavanent et s’agitent quelque temps, inquiets, sur la scène et dont on entend plus jamais parler ensuite. »

Le choix de Séoul et de Tokyo par Mattis pour son premier voyage d’affaires à l’étranger a suscité des interprétations. Certains ont dit que l’administration Trump manifestait son engagement pour le « pivot vers l’Asie ». Une telle opinion laborieuse peut éventuellement être entendue car le Partenariat transpacifique (TPP) est moribond et la stratégie du pivot patauge. Les optimistes espèrent que le pivot restera une priorité de la politique étrangère américaine dans un avenir prévisible.

Un chroniqueur a écrit cette semaine dans le Straits Times que « l’abandon du TPP par les États-Unis est plus susceptible d’être un signal indiquant qu’ils vont chercher à obtenir de meilleurs accords commerciaux qu’un baisser de rideau pour son implication en Asie. Les États-Unis resteront ici, mais il est probable qu’ils demanderont une cotisation plus élevée ». Cela semble plausible. Après tout, les États-Unis doivent créer des synergies pour créer des emplois et stimuler la croissance économique par le biais des liens commerciaux et de l’investissement, tandis que l’Asie peut être un pilier pour consolider le leadership américain dans la gouvernance mondiale.

Durant l’événement, la visite de Mattis a laissé l’impression que les États-Unis avaient l’intention de continuer la politique de l’administration de Barack Obama dans la région, ce qui contredit l’approche plus musclée envers la Chine, dont le secrétaire d’État Rex Tillerson – ou Trump lui-même – se sont faits les avocats. En particulier, la remarque de Mattis selon laquelle la solution au problème de la mer de Chine méridionale doit être trouvée par la voie diplomatique, et qu’il n’y avait pas besoin de « mouvements militaires dramatiques » de la part des États-Unis, reprend la feuille de route d’Obama.

Cela le met en désaccord avec Tillerson qui aurait aimé que le Pentagone bloque l’accès de la Chine aux îles artificielles qu’elle a construit, risquant même une confrontation potentielle. Tillerson a déclaré publiquement : « Nous allons envoyer à la Chine un signal clair que, d’abord, la construction des îles doit s’arrêter, et ensuite, que leur accès ne sera pas autorisé. » Les opinions de Tillerson ont également été reprises par le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer.

Par conséquent, la grande question est la suivante : qui a l’oreille de Trump – Mattis, ou Tillerson et Spicer ? Cela devient important parce que Mattis a également exprimé avec force l’engagement de Washington dans l’alliance avec le Japon et la Corée du Sud. Ce qui a ajouté à la confusion était que juste à la veille du voyage de Mattis dans la région, Trump lui-même avait eu une conversation téléphonique déplaisante avec Malcolm Turnbull, Premier ministre australien, et allié de longue date des États-Unis dans l’Asie-Pacifique, qui a toujours participé aux guerres sanglantes des États-Unis dans l’histoire récente.

Bien sûr, ce n’était pas la bonne façon de traiter un allié. L’Australie est l’un des alliés les plus stables de l’Amérique, partageant le renseignement et répandant le sang australien pour soutenir les interventions militaires américaines – que ce soit en Afghanistan ou en Irak. Aucun président américain n’a jamais raccroché le téléphone au nez d’un homologue australien, coupant court, après 25 minutes, à une conversation téléphonique prévue pour durer une heure. Mais Trump l’a fait.

Néanmoins, Mattis a insisté, à Tokyo : « J’ai précisé que notre politique de longue date sur les îles Senkaku se maintient – les États-Unis continueront à reconnaître l’administration japonaise des îles et, en tant que tel, s’applique l’article 5 du traité de sécurité entre les États-Unis et le Japon. » Sans doute, il est significatif que Mattis faisait écho à l’attitude déclarée de l’administration Obama. Mais à la fin de la journée, Tokyo doit se demander si la remarque de Mattis a marqué un changement définitif, suite au ton de la plainte de Trump lui-même disant, quelques temps auparavant, que le traité de sécurité était « unilatéral » [déséquilibré], menaçant ainsi implicitement du retrait des forces des bases militaires au Japon et en Corée du Sud si ces pays ne payaient pas davantage pour leur protection.

Un sondage effectué la semaine dernière par le journal Yomuiri Shimbun a montré que 80 % des sondés s’inquiètent des relations du Japon avec les États-Unis. Le quotidien japonais Mainichi a commenté publiquement : « Nous louons la visite de Mattis au Japon et en Corée du Sud jusqu’à un certain point, mais nous avons encore de sérieuses inquiétudes quant à la future présence des États-Unis dans la région […] il est certain que Trump prendra des décisions liées aux questions économiques et sécuritaires. » Le ministre japonais des Affaires étrangères, Fumio Kishida, tout en accueillant la déclaration de Mattis, a laissé entendre que Trump n’aurait peut-être pas les mêmes vues que son chef du Pentagone et que Tokyo voudrait l’entendre à nouveau de la nouvelle administration.

L’angoisse sous-jacente, et non exprimée, est que Trump pourrait donner la priorité à la région Asie-Pacifique en tant que marché, destination d’investissements et source de capital et de technologie, et que cela pourrait finalement fournir la raison d’être de la prolongation d’une présence militaire forte et active des États-Unis dans la région Asie-Pacifique. En d’autres termes, une fois que la poussière de la transition sera retombée, et que l’administration Trump aura embrayé, cela pourrait se traduire dans une politique critique de relation de coopération pragmatique avec la Chine, qui fixerait la teneur des relations américano-chinoises et modulerait la stratégie américaine dans la région Asie-Pacifique.

En fin de compte, la visite de Mattis pourrait seulement avoir préparé le terrain pour la rencontre du Premier ministre japonais Shinzo Abe avec Trump le week-end dernier. Les deux prévoient de jouer au golf, mais Abe porte avec lui de grands plans d’investissement japonais qui promettent de créer des emplois dans l’économie américaine. Les médias japonais ont annoncé avoir appelé le président de Toyota Motor Corporation, Akio Toyada, pour discuter des projets du constructeur automobile de construire de nouvelles usines aux États-Unis. Abe sera accompagné de son ministre des Finances. Le Japon est soumis à des pressions pour payer, comme souvent dans l’histoire de ses relations avec les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale. La façon dont Trump, l’archétype américain de l’homme d’affaires, renverra l’ascenseur en exprimant le soutien diplomatique et militaire des États-Unis pour le Japon est vivement attendue. Pour autant que les déclarations de Mattis nous guident, elles ne peuvent pas aller au-delà de remarques proforma.

Le joker ici est la politique de Trump au sujet de la Corée du Nord. Tout en réaffirmant l’alliance des États-Unis avec la Corée du Sud et le Japon, Mattis avait pour but de se coordonner avec les deux pays face à la menace nucléaire nord-coréenne. Maintenant, si l’intention de Trump est de poursuivre la question de la Corée du Nord par la voie diplomatique, cela implique des négociations intenses et une coordination étroite avec la Chine, qui doit commencer le plus tôt possible.

On peut faire confiance à Beijing pour accueillir favorablement un tel engagement – et même pro-activement le construire. Le Japon peut anticiper une telle éventualité. Après les pourparlers avec Mattis, dimanche, la ministre des Affaires étrangères Inada a révélé qu’elle lui avait expressément indiqué que le Japon n’impliquerait pas ses forces en mer de Chine méridionale.

Il n’est pas surprenant que les commentaires chinois sur la visite de Mattis dans la région aient été plutôt pour la galerie. L’agenda protectionniste de Trump, ses perspectives « néo-mercantilistes », sa préférence pour les accords commerciaux bilatéraux et l’abandon du TPP – tout cela porte un coup dur au pivot américain vers l’Asie. Autrement dit, la stratégie de confinement devient insoutenable sans le fondement que le TPP aurait apporté.

Le temps travaille en faveur de la Chine. On peut s’attendre à ce que celle-ci accélère son objectif de conclusion rapide du Partenariat économique régional global qui regroupe seize économies asiatiques et qui, sur une lancée parallèle, fera progresser son programme de renforcement de l’intégration dans la région Asie-Pacifique. La Chine a peut-être déjà obtenu une ouverture pour faire basculer en sa faveur l’équilibre géopolitique en Asie.

M.K. Bhadrakumar

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

La Russie et la Chine défendent l’Iran contre Trump

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Elles ne se joindront certainement pas à de nouvelles sanctions, au contraire



Bhadrakumar

Par M. K. Bhadrakumar – Le 8 février 2017 – Source Russia Insider

Les propos tenus lundi par le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, ainsi que ceux du ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont souligné que Moscou a une perspective sur l’Iran diamétralement opposée au président Donald Trump ou à ses hauts fonctionnaires.

Se référant à la qualification donnée par Trump à l’Iran d’« État terroriste numéro un », Peskov a souligné que toute amélioration des relations entre la Russie et les États-Unis sera enracinée dans la réalité que les deux pays ont des positions opposées sur de nombreuses questions, et l’Iran est l’une d’entre-elles :

« Nous ne sommes pas d’accord avec la définition (de Trump). Vous savez tous que la Russie entretient des relations chaleureuses avec l’Iran, nous coopérons sur un certain nombre de questions et nous apprécions nos liens économiques qui, nous l’espérons, vont aller plus loin. Ce n’est un secret pour personne que Moscou et Washington ont des opinions diamétralement opposées sur de nombreuses questions de politique internationale et régionale. En attendant, cela ne peut et ne doit pas être un obstacle lorsqu’il s’agit d’établir une communication normale et des relations pragmatiques mutuellement bénéfiques entre la Russie et les États-Unis. »

Lavrov a salué le rôle de l’Iran dans la lutte contre les groupes terroristes :

L’Iran n’a jamais été complice de liens avec le Front al-Nusra ou Daesh. En outre, l’Iran contribue à la lutte contre Daesh. Nous avons longtemps préconisé l’idée de créer un front antiterroriste unifié. Je suis convaincu que l’Iran doit faire partie de notre effort commun si nous évaluons objectivement les contributeurs potentiels à une telle alliance.

En effet, Moscou suivra également de près le programme de politique étrangère de Trump, dans son ensemble. Après une forte condamnation de la Russie par l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, au sujet de la dernière vague de violence dans l’est de l’Ukraine, Trump a téléphoné au président Petro Porochenko à Kiev samedi, et a également discuté de l’Ukraine avec le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg dimanche. Les commentaires de la Maison Blanche (ici et ) étaient soigneusement rédigés, mais le texte de l’OTAN (ici) mentionnait que les relations avec la Russie figuraient dans la conversation avec Stoltenberg.

Fait intéressant, lors d’une conférence de presse à Moscou dimanche, Lavrov a également précisé que les attentes de la Russie concernant l’administration Trump sont enracinées dans le réalisme :

« Nous sommes prêts à faire notre chemin vers l’amélioration des relations avec les États-Unis […] En même temps, nous comprenons qu’il faudra des efforts sérieux des deux parties pour réparer les graves dommages causés à nos relations bilatérales […] Il serait prématuré de parler du type de relations que nous pourrions avoir avec l’administration républicaine. Nous devons attendre […] pour tirer des conclusions à long terme […] une coopération efficace entre la Russie et les États-Unis est possible, mais uniquement dans le respect mutuel des intérêts des uns et des autres. »

De toute évidence, ce n’est pas comme si les sentinelles du Kremlin ne se souciaient plus de verrouiller les portes principales des tours de Spasskaya, Borovitskaya, Troitskaya et Nikolskaya.

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Tour Spasskaya – Kremlin

Pendant ce temps, le ministère chinois des Affaires étrangères a exprimé son opposition aux sanctions de Trump contre l’Iran. Un commentaire de Xinhua a également noté que « l’aventure diplomatique et l’antagonisme inconscient » de l’administration Trump concernant l’Iran prônent « une ère d’agressivité de la part du nouveau chef suprême des politiques étrangères des États-Unis ». L’évaluation de Moscou ne peut pas être très différente de celle de la Chine concernant le comportement erratique de l’administration Trump.

Dans l’ensemble, même un bon ami d’Israël comme David Ignatius du Washington Post admet que « Il (Trump) a commencé cette confrontation sans beaucoup de préparation ou de planification stratégique […] L’Iran est un ennemi commode pour Trump. Israël et les États arabes du Golfe partagent l’antipathie de l’administration envers l’Iran. » 

Ignatius met en garde contre les dangers :

« Le Commandement central des États-Unis a des milliers de troupes en Irak et dans le Golfe qui pourraient être vulnérables aux représailles iraniennes […] L’Iran est un adversaire endurci […] Toute confrontation doit tenir compte de la position forte de l’Iran en Syrie et en Irak et de sa capacité à contrecarrer l’engagement de Trump à éradiquer État islamique […] L’Iran tient quelques goulots d’étranglement. Son plus fort effet de levier est en Irak […] Les Iraniens peuvent mobiliser des milliers de miliciens chiites irakiens à travers le pays. Les conseillers américains sont vulnérables aux attaques de ces milices soutenues par l’Iran, comme il y a dix ans.

L’Iran est l’un des défis de politique étrangère les plus difficiles auquel Trump devra faire face, et il devrait faire attention à éviter les actions précipitées mal planifiées qui en feraient sa Baie des cochons. »

C’est un avertissement assez sévère, mais éminemment raisonnable. Dans un discours prononcé lundi à Téhéran, le président iranien, Hassan Rouhani, a vraisemblablement laissé entendre à peu près la même chose, dans un contexte persan, en disant que le «paradigme des négociations » sur l’accord nucléaire iranien constituait un « modèle pour les pourparlers de paix syriens au Kazakhstan ».

M.K. Bhadrakumar

Article original paru sur Indian Punchline

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

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La Chine, une nouvelle superpuissance.

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Une entrevue avec le professeur Toshi Yoshihara.


Une interview d’Erico Matias Tavares – Le 8 mars 2017 – Linked In

E. Tavares: – Professeur Yoshihara, merci d’être avec nous aujourd’hui. La Chine a été très occupée à renforcer ses capacités militaires ces dernières années. D’une manière générale, quelles sont ses intentions à moyen et à long terme?

T. Yoshihara: – Une façon de mesurer les intentions à plus long terme de la Chine est d’évaluer ce que disent les dirigeants chinois aujourd’hui. Le président Xi Jinping a formulé une vision pour la Chine pour les prochaines décennies. Cette vision a été qualifiée de « rêve chinois » ou de « grand rajeunissement de la nation chinoise ». Ces slogans en montrent les objectifs, les jalons et les délais.

En termes de délais, les Chinois se réfèrent aux « deux centenaires » : 1) le centenaire de la fondation du Parti communiste chinois en 2021; et 2) le centenaire de la fondation de la République populaire de Chine en 2049.

En 2021, la Chine espère devenir ce que les Chinois appellent une «  société modérément aisée ». Au milieu du siècle, la Chine espère être à la hauteur des autres pays développés. La plupart des mesures pour suivre les progrès de la Chine sont de nature socio-économique : revenu disponible, égalité socio-économique, accès à l’enseignement supérieur, accès aux soins de santé et ainsi de suite. Pour atteindre ces objectifs, la Chine continue de respecter le principe fondamental énoncé par le chef suprême Deng Xiaoping, à savoir la paix et le développement. Le concept de paix et de développement montre que la Chine a besoin d’un environnement extérieur pacifique pour se développer économiquement.

Mais il y a aussi des facteurs externes aux objectifs à long terme de la Chine, en particulier ses relations avec le reste du monde. Le président Xi Jinping a donné son point de vue à ce sujet. Il a discuté des perspectives de « démocratisation » du système international. C’est un code pour parler d’une transition d’un monde unipolaire dominé par les États-Unis vers un monde multipolaire. Au fur et à mesure que la Chine se développe, elle envisage l’émergence d’une nouvelle configuration mondiale dans laquelle elle est une grande puissance parmi d’autres grandes puissances équivalentes, comme l’Union européenne, l’Inde et la Russie. Cela correspond à l’hypothèse du « développement des autres pays ». Alors que la Chine devient très forte, elle cherchera également à modifier les règles qui ont régi l’ordre international actuel de manière à tenir compte de ses propres intérêts en tant que grande puissance.

La montée de la Chine soulève donc une série de questions importantes sur les conséquences pour l’Asie. Que veut la Chine pour l’Asie orientale alors qu’elle se développe ? La Chine cherchera-t-elle à devenir la puissance dominante en Asie orientale ? Cherchera-t-elle à considérablement réduire l’influence des États-Unis dans la région ? Plus inquiétant, la Chine cherchera-t-elle un ordre régional sino-centrique dans lequel plusieurs de ses voisins, y compris le Japon, devront acquiescer à ses prérogatives stratégiques ?

– Donc, le « pouvoir » pour la Chine n’est pas seulement un pouvoir économique, dans lequel elle a fait un spectaculaire bond en avant au cours des dernières décennies. Ce qu’elle envisage également est de s’établir en tant que grande puissance militaire pour pouvoir atteindre les objectifs que vous avez soulignés, n’est-ce pas ?

– Absolument. La montée de la Chine doit être mesurée en termes de « puissance nationale globale », une phrase que les stratèges chinois utilisent pour évaluer l’ascension de la Chine. Une puissance nationale intégrée utilise tous les instruments du pouvoir national, dont la puissance politique, diplomatique, économique, sociale, idéologique, culturelle et, surtout, militaire.

Pendant des décennies, après l’ouverture de la Chine à la fin des années 1970, celle-ci a plus ou moins accepté l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis. Être membre de cet ordre était essentiel pour son développement national. Mais pour rejoindre cet ordre, elle a conclu un accord tacite avec les États-Unis : d’accepter la primauté américaine en Asie orientale en échange de l’accès à l’ordre unipolaire états-unien.

Cependant, comme la Chine est devenue beaucoup plus forte, ce grand marché a été remis en cause, surtout au cours de la dernière décennie. Cette tension se reflète dans un débat en cours en son sein : une grande puissance comme la Chine continuera-t-elle à dépendre de la bonne volonté d’une autre grande puissance, les États-Unis, pour son bien-être économique et sa sécurité nationale? Alors que la Chine devient plus puissante, certains Chinois pensent qu’un pouvoir qui se respecte ne devrait pas dépendre des étrangers, mais doit s’appuyer sur son propre pouvoir, y compris le pouvoir militaire, pour déterminer son destin.

– Est-il juste de dire que l’essentiel de l’impressionnant développement militaire ces derniers temps vise intentionnellement les capacités des États-Unis dans la région et même à contourner les systèmes de défense pour frapper au cœur des États-Unis ?

– Si la Chine cherche à remettre en question ce marché tacite qu’elle a conclu avec les États-Unis, si la Chine cherche à être une grande puissance dans un monde multipolaire, et si la Chine cherche à être la puissance dominante en Asie orientale, alors la Chine doit chercher à réduire le rôle des États-Unis dans la région. Si vous acceptez ces propositions, alors la Chine a clairement besoin de la capacité de contrebalancer la domination militaire de l’Amérique en Asie aujourd’hui.

Mais il y a des contingences spécifiques, y compris celles liées à Taiwan, qui ont forcé la modernisation militaire de la Chine. En particulier, les crises du détroit de Taiwan de 1995-1996 ont montré à la Chine qu’elle avait besoin de capacités militaires pour répondre à la puissance militaire américaine. Au plus fort de la crise, l’administration Clinton a déployé deux groupes de porte-avions dans les environs de Taïwan pour montrer la détermination états-unienne. Les dirigeants chinois ont appris avec horreur qu’ils manquaient d’options militaires crédibles pour répondre à cette démonstration américaine de force. Ils ont ainsi conclu qu’ils avaient besoin de certaines capacités pour s’assurer de ne pas être encore humiliés.

Étant donné le changement structurel de l’équilibre des forces en Asie et les différents points régionaux sensibles qui pourraient impliquer la Chine et l’intervention américaine, il n’est pas surprenant que de nombreuses capacités militaires chinoises correspondent souvent à une cible militaire états-unienne bien identifiée.

– Est-ce qu’ils ont atteint la parité militaire avec les États-Unis et, dans l’affirmative, en quoi?

– En termes de puissance militaire conventionnelle, la Chine n’a pas atteint la parité avec les États-Unis sur tous les plans. Les États-Unis sont toujours qualitativement supérieurs dans de nombreux secteurs de la puissance militaire. Cependant, une telle parité militaire n’est pas nécessaire pour que la Chine pose de sérieux défis aux États-Unis. Dans certains domaines, elle a déjà réalisé d’énormes progrès et a même dépassé les États-Unis.

Il est en fait plus utile de penser à une compétition asymétrique dans laquelle la Chine a dirigé ses forces contre les faiblesses militaires des États-Unis. Par exemple, elle a développé une très grande gamme de missiles qui peuvent être lancés à partir de navires, de sous-marins, d’avions et de camions pour attaquer les plates-formes et les bases américaines dans le Pacifique. Ces missiles ont fourni à la Chine un avantage concurrentiel en mer : des missiles anti-navires chinois relativement peu coûteux pourraient infliger des dommages invalidants à un porte-avions américain qui coûte des milliards de dollars à construire. Et, il ne faut qu’un seul missile pour mettre hors d’action un engin de combat essentiel à la stratégie régionale de l’Amérique en Asie.

Les missiles chinois menacent également les bases américaines dans le Pacifique occidental. Les bases américaines représentent des concentrations massives de capitaux américains dans quelques endroits clés. Cela signifie que la Chine peut diriger la majeure partie de ses missiles contre quelques positions pour infliger des dommages réels à la capacité de l’Amérique à projeter son pouvoir dans la région, si ce n’est la paralyser gravement.

La Chine est en train de devenir très compétitive dans le domaine des missiles, en partie parce que cela comble un vide stratégique laissé par les superpuissances pendant la Guerre froide. Le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire engageait les États-Unis et l’Union soviétique (et maintenant la Russie) à éradiquer des catégories entières de missiles interdites par le traité. N’étant pas contrainte par le traité, la Chine a entrepris une accumulation de missiles qui en fait maintenant la puissance qui repose le plus sur les missiles conventionnels au monde.

– La Corée du Nord développe également de manière agressive ses capacités en missiles, qui pourraient être utilisés pour lancer des têtes nucléaires. Son économie ne peut survivre que grâce au soutien de la Chine. Et cette situation pourrait précipiter l’occurrence de certains des scénarios que vous avez décrits. La Chine utilise-t-elle ce pays comme un proxy pour tester la résolution des États-Unis et de ses alliés régionaux, voire pour les combattre? Ou est elle également concernés par ce qui se passe à Pyongyang?

– La Chine est dans une position peu enviable. Son principal objectif est la stabilité, et bien sur la stabilité le long de sa périphérie. La Corée du Nord entre clairement dans cette catégorie. La Corée du Nord a servi de tampon géostratégique sur la péninsule coréenne. Après tout, Mao est intervenu dans la guerre de Corée pour empêcher un pouvoir non communiste d’être établi aux frontières de la Chine. La Chine abhorre la possibilité que d’innombrables réfugiés coréens traversent la frontière à cause de l’effondrement du régime ou de la guerre. Peut-être encore pire, du point de vue chinois, est la perspective d’une Corée unifiée dirigée par Séoul et alliée aux États-Unis.

Mais la recherche de stabilité ne doit pas faire oublier d’autres problèmes. Les ambitions nucléaires de la Corée du Nord pourraient déclencher une prolifération régionale entre des puissances nucléaires potentielles comme le Japon, la Corée du Sud et Taiwan. Pendant les différentes périodes de la Guerre froide, les trois puissances ont envisagé ou poursuivi une option nucléaire indépendante. Les actions de la Corée du Nord mettent encore plus de pression sur ces pays pour qu’ils reviennent sur l’option impensable. Un Japon nucléaire serait sans doute un cauchemar pour la Chine.

– Il est étrange que les États-Unis doivent faire face à de graves problèmes de sécurité engendrés par l’un de leurs principaux partenaires commerciaux, en fait un important fournisseur de produits manufacturés. Comment le gouvernement des États-Unis a-t-il réagi à cela? Le président Obama a tenté son « pivot vers l’Asie », qui ne semble pas avoir été un franc succès. Sentez-vous un changement à cet égard du coté de la nouvelle administration Trump?

– Les États-Unis ont longtemps poursuivi une politique à double volet envers la Chine. Un de ses volets est l’entente. Depuis des décennies, les États-Unis se sont entendus avec la Chine sur le plan économique, diplomatique, culturel et, dans une moindre mesure, militaire. Cela peut être décrit comme une association complète avec la Chine.

Cependant, ce n’est pas (ou ne devrait pas être) une fin en soi. Il me semble que l’objectif intermédiaire est de faire de la Chine un partenaire responsable. En théorie, la participation de la Chine à l’ordre international libéral mené par les États-Unis donnerait à la Chine un plus grand intérêt à l’ordre actuel et inciterait ainsi Pékin à construire et à défendre cet ordre.

L’autre volet est la dissuasion. La dissuasion exige que les États-Unis maintiennent une présence militaire importante dans le Pacifique occidental pour dissuader la Chine de modifier unilatéralement le statu quo. La dissuasion aide à verrouiller l’ordre actuel et à gagner du temps afin que l’entente avec la Chine puisse réussir. L’entente et la dissuasion sont donc très étroitement liées.

Mais le risque est que cette politique a rendu la Chine très riche et puissante. En fait, la Chine est devenue si riche qu’elle a acquis les outils, militaires et non militaires, pour changer unilatéralement le statu quo. C’est comme nourrir la bête. Et cela nuit à la dissuasion. Cette approche à double volet est donc en tension interne.

Le pivot de l’administration Obama vers l’Asie était en partie destiné à renforcer l’élément dissuasif de l’équation, malgré le niveau d’entente avec la Chine. La stratégie de l’administration Trump envers la Chine n’est pas encore claire, mais nous voyons des indices de son approche. En remettant en question les pratiques commerciales de la Chine et en promettant un renforcement militaire, Trump pourrait être en train de revoir les deux piliers de l’entente et de la dissuasion. Il reste à voir si la modification des deux principes sera plus efficace dans la gestion de la relation entre la Chine aux États-Unis

– Certes, dans le cadre de cet entente, les deux pays ont des liens culturels approfondis. De nombreux étudiants chinois fréquentent des universités américaines, y compris des enfants de cadres du parti. De même, les États-Unis ont investi considérablement en Chine sur plusieurs fronts, y compris des écoles. Cela soulève la question de savoir jusqu’à quel point la Chine sera réellement agressive face à ces scénarios. Tout au long de son histoire, elle ne s’est jamais vraiment aventurée au-delà de ses frontières, militairement au moins. En fait, bien au contraire, elle a été la victime d’invasion, y compris par les Mongols et même par plusieurs puissances occidentales pendant le « siècle de la honte ». Ne pouvons-nous pas dire que ses ambitions géopolitiques sont davantage motivées par des ambitions défensives qu’offensives?

– Cette stratégie de l’entente a clairement produit un grand nombre d’échanges interpersonnels et culturels. La question est de savoir dans quelle mesure ces échanges remodèlent fondamentalement les perceptions chinoises vis-à-vis des États-Unis. Il n’est pas clair pour moi qu’il y ait nécessairement et toujours une corrélation positive.

Regardons l’histoire. Le Royaume-Uni et l’Allemagne avant la Première Guerre mondiale étaient très proches. Beaucoup de membres de la famille royale allemande étudiaient en Grande-Bretagne. Le Kaiser Wilhelm était le petit-fils de la reine Victoria. Il y avait beaucoup d’échanges économiques, diplomatiques et culturels entre les deux pays. Pourtant, l’Allemagne a fait des choix stratégiques qui ont stimulé une rivalité diplomatique et navale avec la Grande-Bretagne.

Plus généralement, il est facile de mal interpréter la détermination des autres nations. Les adversaires du passé ont mal interprété les États-Unis. L’idée que vous pourriez faire reculer les États-Unis en leur donnant un coup de poing était le calcul du Japon impérial quand il a attaqué Pearl Harbor et d’Oussama Ben Laden quand il a orchestré le 11 septembre.

La question est de savoir si ces échanges culturels dissiperont les idées fausses et les préjugés chinois au sujet des États-Unis. C’est difficile à dire.

Que la Chine ait été défensive historiquement est le sujet d’un intense débat. Mais même si nous acceptons le fait que la Chine soit principalement dans une attitude défensive, cela vaut la peine d’examiner comment les voisins de la Chine considèrent l’orientation stratégique de la Chine. Même si la Chine croit sincèrement qu’elle ne cherche qu’à défendre ses intérêts en Asie de l’Est, ceux qui habitent l’Asie, comme le Japon, pourraient tirer des conclusions très différentes sur la posture de la Chine.

– Lorsqu’on se penche sur l’Histoire, l’un des principaux facteurs d’évolution – souvent oublié – est la démographie. Et la Chine semble être en difficulté sur ce point. Quelle est votre point de vue ?

– En raison de la politique de l’enfant unique, la Chine souffre déjà d’un vieillissement rapide et d’un déclin démographique. L’Inde va dépasser la Chine en termes de taille de population dans un avenir pas si lointain. La population active de la Chine a commencé à diminuer en 2012. La population âgée en pourcentage de la population totale augmente rapidement. Comme le dit le cliché, la Chine va devenir vieille avant de devenir riche. En contraste avec le Japon, qui a atteint son stade de déclin démographique après avoir achevé son développement économique.

Ce que cela signifie pour la sécurité de la Chine n’est pas évident. D’une part, le vieillissement de la société risque d’entrainer une aversion au risque. Dans une société à seul enfant, les parents peuvent être moins disposés à risquer de perdre leur unique progéniture dans un conflit sanglant. D’autre part, il est plausible que la démographie puisse contraindre la Chine à agir tôt ou tard pour résoudre les différends avant que le déclin de la population ne restreigne ses choix. En d’autres termes, la Chine peut se sentir pressée de régler les problèmes de sécurité avant qu’il ne soit trop tard.

– Les États-Unis sont également confrontés à des problèmes internes. Comme chacun le sait, sa société est incroyablement divisée aujourd’hui. Les deux parties ne peuvent même pas s’entendre sur la construction d’un mur au sud de la frontière, et encore moins sur une politique de défense plus large. Est-ce que cela compromet la capacité des États-Unis à projeter leur puissance et à défendre leurs alliés en période de crise? Et comment la Chine voit-elle tout cela?

– Les alliés et les amis de l’Amérique dans le Pacifique occidental observent de très près les États-Unis. Même s’ils se sont toujours inquiétés des engagements américains envers la région, les développements politiques aux États-Unis n’ont fait qu’ajouter à leur inquiétude.

La Chine, elle aussi, observe de près les États-Unis. Comme je l’ai expliqué précédemment, la Chine a encore besoin d’un environnement extérieur stable pour se développer économiquement. Cela signifie que des relations instables ou même hostiles avec les États-Unis pourraient nuire réellement aux objectifs à long terme de la Chine. Pour les États-Unis, la question est de savoir si elle peut maintenir le consensus de longue date sur son pouvoir et son but en Asie. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le consensus a été que la primauté américaine dans le Pacifique profite de manière disproportionnée aux intérêts économiques et sécuritaires des États-Unis. Dans quelle mesure ce consensus tiendra sera la question qui se posera à tout le monde, des deux côtés du Pacifique.

– Merci beaucoup pour vos pensées perspicaces.

– Merci.

Toshi Yoshihara est co-auteur de Star Rouge sur le Pacifique: la montée de la Chine et le défi à la stratégie maritime des États-Unis. Il est titulaire de la chaire John A. van Beuren d’études sur l’Asie-Pacifique et est membre affilié de la China Maritime Studies Institute au Naval War College, où il a enseigné la stratégie pendant dix ans.

Traduit par Wayan, relu par Nadine pour le Saker Francophone.

 

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Comment la Russie envisage-t-elle son avenir ?

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Les luttes politiques à Washington ont gêné les plans de nouvelle détente avec la Russie du président Trump, mais ont également laissé le champ de bataille mondial ouvert, ce qui permet aux Russes – et aux Chinois – d’étendre leur influence, nous explique Gilbert Doctorow.


Par Gilbert Doctorow – Le 22 mars 2017 – Consortium News

Alors que les démocrates et les principaux médias des États-Unis se concentrent avec ferveur sur des accusations encore non prouvées d’ingérence russe dans les élections pour expliquer la surprenante défaite d’Hillary Clinton, cette fureur a contraint un président Trump aux abois à renoncer à ses projets de coopération avec la Russie.

Au milieu de cette hystérie anti-russe, les membres du Cabinet de Trump et l’ambassadeur des Nations Unies ont fait de leur mieux pour réitérer les positions politiques intransigeantes de l’administration Obama à l’égard de la Russie, soulignant que rien n’avait changé. Pour sa part, le Congrès a plongé dans un McCarthysme visant les partisans de Trump qui auraient rencontré des Russes avant les élections de 2016.

Pendant ce temps, le Kremlin observe ce qui se passe à Washington. À Moscou, le changement de relations avec les États-Unis que certains avaient espéré est maintenant considéré comme improbable. Par contre, le fait que les États-Unis se déchirent dans leurs combats partisans donne à la Russie un bol d’air frais bien nécessaire, qui la soulage de la pression continue de l’Occident à laquelle elle a été soumise au cours des trois dernières années.

Les élites russes s’expriment de plus en plus sur la façon dont elles envisagent de procéder sur la scène internationale, dans ces nouvelles circonstances. Le mot d’ordre est l’autosuffisance et la poursuite des politiques régionales et mondiales qui ont commencé à se former au cours des deux dernières années, au fur et à mesure que la confrontation avec les États-Unis s’est intensifiée.

Ces politiques n’ont rien à voir avec une attaque contre les États baltes ou la Pologne, scénarios de cauchemar poussés par les néoconservateurs et les interventionnistes libéraux aux États-Unis et dans l’Union européenne. Les plans russes n’ont rien à voir avec la subversion des élections en France ou en Allemagne, une autre histoire sortie de l’imagination fiévreuse occidentale.

Au lieu de cela, les Russes se concentrent sur leurs capacités de défense de la nation et leurs alliances politiques en plein essor, avec la Chine et une foule de pays asiatiques qui, ensemble, peuvent s’opposer au pouvoir de l’Occident. Il est important de comprendre que la vision russe est celle d’un futur monde multipolaire et non un retour au système bipolaire des deux superpuissances datant de la guerre froide, que les élites russes considèrent comme inaccessible, compte tenu de la répartition du pouvoir à travers le monde et des ressources limitées de la Russie.

En d’autres termes, les Russes envisagent un futur ordre mondial dont les grandes lignes remontent au dix-neuvième siècle. En ce qui concerne les détails, les Russes sont maintenant indissolublement liés à la Chine, pour des raisons d’intérêt économique et de sécurité sur la scène mondiale. Il en va de même de leurs relations avec l’Iran, au niveau régional du Grand Moyen-Orient.

Les élites russes sont également fières des relations militaires, économiques et géopolitiques en train de prendre forme avec des pays aussi éloignés que la Libye, l’Égypte, la Turquie, le Pakistan et la Thaïlande [les Philippines aussi, qui viennent d’octroyer à la marine russe le libre accès à leurs eaux territoriales et leurs ports, NdT]. Les informations sur les percées avec chacun de ces pays sont annoncées quotidiennement dans les émissions de télévision russes.

Les intérêts au Moyen-Orient

Les élites russes ont bien remarqué que les États-Unis avaient mal compris la position de Moscou en Syrie depuis le début de la guerre. La priorité de la Russie n’a jamais été de maintenir le régime d’Assad au pouvoir, mais plutôt de conserver sa position au Moyen-Orient. La Russie était déterminée à maintenir sa base navale à Tartus, qui est importante pour soutenir la présence de la Russie en Méditerranée orientale. Plus largement, l’objectif de Moscou était de rétablir l’influence russe dans une région stratégique où la Russie était autrefois un acteur important, avant l’effondrement de l’Union soviétique.

La perte de l’Europe de l’Est n’est pas oubliée en Russie, même si l’hégémonie américaine est reconnue comme une réalité du présent. Mais rien ne dure toujours, et les Russes s’attendent à être de retour, en tant que force majeure dans la région, non par la conquête militaire, mais par une logique économique et stratégique qui les favorise à long terme. Bien que de nombreuses élites d’Europe de l’Est aient été rachetées par les États-Unis et l’Union européenne, de nombreux citoyens ont été les principaux perdants de l’ordre états-unien post-Guerre froide, souffrant de la désindustrialisation et de l’émigration à grande échelle dans les pays européens plus développés, atteignant jusqu’à 25 % de la population dans certains endroits. Ces pays d’Europe de l’Est ont peu à offrir à l’Europe occidentale, sauf comme destinations touristiques, alors que leur potentiel commercial avec la Russie est immense.

Le week-end dernier, la télévision russe a diffusé des images de manifestations en Pologne, en Bulgarie, en Roumanie et en Moldavie que vous n’avez pas vues sur Euronews. L’objet de cette colère populaire était le spéculateur financier milliardaire George Soros et ses affiliés de l’« Open Society« . Le journaliste russe a expliqué que ces manifestations – opérant sous la bannière de « Soros Go Home » – sont devenues possibles maintenant, parce que l’administration Trump l’a laissé tomber.

Il serait naïf de ne pas voir une certaine assistance officielle russe à ces manifestations coordonnées dans une grande partie de l’Europe de l’Est, mais les Russes renvoient simplement aux États-Unis la monnaie de la pièce, puisque ces « organisations non gouvernementales » états-uniennes sont très occupées à subvertir les gouvernements légitimement euro-sceptiques de ces pays, en coopération avec celles de Soros.

Pas la Guerre froide de votre grand-père

Mais il y a des différences essentielles, entre ce qui se passe maintenant et du temps de la Guerre froide. La Guerre froide initiale n’était pas uniquement caractérisée par la rivalité militaire et géopolitique entre les deux superpuissances mondiales, les États-Unis et l’Union soviétique. Il s’agissait aussi d’une rivalité idéologique entre, d’un côté, le capitalisme de marché libre et la démocratie parlementaire et, de l’autre, les économies planifiées et le régime monolithique du Parti communiste.

Pendant la présidence Nixon, une politique de détente a été mise en place, qui a incarné un principe de coexistence entre ces principes concurrents d’organisation de la société humaine, dans l’intérêt de la paix mondiale. Il y en a qui soutiennent que nous n’avons pas de Nouvelle Guerre froide aujourd’hui, parce que la dimension idéologique manque, bien qu’il y ait des différences de principes évidents entre les U.S./E.U, socialement libéraux, et une Russie plus socialement conservatrice. Mais ces différences ne constituent pas un véritable conflit idéologique.

Le vrai champ de discorde est la façon dont chaque partie conceptualise aujourd’hui la gouvernance mondiale. À ce niveau, il est logique de parler d’un clivage idéologique, parce qu’il existe un vaste corpus de pensée pour étayer ces opinions concurrentes, qui incluent : la globalisation contre l’État souverain; la politique étrangère fondée sur les valeurs opposée à la politique étrangère fondée sur les intérêts; un ordre global établi par la victoire totale de la démocratie libérale sur toutes les autres formes de gouvernance nationale ou un équilibre des forces et un respect des différences locales; l’idéalisme contre le réalisme. L’Occident a généralement favorisé les premières options, tandis que la Russie et la Chine dirigent un bloc de nations favorisant généralement les deuxièmes options.

Pendant sa campagne et dans son discours inaugural, Donald Trump a parlé en termes réalistes, suggérant que les États-Unis abandonneraient leur idéologie idéaliste des 25 années précédentes, qui impliquait des stratégies coercitives de « changement de régime » pour imposer les valeurs politiques et les systèmes économiques occidentaux dans le monde. Au lieu de cela, Trump a suggéré qu’il ferait des affaires avec la Russie et avec le monde dans son ensemble sans imposer des solutions américaines, en acceptant essentiellement les principes dont les russes font la promotion depuis leur opposition publique aux États-Unis, en 2007.

Toutefois, étant donné le recul de Trump sur la politique étrangère ces dernières semaines – sous les féroces attaques des centres de pouvoir de Washington, affirmant une collusion possible entre la campagne Trump et la Russie – nous pourrions nous retrouver avec quelque chose ressemblant au nouveau départ qu’Obama à cherché à mettre en place au début de son mandat en 2009, mais qui n’a jamais été aussi loin qu’une détente/coexistence. Il est resté limité à la coopération dans des régions isolées, où les intérêts des États-Unis et de la Russie étaient censés coïncider.

La seule différence que nous pourrions constater de la part d’une administration Trump bien coincée, est un moindre penchant pour les opérations de changement de régime et une reprise de quelques contacts bilatéraux avec la Russie, qui ont été interrompus quand Obama a décidé de pénaliser la Russie pour son intervention en Crimée et dans le Donbass en 2014.

En supposant que les Républicains néocons et les Démocrates va-t-en-guerre de Washington ne mettent pas Trump dans une situation politique désespérée, il pourrait au moins engager des relations avec Moscou sur un ton plus poli et diplomatique. Cela pourrait être mieux que ce qu’envisageait Clinton, mais ce n’est certainement pas le début d’un nouvel âge d’or collaboratif.

Le recul des objectifs de bonne relation entre l’administration Trump et la Russie est logique, en raison d’une autre réalité qui est devenue claire, maintenant que son équipe de conseillers et hauts fonctionnaires se remplit, à savoir qu’il n’y a personne dans son cabinet ou dans son administration, qui puisse guider le président néophyte alors qu’il essaie de négocier un nouvel ordre mondial et de conclure un « grand accord » avec Vladimir Poutine, comme Trump aurait pu espérer le faire.

Jared Kushner, le beau-fils de Trump, n’a pas l’expérience et la profondeur nécessaires pour être un penseur stratégique de classe mondiale. Le secrétaire d’État de Trump, Rex Tillerson, possède des compétences d’entreprise grâce à ses années chez Exxon-Mobil, mais manque également d’une vision stratégique. Beaucoup d’autres postes essentiels sont allés à des généraux militaires qui peuvent être des administrateurs compétents, mais qui ont une expérience politique ou diplomatique limitée. Il a été question de conseils venant de Henry Kissinger, mais il n’a pas été vu ou entendu récemment, et il est douteux qu’à son âge avancé et avec sa fragilité, il puisse fournir des conseils cohérents.

Pendant que Trump lutte pour survivre aux attaques répétées contre sa nouvelle administration, il est également distrait de la réalité d’un monde en rapide évolution. Si et quand il se concentrera sur la situation géopolitique, il pourrait bien avoir à rattraper la Russie et la Chine, alors qu’elles sont en train de passer des accords avec d’autres acteurs régionaux et de combler le vide laissé par le désordre politique étatsunien en cours.

En supposant que Trump puisse attirer des conseillers talentueux doté d’une profondeur stratégique, il faudrait encore une vision énorme et des compétences diplomatiques équivalentes, pour conclure un « grand accord » qui pourrait marquer le début de la fin du chaos violent qui balaye une grande partie du monde depuis 2001. Si et quand cela deviendra possible, un tel accord pourrait ressembler à un « Yalta-2 », triangulaire, impliquant les États-Unis, la Russie et la Chine.

Gilbert Doctorow

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone

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Xi Jinping, la Grande Muraille de fer et la nouvelle Route de la soie

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Le recours à des mesures extrêmes contre la contagion islamiste dans la région autonome du Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, pourrait entraver l’initiative One Belt, One road (la nouvelle Route de la soie).


Par Pepe Escobar – Le 16 mars 2017 – Source Asia Times via entelekheia.fr

Paramilitary policemen stand in formation as they take part in an anti-terrorism oath-taking rally, in Kashgar, Xinjiang Uighur Autonomous Region, China, February 27, 2017. Photo: Reuters.
Des policiers paramilitaires sont en formation alors qu’ils prennent part à un rassemblement anti-terroriste, à Kachgar, dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine, le 27 février 2017. Photo: Reuters.

 

Quand le battage médiatique sur la rencontre au sommet Trump–Xi prévue à Mar-a-Lago se transformera en fait de terrain, le mois prochain, les deux présidents devront bien se mettre d’accord sur au moins une question : le « terrorisme islamiste radical » – comme le désigne la terminologie de Trump.

Donald Trump s’est appuyé sur une interdiction d’entrer dans le territoire des USA adressée aux ressortissants de certains pays musulmans ; une décision controversée, destinée – en théorie – à restreindre l’afflux de radicaux islamistes potentiels dans le pays ; son homologue chinois, Xi Jinping, avec des députés du Xinjiang rencontrés en marge du congrès de l’Assemblée nationale populaire à Pékin, a annoncé une « Grande Muraille de fer » métaphorique pour protéger le Far West de la Chine.

L’affaire concerne principalement le Mouvement d’indépendance du Turkestan oriental (MITO), actif dans le Xinjiang, que Cheng Guoping, Commissionnaire d’État pour le contre-terrorisme et la sécurité, décrit comme « le plus grand défi à la stabilité sociale, au développement économique et à la sécurité nationale de la Chine ».

Le Mouvement d’indépendance du Turkestan oriental est une organisation terroriste séparatiste, qui selon Cheng, vise à « l’indépendance du Xinjiang. »

Il a été désigné organisation terroriste par l’UE, les USA, la Russie, la Chine, les EAU, le Pakistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan, entre autres. Il est discutable que le mouvement soit réellement un groupe séparatiste unifié, mais les services de renseignement chinois le voient comme tel.

L’affaire concerne aussi, comme c’était à prévoir, ISIS/ISIL/Daech.

Daech a récemment sorti une vidéo en ouïgour, le langage turcique écrit en caractères arabes parlé par les musulmans du Xinjiang, qui montrait des djihadistes à l’entraînement quelque part en Irak, avant de trancher la gorge à un informateur supposé.

Mais le point essentiel de la vidéo est un segment de 30 secondes qui contient la première menace directe de Daech adressée à Pékin. Quelques instants avant l’exécution, un combattant – dans la traduction qu’en a fait le SITE Intelligence Group, une compagnie américaine qui suit les activités en ligne des organisations terroristes – s’exclame :

Oh, vous les Chinois qui ne comprenez pas ce que dit le peuple ! Nous sommes les soldats du califat, et nous viendrons clarifier notre message envers vous avec la langues de nos armes, faire couler des rivières de sang et venger les opprimés.

Les services de renseignement chinois surveillent de près les Ouïgours qui se sont métastasés en djihadistes dans le « Syrak », après avoir fait le voyage illégalement via l’Asie du Sud-Est et la Turquie. Pékin est aussi alarmé à l’idée de leur retour sur le sol chinois que Moscou à propos du retour des djihadistes tchétchènes ou d’autres djihadistes issus du sud du Caucase.

Et puis il y a un troisième élément surprenant. La vidéo de Daech signale l’excommunication formelle du Parti islamique du Turkestan (PIT), qui est essentiellement al-Qaïda au Xinjiang.

Les leaders et le noyau dur des combattants du PIT, basés dans les zones tribales du Pakistan et protégés par les Tehrik-e-Taliban (les Talibans du Pakistan), ont lancé plusieurs attaques transfrontalières au cours de ces dernières années. Leur but déclaré est d’installer un califat en Asie centrale, mais soumis au chef actuel d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, et non au calife autoproclamé de Daech, al-Baghdadi.

Une question-clé consiste à savoir si le Mouvement d’indépendance du Turkestan oriental et le Parti islamique du Turkestan sont une seule et même entité. Les djihadistes ouïgours sont notoirement secrets et fuyants. J’en avais rencontré quelques-uns dans les prisons du commandant Massoud, le « lion du Pandjchir », dans le nord de l’Afghanistan, seulement trois semaines avant les attentats du 11 septembre – et ils n’admettaient même pas l’existence du Mouvement d’indépendance du Turkestan oriental. Ils niaient aussi tout lien avec al-Qaïda, suivant en cela l’exemple du leader de l’époque du MITO, Hasan Mahsum. Ils insistaient seulement sur leur but principal déclaré, l’indépendance envers la Chine.

Pékin considère essentiellement le PIT comme une nouvelle forme du MITO ; les hauts officiels comme Cheng Guoping continuent à se référer à tous les djihadistes ouïgours sous le nom de MITO. Comme il s’agit d’un mouvement fluide qui concentre des visions multiples dérivées du séparatisme, il est plus sûr de dire que le « MITO » désignait les quelques centaines de combattants ouïgours actifs avant l’annonce officielle de la création du PIT en 2006.

L’histoire se complique de connotations supplémentaires. Le MITO était auparavant connecté au Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), co-fondé par le célèbre djihadiste Juma Namangani, un ex-parachutiste soviétique mort en Afghanistan en 2001. Le MIO, pour sa part, était connecté aux Talibans afghans. Puis, au milieu des années 2000, il y a eu une séparation ; et la connexion/protection du MITO est passé aux Talibans pakistanais.

La vidéo de Daech choisit de se référer au PIT, pas au MITO. Bien qu’il ne soit pas aussi sophistiqué que Daech, le PIT possède aussi sa propre opération médiatique multilingue, Sawt al-Islam (la Voix de l’Islam), qui comprend même la publication d’un magazine du Turkestan islamique.

Au delà du bourbier de la terminologie, les services de renseignement chinois devront peut-être finir par élever une Grande Muraille de fer sur deux fronts : contre Daech et les djihadistes ouïgours combattant à ses côtés en Syrie et en Irak, qui peuvent revenir au Xinjiang ou au Pakistan, et contre les ramifications/variantes d’al-Qaïda dénommées PIT. Selon Michael Clarke, un expert du Xinjiang au National Security College de l’université nationale australienne, les suggestions d’un éclatement des factions ouïgoures pourrait « intensifier la menace envers la Chine » parce qu’elles indiquent que les terroristes ouïgours pourraient à l’avenir accéder aux moyens d’al-Qaïda aussi bien que de Daech.

Daech s’est donné pour but de séduire des meutes de chiens de réserve non seulement en Afrique du Nord, mais aussi en Indonésie, au Pakistan et dans le nord-ouest de la Chine. Il y a au bas mot 23 millions de musulmans, pour la plupart des sunnites, en Chine – quand nous y ajoutons les Ouïgours principalement basés au Xinjiang et les Huis, une minorité ethnique résidant dans les provinces de Gansu, Qinghai et Ningxia, c’est deux fois la population de la Tunisie, un terrain de recrutement fertile. Depuis 2014, al-Baghdadi a désigné la Chine comme cible du djihadisme. Daech a décapité un otage chinois en novembre 2015. Daech a sorti des vidéos en mandarin pour séduire les Huis.

Entre le marteau séparatiste et l’enclume djihadiste

La vidéo de Daech, produite par l’unité de la province d’al-Furat du groupe, dans l’ouest de l’Irak, dans laquelle des djihadistes ouïgours promettent de revenir à la maison et de « faire couler des rivières de sang », est sortie le dernier jour (27 février) d’une série de démonstrations de masse de forces de police militaire, dans le Xinjiang, destinées à souligner l’engagement du gouvernement contre les menaces à la sécurité.

Une coïncidence ? Peut-être. Mais il y a peu de doutes sur la détermination de Daech à étendre le djihad jusqu’à des endroits lointains, à mesure de sa perte de terrain en Syrie et en Irak, ou de la Chine à empêcher les doléances des Ouïgours de se transformer en djihadisme dans sa plus grande province, et qui plus est, sur le chemin de la nouvelle Route de la soie.

La province du Xinjiang est cruciale pour le projet One Belt, One Road. Population : 20 millions d’habitants subdivisés en 47 groupes ethniques, dont 9 millions de Ouïgours.

One Belt, One Road, la désignation officielle de la nouvelle Route de la soie, est l’entreprise la plus importante du président Xi, que ce soit au plan des affaires étrangères ou de l’économie. Le Xinjiang, une province du centre de l’Asie, grande comme la Mongolie, la France, l’Italie et le Royaume-Uni réunis, est un maillon géographique crucial, bordé par la Mongolie, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde. Assis sur de vastes réserves d’énergie et de minéraux, il produit la majeure partie du gaz chinois et deviendra le centre de la connexion entre la Chine et l’Asie centrale et de l’Ouest, le cœur du dédale prévu de voies ferroviaires à haute vitesse, de pipelines et de fibres optiques. Sa capitale, Ürümqi, est en passe d’être transformée en plateforme technologique. Les troubles dans le Xinjiang signalent d’énormes problèmes pour l’initiative One Belt, One Road. On peut parier en toute certitude que Pékin ne le tolérera pas.

Depuis août 2016, la région autonome du Xinjiang ouïgour, comme elle est officiellement appelée, est dirigée par Chen Quanguo, Secrétaire du Parti communiste de la région, membre du 18e Comité central du PCC et candidat prometteur au 19e politburo, où il doit être élu en octobre prochain.

Avant de prendre son poste au Xinjiang, Chen était Secrétaire du Parti communiste de la région autonome du Tibet. Il a l’expérience des troubles dans les régions frontalières multi-ethniques, Pékin lui fait confiance, et il se tenait aux côtés de Xi Jinping lors de l’annonce de la politique de la Grande Muraille de fer.

Lors de son mandat à la tête du Tibet, Chen a repris des méthodes de contrôle social héritées des anciennes dynasties chinoises, le système baojia de groupes de voisins se surveillant mutuellement appelé aujourd’hui « système en grille de gestion sociale », avec des myriades de postes de police à Lhassa et dans les plus petites villes, et des réseaux de citoyens installés dans tous les pâtés de maisons pour se surveiller les uns les autres, imposer des comportements corrects et identifier les étrangers suspects et les fauteurs de troubles potentiels.

Ces méthodes sont aujourd’hui reprises de la capitale Ürümqi jusqu’à Korla, Aksu, Kachgar et Hetian. Et si le contrôle social et la surveillance en grille s’avéraient insuffisants, Chen pourrait avoir recours aux forces de la Police armée du peuple – la police dont les unités ont défilé à la vue de tous à la fin février.

Les enjeux sont élevés. Il y a un compromis à trouver entre des contrôles sociaux judicieusement administrés, et acceptés d’assez bonne grâce pour satisfaire à leurs buts, et des contrôles trop restrictifs, qui seraient vécus comme une répression et finiraient par déclencher des réactions violentes. Il reste à voir si la Grande Muraille de fer de Chen et Xi suffira à endiguer le séparatisme et le djihadisme, ou si une application disproportionnée de fer portera un coup sérieux à l’entreprise d’infrastructures la plus ambitieuse du siècle.

Pepe Escobar

Note du traducteur

Selon un article de janvier 2016 de Seymour Hersch dans la London Review of Books, les djihadistes ouïgours entraînés en Syrie et en Irak par les multiples groupes terroristes qui opèrent dans la région auraient été acheminés jusqu’au Moyen-Orient par la Turquie, qui leur aurait fourni le transport, les moyens, des passeports, etc. La guerre en Syrie sert-elle de plateforme d’entraînement pour ensuite mener des actions contre la Russie et la Chine ?

Par ailleurs, sur le site de l’une des ONG de « droits de l’homme » dédiées au Ouïgours, la Uyghur American Association (association en partie financée par les USA via le NED), un rapport intitulé End of the Road: One Belt, One Road and the Cumulative Economic Marginalization of the Uyghurs en date du 6 mars 2017 indique que l’initiative One Belt, One Road « imposera la domination de la Chine sur le Turkestan oriental » (autrement dit le Xinjiang) au détriment des droits des Ouïgours, qui seront « marginalisés » (sic)...

Traduction Entelekheia

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C’est du gâteau : la nouvelle norme de la politique étrangère de Trump

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Par Pepe Escobar – Le 13 avril 2017 – Source Sputnik News via entelekheia.fr

Et voici la déclaration suivante du Commandant-en-chef de l’École de Politique Étrangère de la Belle Part de Gâteau au Chocolat sur la question de sa prochaine action contre la Corée du Nord.

« Nous envoyons une armada. Très puissante. Nous avons des sous-marins. Très puissants. Beaucoup plus puissants que des porte-avions. Ça, je peux vous le dire. »

NdT : Dans cette vidéo d’une interview de Trump par Fox News, il expose qu’au cours du dîner offert à Xi Jinping à Mar-a-Lago, alors que le président chinois était en train de manger « la plus belle part de gâteau au chocolat que vous ayez jamais vue », il lui a annoncé « avoir lancé une attaque de 59 missiles contre l’Irak  – Vous voulez dire contre la Syrie ?  le reprend la présentatrice. Oui, contre la Syrie. »

Comme si bombarder la Corée du Nord, qui possède des armes nucléaires, c’était autant de gâteau que lancer des missiles sur une base militaire semi-déserte en Syrie. Mais, ça, c’est la beauté d’une politique étrangère en forme de boîte de chocolats ; vous ne savez pas ce que vous allez y trouver.

L’OTAN était « obsolète ». Ensuite, elle « n’était plus obsolète ». La Chine manipulait les monnaies. Puis elle ne manipulait plus les monnaies. Il n’allait plus y avoir d’aventurisme militaire au Moyen-Orient. Puis, retour aux politiques d’Hillary et bombardement de la Syrie. La Russie était censée devenir un partenair – à la base pour des accords gaziers et pétroliers, pendant qu’un remix de la devise « diviser pour régner » signé Kissinger se chargerait de tenter de séparer la Russie de sa partenaire stratégique, la Chine. Aujourd’hui, la Russie est mauvaise parce qu’elle soutient « l’animal » Assad (sic).

D’autres choses ne changent jamais. L’Iran continuera à être diabolisé. Le combo OTAN-Conseil de coopération du Golfe continuera d’être soutenu. La Maison des Saoud, qui terrorise le Yémen, restera une proche alliée dans la Guerre Globale contre la Terreur.

C’est comme si toute la machine dysfonctionnelle de l’administration Trump était devenue prisonnière de la nécessité de justifier les retournements de veste et les mensonges flagrants de son Commandant-en-chef des parts de gâteau au chocolat assaisonnées aux Tomahawks, alors qu’avant, Trump tirait sa force de ses dénonciations de l’hypocrisie et des mensonges inhérents aux élites américaines et à l’État profond.

Xi est au téléphone

Les services de renseignement russes ont probablement – et correctement – conclu que le but principal de la visite à Moscou du Secrétaire d’État « T-Rex » Tillerson était de calmer le jeu autant que possible, alors que Trump se tourne vers une confrontation avec Pyongyang. Washington ne peut tout simplement pas gérer des crises multiples, simultanées, en Syrie, en Ukraine, en Corée du Nord, en Mer de Chine méridionale et en Afghanistan. La date-butoir est le 9 mai ; les élections présidentielles en Corée du Sud pourraient bloquer toute possibilité d’attaque des USA contre la Corée du Nord.

Les médias sud-coréens et japonais ont rapporté, sur le ton de l’hystérie, que la République populaire de Chine a déployé 150 000 soldats des 16e, 23e, 39e et 40e divisions à la frontière de la Chine et de la Corée du Nord. Ces forces ne sont pas agressives ; elles sont plutôt là pour coordonner les efforts de soulagement d’une crise éventuelle de réfugiés dans le cas – consternant – d’une seconde guerre de Corée.

Le ministère chinois de la Défense a publié un déni de non-déni sur le déploiement. Mais l’élément crucial a été l’appel subséquent de Xi Jinping à Trump. Sa première priorité était de réfuter les rumeurs grandissantes des médias américains selon lesquelles Pékin approuverait des frappes américaines contre la Corée du Nord (au contraire, Pékin est sérieusement inquiet). Les médias chinois ont souligné que selon les propos de Xi à l’impulsif Trump, la seule sortie possible de cette crise est de travailler à une dénucléarisation pacifique de la péninsule coréenne.

Sa deuxième priorité était de réfuter les rumeurs de type « fake news » selon lesquelles Xi, en mangeant son gâteau au chocolat assaisonné de Tomahawks à Mar-a-Lago, aurait approuvé les frappes américaines en Syrie. Dans son appel téléphonique, Xi a réaffirmé sa position : la seule solution pour la Syrie réside dans la diplomatie.

Avec l’École de Politique Étrangère de la Belle Part de Gâteau au Chocolat comme nouvelle norme, personne n’a plus la moindre idée de la politique de Washington en Syrie, ou de qui en tient les commandes (c’était l’information-clé que Lavrov tentait de soutirer à Tillerson.)

La politique précédente était claire ; une balkanisation light, avec une enclave kurde dans le désert de l’est vouée à être dirigée par des pantins des USA tels que le Parti de l’union démocratique kurde ; l’absorption d’une autre zone du plateau du Golan par Israël ; une zone au nord pour la Turquie ; et assez de territoire immobilier pour les sunnites et tout un assortiment de djihadistes.

Même avant le spectacle des Tomahawks, les officiels des services de renseignements militaires des USA émettaient de sérieux doutes sur ce qui allait devenir la narrative officielle de la Maison-Blanche sur l’attaque chimique d’Idlib. Des experts à la retraite, y compris Ray McGovern (ex-analyste de la CIA), Phil Giraldi et Bill Binney, ont écrit un mémo à Trump pour demander une enquête honnête, indépendante – Lavrov a fait la même demande au cours de sa conférence de presse avec Tillerson. La narrative officielle a également été dénoncée par un professeur du MIT comme « totalement fausse ».

Indépendamment du fait de savoir si Trump a vu la lumière via une vidéo postée par les Casques blancs sur Youtube ou si l’axe néocon/libéralcon l’a poussé dans la voie des Tomahawks, les faits de terrain restent les mêmes.

Moscou ne va tout simplement pas céder sa sphère d’influence en Syrie à Donald Trump ou à l’État profond. La Russie a quasiment gagné la Guerre de Syrie en empêchant la formation d’un Émirat du Takfiristan, et en désamorçant la possibilité d’un regroupement de djihadistes russes/tchétchènes/ouzbèkes alliés au Front al-Nosra et/ou Daech revenant semer la pagaille dans le Caucase. Sans oublier que plus de 75% de la population syrienne est désormais regroupée dans les zones du pays contrôlées par Damas.

Dans le doute, semez le chaos

Le Parti de la Guerre/complexe militaro-industriel-renseignements-médias veut des guerres, n’importe quelles guerres ; c’est bon pour le business et les cotations. Les néocons veulent une guerre pour contenir l’Iran. Le professeur Stephen Cohen est alarmé, à juste titre. Personne ne sait si Trump n’est pas aujourd’hui un simple otage de James «  Mad Dog » Mattis, de HR McMaster et compagnie qui croit naïvement tenir les commandes, ou s’il a perfectionné une prise de jiu-jitsu géopolitique de génie impossible à décrire sur Twitter.

Un analyste américain dissident des renseignements, basé au Moyen-Orient, dépeint un tableau beaucoup plus sombre : « Les USA ne vont pas tolérer qu’une alliance Russie-Chine fasse basculer l’équilibre des forces en leur faveur. La Corée du Nord et la Syrie ne sont que des pions dans ce combat, qui n’a presque aucune signification pour eux. Les Russes pensent que les USA veulent leur faire la guerre, même s’ils ne sont pas sûrs des performances réelles des boucliers antimissiles russes S-500. Les Russes disent qu’il faut s’attendre à d’autres attentats sous faux drapeau en Syrie, alors que dans le même temps, les Chinois révisent les engagements des USA à leur égard en se fondant sur ce qu’ils ont vu en Syrie. »

Le président Poutine a presque carrément dit, face aux caméras, que Moscou ne peut pas faire confiance à Washington. La Russie a patiemment bâti sa capacité de défense antimissiles – à tel point que son espace aérien pourrait bien être impénétrable avant la fin de la décennie.

Dans le passé, Lavrov a fait de multiples allusions au « chaos maîtrisé » – une méthode de « renforcement de l’influence américaine » qui exhibe des « projets » destinés à être « lancés loin des USA, dans des régions cruciales pour le développement économique et financier mondialiste. » L’École de Politique Étrangère de la Belle Part de Gâteau au Chocolat peut avoir forcé tout le monde à se perdre dans une mascarade. Mais Moscou et Pékin semblent la voir pour ce qu’elle est ; encore une autre facette du chaos impossible à maîtriser.

Pepe Escobar

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La rencontre entre Trump et Xi Jinping.

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Donald charme Xi pour essayer de briser le partenariat Moscou-Pékin.


Par Sputiknews – Le 9 avril 2017

La semaine dernière, [au cours de leur rencontre à la résidence de Trump, Mar a Lago, NdT]  le président Donald Trump et le président chinois Xi Jinping, se sont accordés sur une série de points, y compris un nouveau plan commercial de 100 jours. Les observateurs disent que Washington travaille activement à tenter de briser le partenariat stratégique russo-chinois, mais ajoutent que la division internationale du travail rend ces plans voués à l’échec.

Vendredi, Trump a déclaré que les États-Unis avaient fait « des progrès considérables » dans ses relations avec Pékin après le sommet historique de jeudi et vendredi entre Xi Jinping et lui.

Les deux pays ont convenu d’établir un nouveau canal pour la communication militaire de haut rang afin d’éviter les incidents et de renforcer la coopération existante entre militaires, à tous les niveaux. Ils ont également conclu un plan de 100 jours de négociations commerciales visant à accroître les exportations des États-Unis et à réduire leur déficit commercial avec la Chine. Enfin, les responsables américains ont signalé que les deux parties avaient convenu de la nécessité de coopérer pour que Pyongyang abandonne ses ambitions nucléaires.

La réunion de Mar-a-Lago a coïncidé avec les frappes de missile de croisière américaines contre la Syrie, jeudi soir. Le président Trump a informé son homologue chinois de l’attaque lors de leur dîner ensemble. Dans cette ambiance, la petite-fille de Trump a chanté pour le dirigeant chinois et a récité un poème en chinois.

Des observateurs russes ont suggéré qu’une telle utilisation démonstrative de la « carotte et du bâton » dans les négociations démontre l’extrême importance que les États-Unis accordent à leurs relations avec la Chine. Cela contraste fortement avec la rhétorique du président lors de la campagne électorale, lorsqu’il affirmait que Pékin était un « manipulateur de devises », qu’il avait « violé » l’économie américaine et que l’argent et les emplois volés aux États-Unis par la Chine étaient « le plus grand vol de l’histoire du monde ». Maintenant, disent les analystes, le comportement de Trump témoigne du désir d’établir des liens plus étroits avec Pékin, aux dépens de Moscou.

Cependant, tout le monde n’est pas convaincu du succès de la tactique étasunienne, en particulier en ce qui concerne l’affaiblissement des liens russo-chinois. Sergei Sudakov, politologue et professeur à l’Académie des sciences militaires, estime que tout effort de Washington pour séparer Pékin de Moscou échouera.

« Le plus grand problème pour les États-Unis en ce moment est que Donald Trump n’a pas encore décidé de sa politique étrangère, a déclaré M. Sudakov. C’est pour cette raison que sa rencontre avec Xi Jinping a eu lieu dans le contexte d’événements dans la province de Homs (où les États-Unis ont lancé des missiles de croisière contre le gouvernement syrien). Bien sûr, Trump voulait impressionner le dirigeant chinois et montrer qu’il considère que sa tâche est de déchirer le lien entre la Chine et la Russie. »

Au cours des dernières années, rappelle l’expert, un triangle de grandes puissances s’est formé, dont les États-Unis, la Chine et la Russie constituent les trois angles. « Il vaut la peine de rappeler ce que Xi Jinping a déclaré lors du dernier forum de Davos. Il a déclaré que le monde change et que les États-Unis ne pouvaient plus dicter au monde la manière d’agir et qu’ils ne pouvaient plus être l’hégémonie mondiale unique. » Le système mondial, a-t-il dit, a besoin d’équilibre.

« En retour, suggère Sudakov l’objectif de Trump a été de montrer que les États-Unis restent le leader [mondial] […] Cependant, la question clé est celle du commerce entre les États-Unis et la Chine. Aujourd’hui, la Chine a un excédent commercial de 200 milliards de dollars. La tâche du président américain est d’accroître les échanges entre les deux pays d’environ mille milliards de dollars. »

Le président Xi, pour sa part, « n’a pas été inspiré par sa rencontre avec Trump, estime Sudakov. Il n’a pas entendu les propositions qu’il s’attendait à entendre du dirigeant de la puissance mondiale. Il y a eu beaucoup de platitudes et de bons vœux mutuels, mais la Russie reste plus proche de la Chine que les États-Unis », mis à part le coté commercial. « En d’autres termes, remarque l’expert, l’expansion des relations bilatérales entre Washington et Pékin peut être appelée une politique d’’amis assermentés’… »

Le politologue et expert de l’Eurasie, Leonid Krutakov, est d’accord avec son collègue. Selon lui, la Russie et la Chine sont destinées à une coopération stratégique, en raison des particularités de la division internationale du travail et de la répartition inégale des ressources à travers la planète.

Les États-Unis, dit-il, peuvent être classés comme une économie transactionnelle, la politique de la Réserve fédérale la transformant consciemment en prestataire de services institutionnels pour toutes les autres économies, d’où la concentration de banques, de compagnies d’assurance, de la R & D, etc. qu’on trouve aux États-Unis. Ceci, cependant, a entraîné des effets secondaires majeurs, y compris la mort de l’industrie américaine, qui a déménagé en masse en Chine, créant ainsi des problèmes de chômage généralisé et de dégradation régionale.

« L’Allemagne est également importante en tant que puissance de haute technologie, mais elle n’est pas perçue comme dangereuse pour les États-Unis, car il s’agit effectivement d’un territoire occupé. Le troisième secteur, en dehors des services et de la production, est celui des ressources. Cela inclut le Moyen-Orient et la Russie. »

Krutakov a souligné que « lorsque le groupe de pays constituant les BRICS est apparu, il devint clair que les pays du secteur des ressources, dont la Russie et le Brésil, essayaient de s’unir aux économies industrielles que sont l’Inde et la Chine d’une manière nouvelle. Pour les États-Unis, c’est une menace, car si une partie du marché mondial de cette taille devait abandonner la zone dollar, alors peu d’autres pays auraient encore besoin des services transactionnels américains. Washington ne servirait que l’Europe et les Amériques, alors que les principaux centres de production industrielle et de ressources, se situent à l’extérieur de cette zone. »

La Russie et la Chine, possédant des ressources d’une part et une base industrielle développée de l’autre, ont besoin l’une de l’autre, selon l’analyste. « D’où la politique de convergence. »

« L’orientation de la Russie vers l’Est n’a pas eu lieu soudainement – seulement en 2014. En 2008, toutes les revendications territoriales [entre Moscou et Pékin] ont été réglées. La base a été établie pour que les accords stratégiques puissent suivre. Nos initiatives dans l’Arctique, le renouvellement de la route Northen Sea comme elle est appelée, le développement de la région Caspienne – tout cela prépare un avenir commun », une stratégie économique et géopolitique commune.

Selon Krutakov, Washington a déjà calculé qu’en 2025-2030, la croissance économique de la Chine dépendra à 90% de l’accès du pays aux ressources énergétiques. En conséquence, si les États-Unis sont en mesure de mettre le Moyen-Orient et la Russie de leur coté, ils pourront continuer à assurer leur position hégémonique. « Dans ce cas, la Chine ne pourra pas tenir la compétition. Par conséquent, pour Pékin, l’alignement sur Moscou a un caractère stratégique. Le maintien de la parité avec les États-Unis contredit tout conflit futur éventuel dans l’espoir d’avoir suffisamment de temps pour devenir autosuffisant avec ses alliés. »

Par conséquent, note Krutakov, comme ils sont incapables de lutter à la fois pour les bases industrielles et énergétiques du monde, l’objectif stratégique des États-Unis est d’empêcher Moscou et Pékin de quitter la zone dollar et de créer leur propre système de règlement des paiements, ce qui les rapprocherait encore plus.

« D’où la politique de la carotte et du bâton. Trump utilisera toutes les méthodes possibles pour y parvenir : la menace, le tir de Tomahawks et courtiser la Chine. Mais tout rapprochement à grande échelle entre les États-Unis et la Chine est [en fin de compte] peu probable », a conclu l’analyste.

Sputniknews

Traduit par Wayan, relu par M pour le Saker francophone.

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Pourquoi Washington est terrifié par la Russie et la Chine

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Par Pepe Escobar – Le 21 avril 2017 – Source Sputnik News via entelekheia.fr

Photo Pixabay

Le partenariat stratégique russo-chinois, qui unit ceux que le Pentagone définit comme les deux « menaces N°1 » à l’Amérique, n’est pas consigné dans un traité formel signé en grande pompe – et un défilé militaire pour l’accompagner.

Il est enveloppé dans de subtiles couches de sophistication, et il n’y a aucun moyen d’apprendre les termes secrets sur lesquels Pékin et Moscou se sont accordés, au cours des innombrables rencontres de haut niveau entre Poutine et Xi Jinping.


Les diplomates, officieusement, laissent occasionnellement échapper qu’il peut y avoir un message codé à l’intention de l’OTAN, selon lequel si l’un des deux membres stratégiques est sérieusement harcelé – en Ukraine, ou dans la mer de Chine méridionale – l’OTAN devra se confronter aux deux.

Pour le moment, concentrons-nous sur deux exemples de la façon dont le partenariat marche en pratique, et pourquoi Washington n’a pas la moindre idée de la façon d’aborder le problème.

La pièce à conviction A est la visite imminente à Moscou du directeur du Bureau général du Parti communiste chinois (PCC), Li Zhanshu, à l’invitation du chef de l’administration présidentielle du Kremlin, Anton Vaino. Pékin a souligné que les discussions porteront sur – quoi d’autre – le partenariat stratégique russo-chinois, « comme convenu d’avance entre les leaders des deux pays ».

Cela se produit juste après la visite du premier vice-premier ministre Zhang Gaoli, un des sept plus hauts membres du bureau politique du PCC et l’un des concepteurs des politiques économiques chinoises, qui a été reçu à Moscou par le président Poutine. Ils ont discuté des investissements chinois en Russie et de l’angle-clé énergétique de leur partenariat.

Mais plus que tout autre chose, ils ont préparé la visite prochaine de Poutine à Pékin, qui sera particulièrement retentissante, parce qu’elle s’inscrit dans le cadre du sommet piloté par Xi Jinping sur l’initiative One Belt, One Road (Nouvelle Route de la soie), les 14 et 15 mai.

Le Bureau général du Parti communiste chinois – qui est directement subordonné à Xi – ne tient ce type de consultations annuelles de très haut niveau, qu’avec Moscou et aucun autre pays. Inutile d’ajouter que Li Zhanshu ne rend de comptes qu’à Xi, tout comme Vaino ne rend de comptes qu’à Poutine. On ne peut pas faire plus stratégique.

Il se trouve aussi que cela se rattache directement à l’un des derniers épisodes mettant en vedette les Hommes Creux de Trump, dans ce cas le benêt/grandiloquent conseiller à la Sécurité nationale, le lieutenant-général HR McMaster.

Pour résumer, selon la narrative de McMaster dûment régurgitée par les médias institutionnels américains, Trump a développé une alchimie telle avec Xi, au cours de leur sommet des Tomahawks-avec-gâteau au chocolat de Mar-a-Lago, que Trump a réussi à briser l’entente russo-chinoise sur la Syrie et à isoler la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU.

Lire le communiqué commun des BRICS sur la Syrie n’aurait pris que quelques minutes du temps de McMaster. Il aurait appris que les BRICS soutiennent la Russie.

Rien d’étonnant à ce qu’un observateur expérimenté de la géopolitique indien se soit senti obligé de noter que « Trump et McMaster ressemblent à deux ploucs perdus dans une grande métropole. »

Suivez la piste de l’argent

La pièce à conviction B se centre sur l’avancée discrète des accords de la Russie et de la Chine pour le remplacement progressif du statut de monnaie de réserve du dollar par un système basé sur l’or.

Cela implique la participation-clé du Kazakhstan – qui est très intéressé par l’emploi de l’or comme monnaie sur la Nouvelle Route de la Soie. Le Kazakhstan ne peut pas être plus stratégiquement situé : c’est l’un des axes majeurs de l’initiative One Belt, One Road ; un membre-clé de l’Union économique eurasienne (UEE) ; un membre de l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO) ; et pas par accident, le principal fondeur de l’or de la Russie.

Parallèlement, la Russie et la Chine sont en train de perfectionner leurs propres systèmes de paiement. Peu après l’accès du yuan au statut de monnaie mondiale, la Chine a fait une habile promotion de son système de paiement, le CIPS, tout en prenant garde de ne pas froisser les USA, qui contrôlent le système internationalement établi SWIFT.

De son côté, la Russie a créé « une alternative », selon les mots de la directrice de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina, sous la forme du système de paiement Mir – une version russe de la carte Visa/MasterCard. Ce qui est en jeu, c’est que si Washington se sentait d’humeur d’exclure la Russie du système SWIFT, même temporairement, au moins 90% des distributeurs de billets en Russie seraient capables de continuer à opérer avec le Mir.

Les cartes de paiement UnionPay chinoises sont déjà un dispositif bien établi partout en Asie – et adopté avec enthousiasme par HSBC, entre autres. Combinez systèmes de paiement « alternatifs » et développement d’un système basé sur l’or  – alors le mot « toxique », pour décrire la réaction de la Réserve fédérale des États-Unis, n’est qu’un pâle euphémisme.

Et la Russie et la Chine ne sont pas les seuls problèmes ; il y a les BRICS.

Ce que le premier assistant du gouverneur de la Banque centrale russe Sergueï Shvetsov a exposé ne représente qu’un début : « Les pays des BRICS sont des économies développées, dotées de grandes réserves d’or et d’un volume impressionnant de production et de consommation de ce métal précieux. En Chine, le marché de l’or est conduit à Shanghaï, en Russie à Moscou. Notre idée est de créer un lien entre les deux villes, pour augmenter le volume des échanges entre les deux marchés. »

La Russie et la Chine ont déjà établi des systèmes pour faire du commerce international sans dollars américains. Ce que Washington a fait à l’Iran – couper leurs banques du système SWIFT – est dorénavant impensable en Russie et en Chine.

Nous sommes donc en chemin, lentement mais sûrement, vers une « place de marché pour l’or » chez les BRICS. Une « nouvelle architecture financière » est en voie de construction. Pour la Réserve fédérale américaine, elle impliquera une incapacité future à exporter de l’inflation vers d’autres pays – particulièrement ceux des BRICS, de l’UEE et de l’Organisation de coopération de Shanghaï.

Les Hommes creux

Les généraux de Trump, menés par « Mad Dog » Mattis, peuvent fantasmer tout leur soûl sur leur besoin de dominer la planète, avec leurs commandements sophistiqués Air-Mer-Terre-Espace-Cyber. Mais cela peut ne pas suffire à contrer la myriade d’axes de développement du partenariat stratégique Russie-Chine.

Ainsi, nous aurons encore droit à des Hommes creux, comme le vice-président Mike Pence, avec sa solennité empourprée, menaçant la Corée du Nord d’une phrase ronflante,  « Le bouclier monte la garde et les épées se tiennent prêtes ». Ne nous inquiétons pas de ces mots, qui ne valent même pas une mauvaise ligne de dialogue de remake d’un film de série B de Hollywood ; ce que nous avons ici, c’est le commandant-en-chef aspirant Pence, avertissant les Russes de dures réalités nucléaires très près de leurs frontières, entre les USA et la Corée du Nord.

Cela ne va pas se produire. Trinquons au grand poète T. S. Eliot, qui l’avait vu des décennies à l’avance :

Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas!
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.

Pepe Escobar

Traduction Entelekheia.fr

Traduction du poème Pierre Leyris

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DERNIÈRE NOUVELLE – Message personnel de Xi Jinping à Vladimir Poutine : notre amitié est indissoluble

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Le président chinois Xi Jinping envoie un message personnel d’amitié au président russe, au nom de la Chine, étouffant la tentative des États-Unis de semer la discorde entre eux.


Alexander mercouris
Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 27 avril 2017 – Source The Saker

Le président russe Poutine s’est réuni, dans la salle ovale du Kremlin, avec Li Zhanshu, directeur du bureau général du Parti communiste chinois et chef d’état-major du président chinois Xi Jinping.

La réunion s’est tenue directement après que Li Zhanshu a discuté avec son homologue russe Anton Vaino, le chef du Bureau exécutif du président russe et chef d’état-major du président Poutine.

J’ai déjà expliqué qui est Li Zhanshu et pourquoi sa visite est importante, ainsi que la raison probable de cette visite, c’est-à-dire la tentative en cours de l’administration de semer la discorde entre la Chine et la Russie, et le souci de la Chine et de la Russie d’étouffer toutes les impressions fausses qui pourraient être provoquées par cette tentative.

Cela explique à son tour la manière dont les Chinois et les Russes – sans aucun doute s’étaient-ils arrangés préalablement – ont utilisé la rencontre entre Li Zhanshu et Poutine pour rendre public un message personnel du président Xi Jinping à Poutine. La transcription par le Kremlin des mots de Li Zhanshu est la suivante :

Avant mon départ, je suis allé voir tout spécialement le président Xi Jinping et je lui ai demandé ce qu’il voulait vous transmettre. Il m’a dit de dire qu’aujourd’hui, les relations entre la Chine et la Russie traversent leur meilleure période de notre histoire.
Aujourd’hui, nos relations sont à juste titre citées comme un exemple de relations entre grandes puissances, caractérisées par la coopération et le bénéfice mutuel. Aujourd’hui, nos relations sont très solides, matures et caractérisées par la coopération stratégique et sa pérennité.
Il a également déclaré qu’en dépit des graves changements dans la situation internationale, nous continuerons à travailler avec vous en respectant indéfectiblement trois constantes, à savoir : indépendamment des circonstances, nous ne changerons pas notre politique d’approfondissement et de développement de notre partenariat et de notre coopération : notre politique, basée sur un développement conjoint et la prospérité ne changera pas ; et nos efforts communs pour défendre la paix et la justice et promouvoir la coopération dans le monde ne changeront pas. Ce sont les mots du Xi Jinping.
(italiques gras ajoutés)

Les « graves changements dans la situation internationale » se réfèrent évidemment au changement d’administration à Washington et à la tentative de cette dernière de créer des problèmes entre la Chine et la Russie. Dans son message personnel au président Poutine, le président Xi Jinping a clairement dit que cette tentative ne réussirait pas et que le partenariat stratégique de la Chine avec la Russie « ne changera pas ».

Le message est évidemment principalement destiné à l’administration Trump. Les Chinois et les Russes n’ont guère besoin de se rassurer les uns les autres sur la profondeur de leur relation, dont ils sont bien sûr beaucoup mieux informés que quiconque. Cependant Xi Jinping et Vladimir Poutine se préoccupent de ce qu’il n’y ait aucune illusion à ce propos à Washington. Hélas, étant donné le chaos qui y règne, il est douteux que quiconque là-bas y accorde la moindre attention.

Alexander Mercouris

L’article original est paru dans The Duran

Traduit par Diane, vérifié par Julie, relu par Michèle pour le Saker francophone

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Les dirigeants mondiaux sont réunis à Beijing alors que les Américains sombrent dans l’insignifiance

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World Leaders Gather in Beijing While the US Sinks into Irrelevancy


Wayne Madsen
Wayne Madsen

Par Wayne Madsen – Le 20 mai 2017 – Source Strategic Culture

Alors que les engueulades vaudevillesques d’une comédie ridicule fusent dans l’aile ouest de la Maison Blanche, entre le président Donald Trump et ses principaux conseillers d’une part, et entre le secrétaire de presse de la Maison Blanche et divers assistants présidentiels d’autre part, les dirigeants mondiaux se sont réunis à Beijing pour discuter de la création, sur terre et sur mer, de Routes de la Soie pour améliorer les conditions économiques des pays du monde entier. Rien ne pouvait mieux illustrer le fossé énorme entre les préoccupations de la plupart des nations du monde et celles des États-Unis, qui sombraient rapidement dans l’état d’une puissance de second ordre, avec ses alliés de l’OTAN, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

Alors que M. Trump menaçait de virer des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche, reprenant son ancien rôle dans son émission de télé-réalité « The Apprentice », le président chinois Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine, et les présidents et premiers ministres du monde entier se sont assis à la même table pour discuter de la création de nouvelles routes internationales et intercontinentales, de chemins de fer et de routes maritimes, en vertu du projet chinois de Routes de la Soie, terrestre et maritime, du XXIe siècle.

Même les pays réticents à l’initiative chinoise, y compris l’Inde et le Japon, ont envoyé des représentants au sommet, qui pesaient un peu plus lourd que le pathétique représentant des États-Unis, Matt Pottinger, un assistant spécial de Trump, totalement inconnu, et le directeur principal pour l’Asie orientale du Conseil national de sécurité. En fait, la seule raison pour laquelle Trump a envoyé quelqu’un pour représenter les États-Unis à la réunion de Beijing, était une demande spéciale faite par le Président Xi au cours de sa récente rencontre avec Trump à la station privée Mar-a-Lago, Club du président à Palm Beach, en Floride.

La Corée du Sud, qui a vu ses relations avec la Chine aigrir, au sujet de la mise en place par l’Amérique, sur son sol, du système de missiles THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), a envoyé une délégation à Beijing, conduite par un législateur vétéran du Parti démocrate, après un appel téléphonique entre le nouveau président libéral de la Corée du Sud, Moon-Jae-in, et le président Xi.

Même la Corée du Nord, qui a ulcéré la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis en tirant un missile balistique dans des eaux proches de la Russie, a envoyé une délégation à la réunion de Beijing dirigée par Kim Yong Jae, ministre des Relations économiques extérieures de Corée du Nord. L’administration Trump, qui a envoyé un inconnu fantôme à Beijing, se plaint haut et fort au sujet de la représentation de la Corée du Nord au sommet des Routes de la Soie. Mais la plainte de Washington était accompagnée par quelqu’un d’aussi inconnu que M. Pottinger, et par Anna Richey-Allen, un porte-parole de bas niveau du Département d’État américain en charge de l’Asie de l’Est. La raison pour laquelle les États-Unis sont représentés par des bureaucrates de niveau moyen, est que la nation qui croit encore être la seule superpuissance du reste du monde est maintenant gouvernée par une administration en proie au plus haut niveau à des postes vacants, des chamailleries inter-agences et des joueurs de ligue amateurs.

Même si les grands États membres de l’Union européenne à Beijing ne sont pas représentés par leurs chefs de gouvernement, l’Allemagne a envoyé son ministre de l’Économie, Brigitte Zypries. Elle a averti, cependant, que l’Union européenne ne signerait pas d’accord avec la Chine sur les Routes de la Soie, à moins que certaines exigences sur le libre-échange et les conditions de travail ne soient garanties. Les réticences de l’Allemagne ne semblent pas gêner les autres pays de l’UE, qui ont été représentés à Beijing par leurs chefs de gouvernement et semblent être plus passionnés dans leur soutien à l’initiative chinoise. Ces membres de l’UE, chefs d’État, incluaient le Premier ministre italien Paolo Gentiloni, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, le Premier ministre polonais Beata Szydło, le Premier ministre grec Alexis Tsipras, le président tchèque Milos Zeman, et le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Par ailleurs, si le Premier ministre britannique, Theresa May, n’avait pas été en pleine campagne électorale, elle se serait rendue à Beijing. Néanmoins, elle a envoyé le chancelier britannique de l’Échiquier, Philip Hammond, à sa place.

Si l’administration Trump espérait convaincre les dirigeants du monde de rester loin de Beijing, elle a été très déçue. Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, était là, ainsi que le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim et le Fonds monétaire international en la personne de Christine Lagarde, directrice générale. Étaient également présents à Beijing les présidents de la Turquie, des Philippines, de l’Argentine, du Chili, de l’Indonésie, du Kirghizistan, de la Biélorussie, du Kazakhstan, de la Suisse, du Kenya, de l’Ouzbékistan et du Laos, ainsi que les premiers ministres du Vietnam, du Pakistan, du Sri Lanka, de Serbie, de Malaisie, de Mongolie, des Fidji, d’Éthiopie, du Cambodge et du Myanmar.

Les délégations ministérielles de l’Afghanistan, d’Australie, d’Azerbaïdjan, du Bangladesh, du Brésil, d’Égypte, de Finlande, d’Iran, du Koweït, du Liban, des Maldives, de Roumanie, du Népal, de Nouvelle-Zélande, d’Arabie saoudite, de Singapour, du Soudan du Sud, du Soudan, de Syrie, de Tanzanie, de Thaïlande, de Tunisie, d’Ouganda et des Émirats arabes unis étaient au sommet de Beijing. Le Japon a été représenté par le principal conseiller du Premier ministre Shinzo Abe et le secrétaire général du Parti libéral démocrate Toshihiro Nikai. La France, qui était confrontée à un changement de président, a envoyé l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

L’initiative des Routes de la Soie a des projets dans tous les pays dont les gouvernements étaient représentés à Beijing, à l’exception des États-Unis et Israël. En plus des nations représentées par leurs chefs de gouvernement et leurs ministres, des accords au sujet des Routes de la soie ont été signés entre la Chine et la Palestine, la Géorgie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, le Tadjikistan, le Brunei, la Croatie et Timor-Est.

Le message clair envoyé au monde par la réunion de Beijing était que la vision unipolaire du monde de l’Amérique était morte et enterrée. Même parmi les amis de longue date et les alliés de Washington, on n’a pas entendu désigner Donald Trump comme le « leader du monde libre ». Cette expression a disparu dans la poubelle de l’Histoire, en même temps que l’insistance de l’Amérique à se présenter comme la seule superpuissance du monde. Les États-Unis sont une puissance de second ordre, qui se trouve posséder un arsenal nucléaire de premier ordre. Mais les armes nucléaires n’étaient pas un sujet de discussion à Beijing. De grands projets étaient à l’ordre du jour, qui une fois terminés, laisseront les États-Unis au large, dans les remous de l’hélice.

Le Président Xi, dans son discours fondamental d’ouverture de la conférence, a déclaré que l’initiative « Une Ceinture une Route » (One Belt One Road) est « le projet de siècle », dont le monde entier profitera. Et pour concrétiser ses paroles, Xi a dit que la Chine contribuerait à hauteur de 80 milliards de yuans ($113 milliards ) supplémentaires, comme impulsion financière pour créer un réseau mondial de routes, chemins de fer et liaisons maritimes dans une renaissance de l’ancienne Route de la soie, qui reliait la Chine à l’Occident. Pendant ce temps, à Washington, Trump disait posséder des enregistrements de conversations avec le directeur du FBI James Comey, qu’il a viré, déclenchant une tempête politique. Une nouvelle infrastructure mondiale était discutée à Beijing, pendant que les coups politiques fumants faisaient l’essentiel des conversations à Washington. Les États-Unis ont sombré dans un statut mondial de second ordre et sont gravement menacés en tant qu’État-nation cohérent, mais ne le réalisent même pas.

La Chine et la Russie ont profité du sommet de Beijing pour présenter plusieurs initiatives eurasiennes, y compris l’Union économique eurasienne (EEU) d’inspiration russe et la Banque pour l’investissement dans l’infrastructure asiatique à l’initiative de la Chine (AIIB). Les deux chefs d’État ont fait savoir que l’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) était encore une entité mondiale puissante, même si l’Afrique du Sud n’était pas représentée à Beijing par son président et que l’Inde avait choisi ne pas envoyer de représentant à la réunion.

Les propos du président Poutine à la conférence, sur le nouveau statut géopolitique dans le monde, sont remarquables : « Une Eurasie plus grande n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un véritable projet de civilisation tourné vers l’avenir. » En d’autres termes, l’Union européenne, qui est en train de perdre le Royaume-Uni en tant que membre et ne verra jamais l’adhésion de la Turquie, est un organisme international à l’agonie. D’autres initiatives internationales, comme l’EEU, les BRICS, l’AIIB et les Routes de la Soie, laissent l’UE et les États-Unis à la traîne. C’était évident, à la vue du choix du représentant des États-Unis à Beijing, un employé de bureau surfait, et celui de l’Union européenne, un eurocrate bruxellois, vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen.

Wayne Madsen

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone

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Le G-20 infernal

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Barricades burn as protesters clash with riot police during the protests at the G20 summit in Hamburg, Germany, July 7, 2017
© REUTERS/ Hannibal Hanschke

Pepe EscobarPar Pepe Escobar – Le 9 juillet 2017 – Source sputniknews

Une histoire à venir du G-20 de Hambourg pourrait bien commencer par cette question, rédigée quelques jours plus tôt par le président Donald Trump – en fait par son nègre littéraire – à Varsovie : 

« La question fondamentale de notre époque est de savoir si l’Occident a la volonté de survivre. »

Ce qui, au départ, n’était rien de plus qu’une tirade réductionniste immature à propos d’un clash civilisationnel, écrite par Stephen Miller – le même qui avait rédigé l’épopée d’intronisation de Trump, alias « le carnage américain », ainsi que le texte originel de l’interdiction d’entrée sur le territoire pour les musulmans de certains pays – pourrait avoir fondé quelques-unes des réponses à Hambourg.

G20 leaders summit in Hamburg
© REUTERS/ WOLFGANG RATTAY

Cette année, le G-20 s’est présenté comme une dystopie militaire toxique déguisée en sommet mondial. « Bienvenue en enfer » et d’autres manifestations du même type, à plusieurs niveaux, ont répondu à une autre des questions de Trump à Varsovie, « Avons-nous le désir et le courage de préserver notre civilisation face à ceux qui voudraient la subvertir et la détruire ? »

Alors que les leaders travaillaient dans leurs salles cossues, échangeant leurs commérages, écoutant l’Hymne à la joie et communiant à leurs banquets proverbiaux, des pillages et des incendies embrasaient les rues en manière de commentaire brutal non seulement du concept de « civilisation », mais aussi de la commode amnésie de Trump-à-Varsovie quant au fait que le retour de bâton terroriste qui menace la « civilisation, nos valeurs et notre volonté de survivre » est engendré par les « politiques » des USA et de l’OTAN.

Et cela va empirer. Dès l’année prochaine, une coproduction de la Bundeswehr et de l’OTAN, une ville fantôme construite dans une base militaire d’entraînement à Sachsen-Anhalt – pas loin de Hambourg, à propos – deviendra un site privilégié d’entraînement à la guérilla urbaine. L’austérité étant loin d’être finie, les euro-paysans sont voués à continuer à se rebeller en masse.

Le multilatéralisme, sinon rien

La tentation d’identifier le nouvel ordre émergent au triangle Poutine-Xi-Merkel est forte. Pas assez pourtant – et pas maintenant comme monde multilatéral. Ce que nous voyons sont les signes extérieurs du multilatéralisme, pas encore sa concrétisation – parce que Washington s’y oppose à une infinité de niveaux.

Frau Merkel voulait que son sommet se focalise sur trois questions cruciales : le changement climatique, le libre-échange et la gestion de l’immigration mondiale de masse – rien de tout cela n’est du goût de Trump, qui croit à une approche darwinienne de la politique mondiale. Ce que le monde a obtenu a donc été un imbroglio ennuyeux – y compris les contradictions internes.

Le Patron, cette fois encore, a été le président chinois Xi Jinping, qui a appelé les membres du G20 à privilégier une économie mondiale ouverte, à renforcer la coordination des politiques économiques ; et à garder présents à l’esprit les énormes risques inhérents au turbo-capitalisme financiarisé. Il en a dûment appelé à un « régime commercial multilatéral ».

Pour soutenir sa position, la Chine a habilement appliqué la diplomatie du panda géant – en offrant deux de ces animaux, Meng Meng et Jiao Qing au zoo de Berlin, en signe d’amitié. Le commentaire de Merkel a été moins câlin :  « Pékin voit l’Europe comme une péninsule asiatique. Nous la voyons autrement. »

Quoi qu’il en soit, à toute fin utile, ce que les intérêts des business chinois et allemand voient au bout du compte est l’intégration eurasienne – avec la nouvelle Route de la soie, alias initiative Belt and Road qui commence en Chine de l’Est et arrive jusqu’à la vallée de la Ruhr. Voilà à quoi équivaut une définition concrète de la façon dont un « régime commercial multilatéral » doit fonctionner. Ajoutons-y le traité commercial massif tout juste signé entre l’UE et le Japon. Sur le terrain, géo-politiquement et géo-économiquement, l’Allemagne regarde vers l’Est.

BRICS summit
© SPUTNIK

Les pays du BRICS – la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud – se sont rencontrés en marge, et, bien sûr, ont appelé à « un système commercial multilatéral transparent, régi par des règles, non-discriminatoire, ouvert et inclusif ».

Le président Poutine a renchéri – en soulignant que les sanctions financières sous des prétextes politiques minent la confiance mutuelle et dégradent l’économie mondiale. Tout le monde le sait, tout le monde est d’accord, mais cet élément de la politique géo-économique de Washington « à prendre ou à laisser » ne va pas disparaître de sitôt.

Ensuite, nous avons eu la critique de l’association antimondialisation Attac adressée à Merkel, accusée de monter « une mise en scène cynique » ; bien que Merkel se pose en « leader du monde libre », le gouvernement allemand « poursuit, de fait, une stratégie agressive d’excédent d’exportations ». Et voilà comment Attac, un groupe de gauche progressiste se retrouve totalement aligné avec Donald Trump.

Paris sera toujours là

Les sherpas de Hambourg ont été impliqués dans leur propre version de « Bienvenue en enfer ». L’euphémisme de Merkel – des « discussions tendues » – masquait une mutinerie de facto contre les sherpas américains sur deux points, le changement climatique et le commerce, avec un âpre combat jusqu’à la dernière minute à propos d’une clause des USA concernant une « aide » de Washington à l’accès des pays à des combustibles fossiles propres.

À la fin, il n’est ressorti qu’un vague compromis. Voici le paragraphe du communiqué final qui traite de la décision de l’administration Trump de se retirer de l’accord de Paris :

Photo PIXABAY

« Nous prenons note de la décision des États-Unis d’Amérique de se retirer de l’Accord de Paris. Les États-Unis d’Amérique ont annoncé qu’ils vont immédiatement cesser la mise en œuvre de leur contribution et réaffirment leur engagement pour une approche qui abaisse les émissions tout en soutenant la croissance économique et en améliorant la sécurité énergétique. Les États-Unis d’Amérique vont œuvrer pour travailler étroitement avec d’autres partenaires afin de faciliter leur accès à une utilisation plus propre et efficace des énergies fossiles, et les aider à déployer des énergies renouvelables et d’autres sources d’énergie propre, étant donnée l’importance de l’accès à l’énergie et à la sécurité dans le cadre de leurs propres contributions nationales. »

Directement sous ce paragraphe, un autre concerne le G-19 [G-20 – 1] :

« Les leaders des autres pays-membres du G-20 déclarent que les accords de Paris sont irréversibles. Nous réitérons l’importance de remplir les conditions de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par les pays développés, à travers l’apport de moyens de mise en place, y compris des ressources financières, pour aider les pays en voie de développement sur des actions de réduction et d’adaptation en accord avec les conclusions de Paris et le rapport de l’OCDE ‘Investir dans le climat, investir dans la croissance’. Nous réaffirmons notre engagement dans les Accords de Paris, dans notre action en vue de les mettre pleinement en œuvre en accord avec le principe des responsabilité communes mais différenciées et des capacités respectives, à la lumière des conditions nationales différentes et, à cet effet, nous soutenons le Plan du G-20 de Hambourg d’action climatique et énergétique pour la croissance, comme noté dans l’annexe. »

À Hambourg, l’Organisation tous azimuts de Trump était brouillonne. La Première fille Ivanka s’est même assise sur la chaise de papa, au cours du forum, pendant les moments de flottement, alors qu’il était en réunion bilatérale. Malgré tout, elle a magistralement réussi son coup en dévoilant un programme de 300 millions de dollars, prêtés par la Banque mondiale, pour aider l’apprentissage et l’accès aux marchés financiers des start-ups dirigées par des femmes dans les pays en voie de développement. La Maison-Blanche et la Banque mondiale ont tous deux attribué l’idée à Ivanka elle-même.

Loin des questions infernales, dans une perspective plus ensoleillée, le vent et les panneaux solaires sont appelés à devenir la forme la moins chère de production d’énergie, dans tous les pays du G-20, d’ici à 2030. Déjà en 2017, 35% de l’électricité allemande est venue du vent, du solaire, de la biomasse et de l’hydro – seulement 15% aux USA. Donc, si l’Allemagne n’est pas encore verte, elle s’en approche rapidement.

À Hambourg, Merkel a remporté une victoire sur le changement climatique ; une victoire relative sur la question du commerce (avec les USA qui se sont auto-exclus) ; mais une lamentable défaite sur la migration de masse. Aucune puissance de l’OTAN présente au G-20 n’a eu les cojones pour faire publiquement le lien entre les ignobles guerres des USA/OTAN en Afghanistan, en Libye, par procuration en Syrie et les millions de réfugiés dont le seul espoir est d’atteindre l’Europe.

Géopolitiquement, Washington se coupe de facto de l’Allemagne, alors que l’Angleterre n’a plus aucun pouvoir. L’administration Trump considère l’Allemagne et le Japon comme des ennemis qui détruisent les USA en manipulant la monnaie. À moyen terme, il serait logique de s’attendre à ce que l’Allemagne se rapproche lentement, mais sûrement de la Russie. Bien que le moment unipolaire de Washington arrive à son terme, au royaume du G-20, les jeux de pouvoir ne font que commencer.

Pepe Escobar

Traduction Entelekheia

 

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Sanctions US : La Chine dans le collimateur

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Les États-Unis s’engagent dans des guerres économiques contre de nombreux « ennemis »


China in Crosshairs: US to Wage Economic Wars Against Multiple ‘Foes’


Andrei AKULOVPar Andrei Akulov – Le 2 août 2017 – Source Strategic Culture

Un parfum de guerre commerciale est dans l’air. Donald Trump a utilisé Twitter pour exprimer sa déception face à la Chine et à ses efforts, jugés insuffisants, pour faire pression sur la Corée du Nord afin qu’elle abandonne son programme nucléaire et ses lancements de missiles.

L’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies Nikki Haley a déclaré que Washington n’agirait pas au Conseil de sécurité de l’ONU suite au dernier test de missile par la Corée du Nord. Selon elle, « le temps des paroles est terminé ». L’ambassadrice croit que c’est à Beijing de « décider s’il est finalement prêt à s’engager dans l’étape vitale » de faire une sommation à Pyongyang.

Selon Politico, les principaux conseillers du président Donald Trump s’affairent dans les coulisses pour élaborer un ensemble de mesures économiques destinées à punir la Chine. Il existe une gamme d’options sur la table, y compris des restrictions commerciales. D’autres possibilités incluent des sanctions économiques. Au cours de sa campagne électorale, le président Trump s’est plaint à plusieurs reprises des « pratiques commerciales injustes » de la Chine.

La discours avait changé en avril après la rencontre avec le président chinois Xi Jinping et sa femme lors d’une visite diplomatique dans le domaine de Trump à Mar a Lago en Floride. Maintenant, la critique est de retour. Les lancements de missiles de la Corée du Nord ont versé plus d’huile sur le feu.

Le président Trump semble n’avoir aucune ligne politique avec la Chine. Il passe des promesses de se rapprocher de Taiwan pour défier Pékin aux pourparlers amicaux de Mar a Lago, puis revient à des plans visant à introduire des mesures punitives.

Les mesures peuvent viser les importations chinoises d’acier avec des taxes, des quotas ou une combinaison des deux. En théorie, les transactions chinoises sur le sol américain pourraient être gelées et des programmes économiques conjoints pourraient être réduits. Au début de 2016, Trump a également menacé d’augmenter la taxe sur les produits chinois importés à 45% ou de fermer le marché américain à ces produits.

La Chine pourrait répliquer en limitant les importations américaines et en éliminant les produits américains sur le marché asiatique. Si une guerre commerciale devait se déclencher, Pékin profiterait du fait que ce sont les États-Unis qui l’ont commencée, en disant à ses partenaires du projet One Belt, One Road [les Routes de la soie] que Washington n’est pas digne de confiance et que sa politique donne la priorité aux menaces et pas aux négociations. Sans aucun doute, la Chine utilisera les outils offerts par son adhésion à l’OMC pour protéger ses intérêts. Pékin détient maintenant plus de $1 000 milliards en obligations du Trésor américain (5,5% du montant total des obligations du Trésor). Elle peut les vendre.

La Chine a ses propres préoccupations. La dernière chose qu’elle veut, c’est l’effondrement du régime nord-coréen suivi des flux de réfugiés et de la présence militaire américaine et sud-coréenne à la frontière chinoise.

En fait, le déploiement du système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud est le premier pas. Le mouvement a été fortement condamné par la Chine, mais c’est ce que font les États-Unis sous prétexte de la menace des missiles de la Corée du Nord. Le déploiement est soutenu par le Japon. De plus, la Corée du Sud a annoncé son intention de moderniser les systèmes de défense antimissiles Patriot américains sur son sol.

Avec des volumes commerciaux bilatéraux atteignant $519 milliards en 2016, la Chine et les États-Unis sont maintenant les deuxièmes partenaires commerciaux l’un de l’autre. Et une guerre commerciale entre les géants économiques affecterait le monde entier.

Ce n’est pas seulement la Chine. Le président Donald Trump va bientôt avaliser le projet de loi concernant un nouveau paquet de sanctions contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, a déclaré le vice-président Mike Pence le 1er août lors de sa visite en Géorgie. Ainsi, la Russie et la Chine semblent être dans le même bateau, ciblées par des mesures punitives américaines. Avec d’autres encore imposées au président vénézuélien Maduro, l’introduction de sanctions semble devenir l’outil le plus fréquemment utilisé par Washington pour la mise en œuvre des objectifs de sa politique étrangère.

En 2017, le Bureau des États-Unis pour le contrôle des actifs étrangers (Ofac) administre 26 programmes de sanctions en cours. La guerre économique contre la Russie a suscité de sérieuses protestations parmi les alliés européens de l’Amérique. De nombreuses entreprises européennes étudient les perspectives d’investissements en Iran, malgré les sanctions américaines. Une guerre contre la Chine ne réjouira pas de nombreux alliés américains, en particulier en Asie-Pacifique.

Il y a quelque temps, de nombreux pays d’Asie-Pacifique ont été frustrés par le rejet, par l’administration US, du Partenariat transpacifique (TPP), sur lequel ils fondaient beaucoup d’espoirs. Les États-Unis n’ont rien à opposer au projet Chinois en cours des Routes de la soie – One Belt, One Road.

Les sanctions provoquent toujours des retours de flamme. Les guerres économiques sapent les ressources de la même manière que les conflits armés. Mais cette fois, la politique des États-Unis a tendance à devenir globale. Par exemple, le président réfléchit à un plan visant à instituer des tarifs allant jusqu’à 20% pour les importateurs d’acier, comme la Chine. Cela pourrait déclencher une guerre économique totale. Le Fonds monétaire international a averti les dirigeants, à la veille du sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne, qu’ils mettaient en péril la reprise de la croissance mondiale en poursuivant leurs politiques nationales au détriment des règles du commerce sur le plan international. « Parce que les politiques nationales interagissent inévitablement avec un certain nombre de domaines vitaux, créant de fortes retombées dans tous les pays, l’économie mondiale fonctionne beaucoup mieux pour tous lorsque les décideurs s’engagent dans un dialogue régulier et travaillent avec des mécanismes convenus pour résoudre les désaccords », a déclaré le FMI dans sa mise en garde.

Avec des sanctions systématiquement utilisées comme instrument de politique étrangère, les États-Unis seront largement considérés comme un partenaire commercial peu fiable imposant des sanctions selon son bon vouloir. D’autres pays chercheront d’autres partenaires plus fiables. Les guerres commerciales, comme toutes les autres guerres, provoquent des problèmes et ne profitent à personne. Il y aura des conséquences mondiales dangereuses et aucun gagnant. Dans son désir de faire réussir sa politique América First, l’administration part d’un mauvais pied.

Andrei Akulov est expert international sur les questions de sécurité, colonel en retraite, il vit à Moscou

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Le Nouvel Ordre Mondial commencera avec l’Allemagne et la Chine

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Par Brandon Smith – Le 12 juillet 2017 – Source alt-market.com


Dans de nombreux articles au fil des ans, j’ai souligné avec des détails précis l’ordre du jour d’un futur système économique et gouvernemental mondial, dirigé principalement par les élites bancaires et les mondialistes. Un ordre du jour qu’ils désignent parfois comme le « Nouvel Ordre Mondial ». Le terme a récemment connu une telle exposition publique et une telle notoriété que les mondialistes sont passés à l’utilisation d’une terminologie différente. Certains d’entre eux, comme Christine Lagarde, du Fonds monétaire international, y font référence comme la « réinitialisation économique mondiale ». D’autres l’appellent le « nouveau multilatéralisme ». D’autres encore en parlent comme de la « fin de l’ordre unipolaire », se référant à la mort lente de l’économie américaine comme pilier central de l’économie mondiale.

Quelque soit l’étiquette qu’ils décident d’utiliser, tous signalent une déstabilisation complète du système financier et géopolitique de l’« ancien monde » et l’ascendance d’un édifice contrôlé mondialement, dominé ouvertement par des pôles mondialistes comme le FMI et la BRI.

Trop de gens, même dans le mouvement de la liberté, ont tendance à seulement examiner le vernis de ce programme. Certains se trompent s’ils pensent que les États-Unis et le dollar sont en fait le noyau de ce NOM et sont donc indispensables pour les mondialistes. Comme je l’ai montré maintes et maintes fois, la Réserve fédérale est maintenant en voie d’accélération pour finaliser son sabotage de l’économie américaine ; Elle ne provoquerait pas l’instabilité et la crise pour dégonfler les énormes bulles budgétaires qu’elle a créé, à moins que l’Amérique ne soit au moins partiellement jetable.

Certains croient que le NOM est une construction purement « occidentale » et que les nations orientales se défendent contre un empire globaliste envahissant. J’ai également montré que c’est un non-sens, et que les nations orientales travaillent en étroite collaboration avec ces mêmes globalistes avec lesquels elles sont censées être en guerre. Cela inclut Vladimir Poutine en Russie, un personnage souvent adulé par ignorance par certains militants de la liberté.

Ce que nous voyons dans les médias est un conflit, certes, mais c’est un conflit théâtral. À la fin de la journée, les dirigeants de l’Est s’accordent avec les grands prêtres mondialistes du FMI et de la BRI et déjeunent avec des icônes du NOM comme Henry Kissinger, tout comme les chefs du Parti républicain et même la famille de Donald Trump se rendent aux fêtes avec les stratèges démocrates et George Soros.

Tout n’est qu’un jeu de kabuki. Le monde entier est une scène…

Aussi la question demeure alors que le NOM et son système économique mondial est en fait une menace réelle dont l’existence a été prouvée par des éléments considérables, y compris les mots mêmes de mondialistes éminents. Comment une telle chose commence-t-elle ? Si les États-Unis ne sont qu’un membre que les globalistes sont prêts à sacrifier dans le nouvel agencement pour obtenir une centralisation encore plus grande, où le NOM prendra-t-il racine ? Comme on l’a noté, les pays de l’Est et de l’Ouest sont à la disposition des financiers internationaux, de sorte qu’il ne faut pas être surpris que le NOM se forme apparemment autour de la relation entre deux nations ; une de chaque côté.

Comme Bloomberg l’annonce avec une jubilation apparente dans un article intitulé « Chine – Allemagne avancent alors que les États-Unis lâchent le leadership mondial », Donald Trump risque d’unir les alliés et les ennemis de la guerre froide contre lui. En d’autres termes, le futur est celui d’un socialisme extrême, où les populistes sont une race dangereuse et mourante dont les mouvements de la mondialisation comptent se passer. Le récit est clairement établi.

La relation entre la Chine et l’Allemagne pourrait sembler étrange, mais les deux pays sont beaucoup plus semblables que beaucoup de gens ne le comprennent. L’Allemagne est la pièce maîtresse industrielle et économique de l’Union européenne. La Chine est le pilier économique et industriel de l’Asie. La Chine se vend comme une société communiste avec des loisirs capitalistes. L’Allemagne se vend comme une société capitaliste intégrant des programmes socialistes (communistes) et des mantras de justice sociale. En réalité, les deux nations sont des trous d’enfer collectivistes, mais c’est exactement le genre de modèle que les mondialistes veulent pour le monde entier.

L’Allemagne a mis l’accent sur le modèle d’auto-flagellation qu’est le « multiculturalisme ». Angela Merkel est obsessionnelle dans la poursuite de cet idéal, et cela est logique d’un point de vue globaliste. Le multiculturalisme exige un mouvement absolument ininterrompu des idéologies et des populations à travers les frontières, rendant les frontières largement obsolètes. Les idiots de gauchistes, trompés par des fantasmes idéalistes, comme « il faut un village pour élever un enfant », ont été exploités par les mondialistes comme un outil pour pousser vers la fin de la souveraineté nationale. L’Allemagne de Merkel a été à l’avant-garde de ce mouvement en Europe et elle apparaît maintenant comme une antithèse de Trump.

L’Allemagne a également été pendant de nombreuses années une sorte de paradis socialiste, avec plus de 25% de son PIB entrant dans des programmes de droits si étendus qu’il était possible pour les citoyens allemands (les femmes en particulier) de vivre une grande partie de leur vie sans jamais devoir travailler. C’est ce flux constant d’argent des contribuables dans les programmes d’aide sociale qui a attiré un grand nombre de soi-disant « réfugiés » des pays islamiques vers l’UE, détruisant pratiquement ce système social et forçant l’Allemagne à imposer des restrictions aux nouveaux citoyens.

La Chine a servi le modèle NOM comme terrain d’exercice économique oppressif. Le bien-être social et l’assurance santé universelle sont en effet au premier plan du dernier programme « cinq ans » du gouvernement chinois. Bien sûr, avec des centaines de millions de Chinois vivant avec moins d’un dollar américain par jour, la population n’a d’autre choix que de compter sur la générosité de l’État. Cela a moulé une économie qui est à peine tolérable pour beaucoup, mais assez tolérable pour les empêcher de se révolter. C’est une dynamique que les élites souhaitent appliquer dans chaque pays.

Le gouvernement chinois supervise tous les aspects des réseaux d’entreprises qui composent son économie. Une entreprise chinoise est dans la plupart des cas une entreprise du gouvernement chinois. Il n’existe pas de libre entreprise en Chine. La relation de la Chine avec les institutions mondialistes est bien connue. Elle est l’une des premières nations qu’elles ont appelées ouvertement à participer à un nouveau système monétaire mondial dirigé par le FMI et basé sur le panier des DTS. La Chine a récemment été intronisée pour adhérer au panier de DTS par le FMI, ce qui montre que le grattage du dos est réciproque.

C’est cette stratégie consistant à faire chauffer le panier des DTS et à remplacer le statut de réserve mondiale du dollar en tant que précurseur d’une monnaie mondiale qui a été soulevée maintes et maintes fois par les mondialistes. Récemment Mohamad El-Erian, ancien PDG de PIMCO en a parlé dans un article intitulé « Est-ce que la monnaie mondiale du FMI peut encourager l’unité mondiale? »Dans une note spéciale, El-Erian suggère le passage à un système monétaire mondial comme moyen de lutter contre la récente « montée du populisme ».

Pour qu’un tel plan soit lancé, il faut une certaine stabilité dans le monde. Alors que de nombreuses nations sont confrontées à une crise financière d’une ampleur inconnue depuis la Grande Dépression, les mondialistes doivent encore avoir des endroits pour consolider leur capital et établir une tête de pont pour le prochain assaut contre la souveraineté. Cette tête de pont peut venir sous la forme d’une union économique entre l’Allemagne et la Chine, les deux chouchous du NOM.

La Chine est le principal partenaire commercial de l’Allemagne et l’Allemagne a été à la première place pour l’investissement chinois en Europe. Le mois dernier, Merkel et le Premier ministre chinois Li Keqiang ont eu l’intention d’« approfondir les liens » face au « protectionnisme » promu par Donald Trump. Merkel a déclaré :

« La Chine est devenue un partenaire stratégique plus important…

Nous vivons une période d’incertitude globale et c’est notre responsabilité d’élargir notre partenariat dans tous les domaines et de faire avancer un ordre mondial fondé sur la loi… ».

L’ambassadeur d’Allemagne à Pékin, lors d’une récente séance d’information avec les journalistes menant au G20 a déclaré :

« La dynamique économique et politique du point de vue allemand se dirige vers l’Est.

Les États-Unis ont laissé un peu de vide dans la région en abandonnant l’accord de libre-échange proposé par le partenariat trans-pacifique entre 12 pays… ».

Comme je l’ai soutenu même avant les élections de 2016, le travail de Donald Trump est d’être le catalyseur de multiples programmes mondialistes qui sont en réalité à l’œuvre depuis des décennies. Trump est maintenant l’excuse pour tout. Trump et le populisme sont l’excuse pour un « multilatéralisme » renouvelé, l’excuse pour la coopération allemande et chinoise, l’excuse pour un nouveau système monétaire mondial et, très probablement, le bouc émissaire pour la phase finale inévitable de notre effondrement économique en cours.

Trump est censé représenter l’ancien ordre mondial et sa « barbarie », l’Allemagne et la Chine sont évidemment mises en scène comme symbole de quelque chose de nouveau ; un nouvel ordre mondial dans lequel la coopération et l’interdépendance sont les grandes vertus de notre époque. Je soupçonne qu’avec la Russie et la Chine, l’Allemagne sera l’une des premières nations à délaisser complètement le dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale au moment de passer au système de panier des DTS. Et ce moment approche rapidement. Je soupçonne aussi que les globalistes cherchent une base de pouvoir économique pour projeter leur NOM, et l’Allemagne et la Chine correspondent bien au projet.

Je suggère aux analystes alternatifs de regarder de très près la relation entre ces deux pays. Leurs comportements peuvent signaler de nombreux changements et de nouveaux dangers.

Brandon Smith

Note du Saker Francophone

Si on suit la logique de Brandon Smith, les nouvelles sanctions américaines contre le gaz russe à destination de l'UE pourraient être l'occasion pour faire avancer cet agenda.

Nous continuons à suivre avec attention l'évolution de ces DTS et celle de cette crise financière.

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Démasqué : la doctrine Trump promet un carnage au nouvel axe du mal

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Trump, ONU, Discours, Corée du Nord,


La Corée du Nord, l’Iran, le Venezuela sont les cibles d’une guerre « compassionnelle » de l’Amérique contre une « minorité malveillante ». C’est presque comme si Washington redoutait la perte de son hégémonie.


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 20 septembre 2017 – Source Asia Times via entelekheia

Ce n’était pas un « discours profondément philosophique ». Et à peine une démonstration de « réalisme fondé sur des principes » – comme l’a raconté la Maison-Blanche. Le discours du président Trump à l’ONU a été un « carnage américain », pour reprendre une phrase du rédacteur nativiste du discours, Stephen Miller.

Il faut se donner le temps de bien réaliser l’énormité du naufrage,  lentement. Le président des USA, face à la bureaucratie hypertrophiée qui passe pour être « la communauté internationale », a menacé « de rayer de la carte » l’intégralité de la République populaire démocratique de Corée (25 millions d’habitants). Et que les millions de Sud-Coréens qui périront dans les dommages collatéraux aillent au diable.

De nombreuses tentatives ont été réalisées pour mettre en rapport les menaces de Trump avec la théorie du fou – concoctée par Dicky-le-rusé Nixon, de concert avec Henry Kissinger – selon laquelle l’URSS devait toujours être sous l’impression que le président des USA était assez fou pour lancer une offensive nucléaire. Mais la RPDC ne sera pas impressionnée par cette réédition du fou.

Cela laisse, sur la table, l’option d’une répétition encore plus effrayante de Hiroshima et Nagasaki (Trump a fait plusieurs allusions à Truman dans son discours). De nouveaux scénarios sont déjà frénétiquement échafaudés à Moscou et à Pékin : la Russie et la Chine développent leur propre stratégie de stabilité et de dialogue pour contenir Pyongyang.

La doctrine Trump a finalement été énoncée, et un nouvel axe du mal délimité. Les gagnants sont la Corée du Nord, l’Iran et le Venezuela. La Syrie sous Assad est une sorte de mini-mal, tout comme Cuba. Il est crucial de noter que l’Ukraine et la mer de Chine méridionale ne récoltent que quelques mentions passagères de la part de Trump, et aucune accusation fracassante contre la Russie et la Chine n’a été émise. Cela peut refléter, au moins, une part de realpolitik ; sans la ‘RC’ – le partenariat stratégique Russie-Chine au cœur du bloc des BRICS et de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghaï) – il n’y a aucune possibilité de solution pour la crise dans la péninsule coréenne.

Dans cette bagarre épique de la « majorité vertueuse » contre la « minorité malveillante », avec les USA présentés comme une « nation compatissante » qui veut « l’harmonie et l’amitié, pas le conflit et les querelles», il est un peu fort que Daech – dépeint ici comme nettement moins « maléfique » que la Corée du Nord ou l’Iran – ne fasse l’objet que d’un ou deux paragraphes.

L’art de rompre un contrat

Selon la doctrine Trump, l’Iran est « un État-voyou économiquement épuisé, dont les principales exportations sont la violence, le sang et le chaos », un « régime meurtrier » profitant d’un accord sur le nucléaire qui est « une honte pour les États-Unis ».

Le ministre des affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif a tweeté : « Le discours haineux et ignare de Trump appartient à une époque moyenâgeuse – pas à l’ONU du XXIe siècle – et ne mérite pas de réponse. » Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a encore une fois souligné le soutien russe à l’accord sur le nucléaire en amont de la rencontre des ministres du P5+1 d’hier mercredi, avec Zarif – l’Iranien – assis à la même table que Tillerson – l’Américain. En débat : la conformité aux accords. Tillerson est le seul à demander une renégociation.

Le président de l’Iran Rohani a, de fait, développé un argument imparable sur les négociations nucléaires. Il dit que l’accord – à propos duquel les P5+1 et l’IAEA s’entendent pour dire qu’il fonctionne – pourrait servir de modèle ailleurs. La chancelière allemande Angela Merkel en convient. Mais, dit Rohani, si les USA décident de s’en retirer unilatéralement, comment pourra-t-on convaincre les Nord-Coréens de l’utilité de s’asseoir pour négocier quoi que ce soit avec les Américains ?

Ce que la doctrine Trump vise, en fait, est un des vieux scénarios favoris des néocons, qui remonte à la dynamique des années de Guerre froide Washington-Téhéran emmenée par Dick Cheney.

Le script obéit au schéma suivant : l’Iran doit être isolé par l’Occident – sauf que ça ne va pas marcher auprès des Européens. En effet, l’Iran « déstabilise » le Moyen-Orient – l’Arabie Saoudite, la matrice originelle de toutes les formes de djihadisme salafiste, obtient un laissez-passer – et l’Iran développe des missiles qui pourraient – censément – être équipés de têtes nucléaires, devenant ainsi une nouvelle Corée du Nord.

Cela campe le décor pour une rupture de contrat par Trump, le 15 octobre. Un dénouement aussi géopolitiquement dangereux monterait alors Washington, Tel Aviv, Riyad and Abou Dhabi contre Téhéran, Moscou et Pékin, avec les capitales européennes non alignées. Ce n’est guère compatible avec le profil d’un « pays compatissant » qui veut « l’harmonie et l’amitié, et non le conflit et les querelles ».

L’Afghanistan s’installe en Amérique du Sud

La doctrine Trump, telle qu’énoncée, privilégie la souveraineté absolue de l’État-nation. Mais il y a ces « régimes voyous » agaçants qui doivent être, n’est-ce pas, renversés. Par exemple, le Venezuela, qui est au bord de « l’effondrement total » et dirigé par « un dictateur », donc l’Amérique « ne peut pas rester sans rien faire ».

Et elle ne reste certes pas les bras croisés. Lundi, Trump a dîné à New York avec les présidents de la Colombie, du Pérou et du Brésil – pour sa part, ce dernier est accusé de diriger une organisation criminelle par le procureur général du pays et jouit d’une cote de popularité inverse de celle de Kim, avec 95% d’avis défavorables. Au menu : le changement de régime au Venezuela.

Il se trouve que le dictateur vénézuélien Maduro est soutenu par Moscou, et surtout par Pékin, qui lui achète du pétrole et du gaz, et a généreusement investi dans les infrastructures locales, alors que le géant du bâtiment brésilien Odebrecht est handicapé par l’enquête Lava Jato.

Les enjeux sont très élevés pour le Venezuela. Au début novembre, des forces brésiliennes et américaines seront déployées dans un exercice militaire conjoint dans la forêt amazonienne, à la triple frontière entre le Pérou, le Brésil et la Colombie. Appelez ça une répétition pour un changement de régime au Venezuela. L’Amérique du Sud pourrait bien devenir un nouvel Afghanistan, une conséquence qui dérive de l’affirmation de Trump selon laquelle « de grandes parties du monde sont en conflit, et quelques-unes, en fait, partent à vau-l’eau ».

Malgré tout le noble baratin sur la souveraineté, la volonté des USA envers le nouvel axe du mal, a pour seul objectif, comme d’habitude, des changements de régime.

La Russie-Chine veut trouver une issue à l’impasse nucléaire, puis inviter la Corée du Nord à participer à l’initiative Belt and Road [les Routes de la soie] et à l’Union économique eurasienne (EAEU), via une nouvelle voie ferrée trans-coréenne et des investissements dans des ports de Corée du Nord. La finalité du jeu est l’intégration eurasienne.

L’Iran est une des plate-formes clés de l’Initiative Belt and Road. C’est aussi un futur membre à part entière de l’OCS, il est connecté – via le Corridor de transport nord-Sud (North-South Transport Corridor) – à l’Inde et à la Russie, et c’est un fournisseur potentiel de gaz naturel à l’Europe. Encore une fois, la finalité du jeu est l’intégration eurasienne.

En même temps, le Venezuela détient les plus vastes réserves de pétrole inexplorées de la planète, et Pékin le cible comme futur avant-poste de l’initiative Belt and Road en Amérique du Sud.

La doctrine Trump apporte un nouveau lot de problèmes au couple Russie-Chine. Poutine et Xi rêvent de rétablir un équilibre des puissances similaire au Concert européen [l’Europe du Congrès de Vienne], qui a duré de 1815, après la défaite de Napoléon, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale en 1914. À cette époque, la Grande-Bretagne, l’Autriche, la Russie et la Prusse avaient décidé qu’aucune nation européenne ne devait pouvoir imiter l’hégémonisme de la France sous Napoléon. En se posant à la fois comme juge et bourreau, l’Amérique « compatissante » de Trump semble certainement résolue à la perpétuation de cet hégémonisme.

Pépé Escobar

Traduction Entelekheia

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La Chine et les États-Unis. Planification rationnelle d’un côté, « Lumpen » capitalisme de l’autre

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Le « lumpen » capitalisme se réfère à un système économique dans lequel le secteur financier et militaire exploite le trésor public et l’économie productive au bénéfice d’une petite minorité, les fameux 1%.


Par James Petras – Le 3 novembre 2017 – Source Unz Review

Introduction

Les journalistes et commentateurs, les politiciens et les sinologues américains passent beaucoup de temps et d’énergie à spéculer sur la personnalité du président chinois Xi Jinping et les nominations qu’il prononce pour peupler les instances dirigeantes du gouvernement chinois, comme s’il s’agissait là des aspects les plus importants du 19e Congrès national du Parti communiste chinois (qui s’est tenu du 18 au 24 octobre 2017).

 (Le 19e Congrès national a réuni 2 280 délégués, représentant les 89 millions de membres du Parti communiste chinois)

Coincée entre les ragots, les spéculations oiseuses et le dénigrement de ses dirigeants, la presse occidentale n’a, une fois de plus, pas non plus pris en compte les changements historiques qui se produisent actuellement en Chine et dans le monde.

Les changements historiques mondiaux, tels qu’articulés par le président chinois Xi Jinping, sont présents dans la vision, la stratégie et le programme du Congrès. Ces derniers sont fondés sur un examen rigoureux des réalisations passées, présentes et futures de la Chine.

Les objectifs et les projections sérieuses ainsi que la présence du président chinois contrastent vivement avec le chaos, la démagogie et les calomnies qui ont caractérisé la campagne présidentielle américaine, qui a coûté plusieurs milliards de dollars, et ses honteuses ondes de choc.

La clarté et la cohérence d’un penseur stratégique profond comme le président Xi Jinping contrastent avec les déclarations improvisées, contradictoires et incohérentes du président et du Congrès des États-Unis. Il ne s’agit pas d’une simple question de style, mais de fond.

Nous continuerons cet essai en opposant le contexte, le contenu et la direction de ces deux systèmes politiques.

Chine : Réflexion stratégique et résultats positifs

La Chine a d’abord et avant tout établi des orientations stratégiques bien définies qui mettent l’accent sur les priorités macro-économiques et militaires des cinq, dix et vingt prochaines années.

La Chine s’est engagée à réduire la pollution sous toutes ses formes par la transformation d’une économie basée sur l’industrie lourde en une économie de services de haute technologie, passant d’indicateurs quantitatifs à des indicateurs qualitatifs.

Deuxièmement, la Chine va augmenter l’importance relative de son marché intérieur et réduire sa dépendance à l’égard des exportations. La Chine va aussi augmenter ses investissements dans les domaines de la santé, l’éducation, les services publics, les retraites et les allocations familiales.

Troisièmement, la Chine prévoit d’investir massivement dans dix secteurs économiques prioritaires. Il s’agit notamment des équipements informatisés, de la robotique, des véhicules économiques en énergie, des équipements médicaux, de la technologie aérospatiale et des transports maritimes et ferroviaires. Elle prévoit d’investir trois milliards de dollars américains pour moderniser la technologie dans des industries clés, notamment les véhicules électriques, les technologies pour économiser l’énergie, le contrôle numérique (numérisation) et plusieurs autres domaines. La Chine prévoit d’accroître ses investissements dans la recherche et le développement les faisant passer de 0,95 % à 2 % du PIB.

En outre, la Chine a déjà pris des mesures pour lancer le « petro-Yuan » et mettre fin à la domination financière mondiale des États-Unis.

La Chine est devenue le chef de file mondial dans la réalisation de réseaux mondiaux d’infrastructures grâce à son projet One Belt One Road (la nouvelle Route de la Soie) qui va traverser l’Eurasie. Des ports, aéroports et chemins de fer chinois relient déjà vingt villes chinoises à l’Asie centrale, à l’Asie de l’Ouest, au Sud-Est asiatique, à l’Afrique et à l’Europe. La Chine a créé une banque asiatique multilatérale d’investissement dans les infrastructures (avec plus de 60 pays membres) qui a fourni 100 milliards de dollars pour le financement initial.

La Chine a combiné sa révolution dans la collecte et l’analyse de données avec une planification centralisée pour vaincre la corruption et améliorer l’efficacité de l’allocation des crédits. L’économie numérique de Pékin est désormais au cœur de l’économie numérique mondiale. Selon un expert, « la Chine est le leader mondial des paiements effectués avec des appareils portables », (11 fois plus que les États-Unis). Une start-up sur trois, celles dont la valeur est supérieure à un milliard de dollars, est implantée en Chine (Financial Times 28/10/17, p. 7). La technologie numérique est utilisée par les banques d’État pour évaluer les risques de crédit et réduire fortement les créances irrécouvrables. Cela pour garantir que ce financement crée un nouveau modèle dynamique et flexible combinant planification rationnelle et vigueur entrepreneuriale (ibid.).

En conséquence, la Banque mondiale contrôlée par les États-Unis et l’UE a perdu sa place centrale dans le financement mondial. La Chine est déjà le premier partenaire commercial de l’Allemagne et est en passe de devenir le premier partenaire commercial de la Russie, devenant ainsi une alliée de premier plan pour que la Russie ne souffre pas trop des sanctions.

La Chine a élargi et élargi ses missions commerciales dans le monde entier, remplaçant les États-Unis en Iran, au Venezuela, en Russie et partout où Washington a imposé ses agressives sanctions.

Même si la Chine a modernisé ses programmes de défense militaire et augmenté ses dépenses dans ce domaine, la quasi-totalité de ses efforts sont concentrés sur la défense intérieure et la protection des routes commerciales maritimes. La Chine n’a pas participé à une seule guerre depuis des décennies.

Le système chinois de planification centrale permet au gouvernement d’allouer des ressources à l’économie productive et à ses secteurs hautement prioritaires. Sous la présidence de Xi Jinping, la Chine a mis en place un système d’enquête et de justice qui a abouti à l’arrestation et à la poursuite de plus d’un million de fonctionnaires corrompus dans les secteurs tant public que privé. Un haut statut n’est pas une protection contre la campagne anticorruption du gouvernement : plus de 150 membres du Comité central et des ploutocrates milliardaires sont tombés. Il est tout aussi important de noter que le contrôle central exercé par la Chine sur les flux de capitaux (vers l’extérieur et vers l’intérieur) permet d’allouer des ressources financières aux secteurs productifs de haute technologie tout en limitant la fuite des capitaux ou leur détournement vers l’économie spéculative.

En conséquence, le PNB de la Chine a augmenté en moyenne de 6,5% à 6,9% par an, soit quatre fois le taux de croissance de l’UE et trois fois celui des États-Unis.

En ce qui concerne la demande, la Chine est le plus grand marché du monde et continue de croître. Les revenus augmentent, en particulier pour les travailleurs salariés. Le président Xi Jinping a identifié les inégalités sociales comme un domaine majeur à corriger au cours des cinq prochaines années.

Les États-Unis : chaos, recul et réaction

En revanche, le président et le Congrès des États-Unis n’ont pas élaboré de vision stratégique pour le pays, encore moins une vision liée à des propositions concrètes et à des priorités socioéconomiques qui pourraient profiter aux citoyens.

Les États-Unis ont 240 000 militaires, actifs et de réserve, stationnés dans 172 pays. La Chine en compte moins de 5 000 dans un seul pays – Djibouti. Les États-Unis ont placé 40 000 soldats au Japon, 23 000 en Corée du Sud, 36 000 en Allemagne, 8 000 au Royaume-Uni et plus de 1 000 en Turquie. La Chine dispose d’un nombre équivalent de personnel civil hautement qualifié engagé dans des activités productives dans le monde entier. Les missions outre-mer chinoises et leurs experts ont travaillé pour favoriser la croissance économique mondiale et chinoise.

Les nombreux conflits militaires sans fin que les États-Unis alimentent en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, au Niger, en Somalie, en Jordanie et ailleurs ont absorbé et détourné des centaines de milliards de dollars qui auraient pu aller à des investissements productifs pour l’économie nationale. Dans quelques rares cas seulement, les dépenses militaires ont permis de construire des routes et des infrastructures utiles, ce qui pourrait être considéré comme à « double usage », mais, la plupart du temps, les activités militaires américaines à l’étranger ont été totalement destructrices, comme en témoigne le démembrement délibéré de la Yougoslavie, de l’Irak et de la Libye.

Les États-Unis manquent de la cohérence et de la planification politiques dont fait preuve le leadership stratégique de la Chine. Bien que le chaos ait été inhérent au système économique de « libre marché » américain, il est particulièrement répandu et dangereux sous le régime de Trump.

Les Démocrates et les Républicains du Congrès, unis et divisés, affrontent activement le président Trump sur toutes les questions, qu’elles soient importantes ou insignifiantes. Trump improvise et modifie ses politiques au jour le jour. Les États-Unis possèdent un système où un seul parti dirige officiellement l’administration, avec ses deux grandes ailes, militaristes et affairistes.

Les États-Unis ont dépensé plus de 700 milliards de dollars par an pour mener sept guerres et fomenter des « changements de régime » ou des coups d’État sur quatre continents et huit régions au cours des deux dernières décennies. Cela n’a fait qu’entraîner un désinvestissement dans l’économie nationale, avec la détérioration des infrastructures essentielles, la perte de marchés, un déclin socioéconomique généralisé et une réduction des dépenses de recherche et de développement pour les biens et services.

Les 500 premières entreprises américaines investissent à l’étranger, principalement pour tirer parti des régions à faible fiscalité et des sources de main-d’œuvre bon marché, tout en snobant les travailleurs américains et en évitant les impôts américains. En même temps, ces sociétés partagent la technologie et les marchés américains avec les Chinois.

Aujourd’hui, le capitalisme américain est largement dirigé par et pour les institutions financières, qui absorbent et détournent le capital des investissements productifs, générant ainsi une économie déséquilibrée et sujette aux crises. En revanche, la Chine détermine le moment et la localisation des investissements ainsi que les taux d’intérêt bancaires, en ciblant les investissements prioritaires, en particulier dans le secteur des technologies de pointe.

Washington a dépensé des milliards de dollars pour des infrastructures militaires coûteuses et improductives (bases militaires, ports navals, stations aériennes, etc.) afin de soutenir des régimes alliés stagnants et corrompus. En conséquence, les États-Unis n’ont rien de comparable au projet d’infrastructure chinois « One Belt-One Road », d’une valeur de cent milliards de dollars, qui relie les continents et les grands marchés régionaux et crée des millions d’emplois productifs.

Les États-Unis ont rompu leurs liens avec les centres de croissance dynamiques mondiaux. Washington recourt à une rhétorique auto destructrice idiote et chauviniste pour imposer sa politique commerciale, tandis que la Chine encourage les réseaux mondiaux par le biais d’associations commerciales. La Chine crée des chemins internationaux d’approvisionnement en reliant la haute technologie occidentale et la main d’œuvre bon marché orientale.

Les profits et l’augmentation de la valeur des actions des grands groupes industriels américains de la construction et de l’aérospatiale sont le résultat de leurs liens étroits avec la Chine. Caterpillar, United Technologies 3M et les constructeurs automobiles américains ont enregistré une croissance à deux chiffres de leurs ventes en Chine.

En même temps, le régime de Trump a alloué (et dépensé) des milliards de dollars en dépenses militaires pour menacer de guerres les voisins immédiats de la Chine et interférer avec son commerce maritime.

Déclin étasunien et frénésie médiatique

Le recul et le déclin du pouvoir économique des États-Unis ont entraîné les médias dans une frénésie d’attaques ad hominem idiotes contre Xi Jinping. Les scribes du Financial Times remportent le prix pour ce vitriol décervelé. Les mercenaires et les saints hommes du Tibet y sont décrits comme des modèles de démocratie et des « victimes » d’un État chinois moderne et florissant qui ne vénère pas les « valeurs occidentales » (sic) des bellicistes anglo-américains en perte de puissance !

Pour dénigrer le système chinois de planification nationale et ses efforts conséquents pour lier son économie de haute technologie à l’amélioration du niveau de vie de la population, les journalistes du Financial Times critiquent le président Xi Jinping sur les points suivants :

  • Il n’est pas un communiste aussi dévoué que Mao Zedong ou Deng Xiaopeng.
  • Il est trop « autoritaire » (ou réussit trop bien) dans sa campagne pour extirper les fonctionnaires corrompus.
  • Il établit des objectifs à long terme réalistes tout en affrontant et en surmontant les problèmes économiques en s’attaquant au niveau « dangereux » de la dette.

Alors que la Chine a élargi son horizon culturel, l’élite anglo-saxonne mondiale accroit les possibilités de guerre nucléaire. Le Financial Times traite le rayonnement culturel et économique de la Chine dans le monde entier de « soft power subversif ». Les esprits et les médias occidentaux considèrent l’expansion de la Chine comme un complot ou une conspiration. Tout auteur, penseur ou décideur sérieux qui a étudié et loué le succès de la Chine est écarté en tant que dupe ou agent du rusé président Xi Jinping. Sans substance ni réflexion, le Financial Times (27/10/17) met en garde ses lecteurs en leur demandant de rester vigilants et d’éviter d’être séduits par les succès chinois !

Le leadership croissant de la Chine dans la production automobile est évident dans sa progression vers la domination du marché des véhicules électriques. Toutes les grandes entreprises automobiles américaines et européennes ont ignoré les avertissements des idéologues médiatiques occidentaux et se sont précipitées pour créer des joint-ventures avec la Chine.

La Chine a une politique industrielle. Les États-Unis ont une politique guerrière. La Chine prévoit de dépasser les États-Unis et l’Allemagne dans les domaines de l’intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs et les véhicules électriques d’ici 2025. Et elle y arrivera car telles sont ses priorités scientifiques et économiques précisément définies.

Sans vergogne et stupidement, la presse américaine poursuit avec ses articles à propos des violeurs de Hollywood, comme le puissant magnat du cinéma, Harvey Weinstein, et ses centaines de victimes, tout en ignorant les informations concernant les rapides progrès économiques chinois.

Les élites économiques américaines sont occupées à pousser leur président et le Congrès américain à réduire les impôts qu’ils doivent, alors que 100 millions de citoyens américains restent sans soins de santé et subissent une diminution de leur espérance de vie. Washington semble s’être engagée dans la planification étatique de sa régression.

Pendant que les bombes américaines pleuvent sur le Yémen et que les contribuables américains financent le gigantesque camp de concentration israélien autrefois connu sous le nom de « Palestine », la Chine construit des réseaux routiers et ferroviaires reliant l’Himalaya et l’Asie centrale à l’Europe.

Comme Sherlock Holmes exerçait son art de l’observation et de la déduction, les médias et les politiciens américains perfectionnent leur art de la manipulation et de la tromperie.

En Chine, les scientifiques et les innovateurs jouent un rôle central dans la production et l’augmentation de biens et de services pour la classe moyenne et ouvrière en plein essor. Aux États-Unis, l’élite économique joue un rôle central dans l’aggravation des inégalités, l’augmentation des profits par la réduction des impôts et la transformation du travailleur américain en un travailleur intérimaire mal rémunéré, destiné à mourir prématurément de causes pourtant évitables.

Tandis que le président chinois Xi Jinping travaille de concert avec les meilleurs technocrates du pays pour subordonner l’armée à des objectifs civils, le président Trump et son administration subordonnent leurs décisions économiques à un complexe militaro-industriel-financier-israélien. Pékin investit dans des réseaux mondiaux de scientifiques, de chercheurs et d’universitaires. Les démocrates de l’opposition et les républicains mécontents collaborent avec les grands médias affairistes (y compris le respectable Financial Times) pour financer et fabriquer des complots et des intrigues sous le lit présidentiel de Trump.

Conclusion

La Chine vire et poursuit des fonctionnaires corrompus tout en soutenant les innovateurs. Son économie croît grâce à des investissements, des coentreprises et une grande capacité d’apprendre de l’expérience et de recueillir des données puissantes. Les États-Unis dilapident leurs ressources intérieures dans la poursuite de guerres multiples, la spéculation financière et la corruption endémique de Wall Street.

La Chine enquête et punit ses entreprises et ses agents publics corrompus, alors que la corruption semble être le principal critère d’élection ou de nomination à des postes élevés aux États-Unis. Les médias américains vénèrent les milliardaires qui fuient les impôts et pensent qu’ils peuvent envoûter le public par une démonstration éblouissante de fanfaronnade, d’incompétence et d’arrogance.

La Chine oriente son économie planifiée vers les priorités nationales. Elle utilise ses ressources financières pour poursuivre des programmes d’infrastructure mondiaux historiques, ce qui renforcera les partenariats mondiaux dans le cadre de projets mutuellement avantageux.

Il n’est pas étonnant que la Chine soit perçue comme évoluant vers l’avenir avec de grands progrès alors que les États-Unis sont perçus comme une menace chaotique et effrayante pour la paix dans le monde.

La Chine n’est pas exempte de lacunes dans les domaines de l’expression politique et des droits civils. L’incapacité à corriger les inégalités sociales et à stopper la fuite de milliards de dollars de richesses illicites, ainsi que les problèmes non résolus de corruption du régime continueront à générer des conflits de classes.

Mais ce qu’il est important de noter est la direction que la Chine a choisi de prendre, ainsi que sa capacité et son engagement à identifier et à corriger les principaux problèmes auxquels elle est confrontée.

Les États-Unis ont abdiqué face à leurs responsabilités. Ils ne sont pas disposés ou incapables d’exploiter leurs banques pour investir dans la production nationale afin d’élargir le marché intérieur. Ils ne veulent absolument pas identifier et purger les personnes manifestement incompétentes et incarcérer les fonctionnaires et les politiciens extrêmement corrompus des deux partis et des élites.

Aujourd’hui, une majorité écrasante de citoyens américains méprisent, se méfient et rejettent leur élite politique. Plus de 70 % pensent que les divisions politiques entre factions sont à leur plus haut niveau depuis plus de 50 ans et paralysent le gouvernement.

80 % reconnaissent que le Congrès est dysfonctionnel et 86 % estiment que Washington est malhonnête.

Jamais un empire d’une telle puissance illimitée ne s’est effondré et n’a décliné après si peu de réalisations.

La Chine est un empire économique en plein essor, et elle progresse grâce à son engagement actif sur le marché des idées et non pas par des guerres futiles contre des concurrents et des adversaires prospères.

À mesure que les États-Unis déclinent, ses publicistes dégénèrent aussi.

Le dénigrement incessant des médias à l’égard des défis de la Chine et de ses réalisations est un piètre substitut à l’analyse. Les structures politiques déficientes des États-Unis et ses dirigeants politiques pro marché libre incompétents, dépourvus de toute vision stratégique, s’effondrent en comparaison aux progrès de la Chine.

James Petras

Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone.

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“America First” déserte à Pékin, la guerre contre la Corée du Nord se profile

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‘America First!’ AWOL from Beijing, War with North Korea Looms


James George JATRASPar James George Jatras – Le 11 novembre 2017 – Source Strategic Culture

Rien n’indique que le sommet du président Donald Trump avec le Chinois Xi Jinping ait permis de faire une percée en Corée du Nord. Mais pourquoi pas ? Après tout, Trump a déclaré que la Chine pourrait “résoudre” le problème de la Corée du Nord “facilement et rapidement” et que c’était juste à Xi de se décider.

Le ton timoré de Trump, au sujet du déséquilibre commercial américain avec la Chine, était tout aussi déconnecté de la réalité. Le problème, a-t-il dit, ce n’était pas les Chinois – qu’il complimentait sur leur habileté à exploiter notre stupidité – mais les politiques flasques des administrations américaines antérieures. Absolument exact ! Mais que fera-t-il d’autre ? Pas grand chose semble-t-il, sauf peut-être accorder une large réduction d’impôts, sans aucune condition préalable, aux grosses sociétés qui sont ravies de poursuivre leurs opérations à l’étranger. Marché mondial über alles ! Et ici nous avons tous cru qu’Hillary Clinton avait perdu les élections. . .

Dans l’ensemble, la visite de Trump en Chine se caractérisait par la mise au placard de ses promesses de campagne « America First ! », en faveur de l’agenda mondialiste de ses conseillers économiques, et de la subordination du commerce aux préoccupations géopolitiques de la junte militaire qui dirige son administration. Bien sûr, il pourrait y avoir quelques retouches ici et là, comme le récent coup contre le dumping chinois sur le papier d’aluminium. Mais les ploutocrates inquiets d’une “guerre commerciale” avec la Chine peuvent dormir tranquilles.

Concernant la Corée du Nord – la préoccupation écrasante des États-Unis au sommet de Trump / Xi – Trump n’a rien obtenu. Depuis des mois, les observateurs s’inquiètent de la rhétorique oscillante de Trump, du feu et de la destruction un jour, à faisons un arrangement le lendemain. Il est, alternativement, son bon flic et son mauvais flic.

En principe, il n’y a rien de mal avec les tartarinades et l’imprévisibilité. C’est l’art des affaires, on le sait. Malgré les prétentions des détracteurs de Trump, l’irresponsabilité et l’impulsivité supposées du président ne sont pas le problème. Le style personnel de Trump n’a pas encore abouti à la guerre, et si la guerre venait, ce n’en serait pas la raison. Le véritable danger vient plutôt des experts ostentatoires qui définissent les paramètres avec lesquels Trump opère, auxquels il délivre imprudemment ses objectifs de politique étrangère et de sécurité. Les articles de foi suivants sont gravés dans le marbre.

Tout d’abord, il est bon qu’il y ait eu, manifestement, un moyen pour mener en coulisse des négociations directes entre les États-Unis et la Corée du Nord, mais du point de vue de Washington, il n’y a aucune négociation possible au delà de la demande de dénucléarisation. Tout type de concession à Pyongyang est hors de question, car cela signifierait « récompenser l’agression » et « montrer de la faiblesse ». Il n’y a pas de schéma évident pour un accord quand on s’attend à ce qu’une seule partie fasse des concessions.

Deuxièmement, parce que Washington a présenté les armes nucléaires nord-coréennes comme étant, de fait, une menace vitale pour les États-Unis, l’objectif minimal acceptable pour ces derniers est que Pyongyang abandonne ses armes – un changement de régime serait préférable, car cela signifierait aussi la dénucléarisation. Le fait que Pyongyang soit peu susceptible de renoncer à ses armes nucléaires, en toutes circonstances, signifie qu’il ne peut y avoir aucun arrangement.

Troisièmement, dans l’esprit collectif de Washington, la crise est à 100% la faute de la Corée du Nord, le reste, notre présence [entre autres militaire, NdT] en Corée, nos menaces contre Pyongyang, ou nos actions ailleurs, ne comptent pour rien. « Comment pouvez-vous nous blâmer – nous avons essayé la diplomatie pendant vingt ans et cela n’a fait que conduire à une bombe ! »

Toute suggestion que Kim Jong-un répond aux menaces contenues dans le discours de George W. Bush sur l’Axe du Mal, en 2002, ou à la mise au pas [et mise à mort, NdT] de Mouammar Kadhafi et de Saddam Hussein – qui, contrairement à Kim, étaient assez stupides pour ne pas avoir d’ADM ! – revient à “blâmer l’Amérique”. Assumer la responsabilité de nos erreurs passées n’est pas notre point fort. La perspective que la partie continentale des États-Unis pourrait, dans quelques mois, être ciblée par un missile balistique nord-coréen doté d’une ogive nucléaire n’a absolument aucun rapport avec ce que les États-Unis ont dit ou fait.

Quatrièmement, nous savons que la Chine peut résoudre cela si elle le veut – facilement et rapidement, selon le président. Comme l’a dit John Bolton, ancien ambassadeur américain à l’ONU : « C’est pourquoi nous disons à la Chine : nous allons assister à la réunification ici. Voulez-vous le faire à la dure ou de manière plus facile ? » Cela signifie que la Chine fasse le travail pour nous, sinon nous le ferons. L’idée que Pékin ne lancera pas une action fondamentalement incompatible avec la sécurité nationale de la Chine à cause de la flatterie ou des menaces américaines est presque inconcevable. Mais s’ils ne font pas ce que nous demandons, les conséquences seront leur faute, pas la nôtre.

Cinquièmement, l’option militaire est toujours sur la table. Les membres d’une junte ne sont pas des penseurs stratégiques mais ils sont très, très confiants dans leur technique. Si le pire se produit, et qu’ils sont « forcés d’agir » – de leur point de vue – ils sont suprêmement, et dangereusement, convaincus qu’une bonne exécution peut minimiser les dégâts. Les préparatifs d’une frappe préventive avancent à grands pas. À Séoul, Trump a vanté les prouesses des trois groupes de porte-avions américains au large de la péninsule. Peut-être que c’est juste un bluff pour obliger les Chinois à agir – comme nous le savons, voir le paragraphe précédent. Mais si le pire… empire, et s’avère horrible pour beaucoup de gens, on entendra : Nous n’avions pas le choix à la lumière de l’inaction de la Chine.” Est-ce que cela signifie que les planificateurs sont assis en cercle, spéculant sur le sacrifice de Séoul, afin de ne pas paraître faibles ? Non, mais ils sont prêts à risquer ce résultat parce qu’ils sont poussés à cela par tous les autres éléments de leur approche. Pire, ils sont sûrs qu’ils pourront s’en tirer. Après tout, regardez comment nos autres guerres récentes se sont bien passées !

Sixièmement, Trump a clairement indiqué que ses instincts sont contenus et qu’il sera guidé par des professionnels. Songez à l’Afghanistan, où sa nouvelle non-stratégie – identique à l’ancienne – a été dictée par la junte contre ce qu’il admet être ses propres inclinations. Sur la Corée, les experts se réfèrent principalement à la junte mais aussi à Nikki Haley (sic!!!) et probablement à John Bolton. Il y a aussi une possibilité que David Petraeus, le partisan génial de l’armement d’al-Qaïda en Syrie, ait aussi un doigt dans le pot de confiture. De plus, gardez à l’esprit que Trump n’est pas un néoconservateur mais un Andrew Jackson, ou peut-être un Teddy Roosevelt, nationaliste. “Ne nous sous-estimez pas”, a dit Trump  à Kim. “Et ne nous testez pas.” Quand les experts lui disent que la Corée du Nord nous teste, que peut-il faire d’autre qu’agir ? Après tout, en avril, les experts lui ont dit que Assad avait gazé des enfants en Syrie – et boum ! – il a lancé des missiles de croisière sous les applaudissements des gremlins qui l’entourent dans le marécage, et de sa base populiste qui n’a aucune idée de l’endroit où se trouve la Syrie.

Septièmement – et là c’est le côté amusant – si tout cela se transforme en une énorme catastrophe provoquant des centaines de milliers de morts, qui va tomber ? Pas McMaster ou Haley. Non, tout sera imputé à Trump et sur le chemin de l’“America First !” qu’il n’aura pas suivi. L’establishment des deux côtés, y compris ceux qui l’ont poussé vers une politique plus agressive, vont se précipiter pour le dénoncer : vous voyez, on vous a dit qu’il est cinglé !” Les professionnels lui ont donné de bons conseils mais il a tout salopé ! Dans ce cas, ils n’auraient pas à attendre la mise en accusation, le 25e amendement serait invoqué.

Vous parlez d’une issue gagnant-gagnant pour les fauteurs de guerre de l’État profond : se débarrasser en même temps de Kim et Trump !

James George Jatras

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

« Xi le Dictateur » : un mythe né de l’ignorance et des préjugés

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Par Thomas Hon Wing Polin – Le 26 décembre 2017 – Source CounterPunch

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Le buzz dans les médias occidentaux a commencé il y a des années. Il a récemment atteint un crescendo avec le 19e Congrès du Parti communiste chinois qui a confié un second mandat à Xi Jinping en tant que dirigeant national.

On a beaucoup glosé sur le fait que Xi serait maintenant le leader chinois le plus puissant depuis Mao et Deng, et même que Mao lui-même. Il l’aurait emporté dans les luttes de pouvoir habituelles, et aurait supplanté ses rivaux, dit-on. Le dernier néologisme à la mode est « Xiconomics » qui laisse entendre qu’il aurait aussi pris le contrôle de l’économie chinoise. Tout cela assorti des éternelles allusions aux dangers de la dictature, de l’hyper-concentration des pouvoirs, de l’abus d’autorité, de la répression, etc.

Cette vision occidentale ne fait que démontrer, une fois de plus, l’ignorance et les préjugés dont ceux qui la colportent font preuve depuis longtemps à l’égard de la Chine. Pour comprendre la position de Xi Jinping, il faut étudier de plus près la nature de la gouvernance chinoise d’aujourd’hui et regarder comment elle est devenue ce qu’elle est.

La Chine d’aujourd’hui est une méritocratie qui a un leadership véritablement collectif. Ces deux caractéristiques déterminantes ont pris forme à l’époque de Deng Xiaoping. Pour Deng et ses camarades réformateurs, les excès dévastateurs de la période maoïste ont clairement démontré qu’un pouvoir incontrôlé au sommet était très dangereux pour le bien de la nation. Deng a interdit tout culte de la personnalité autour de sa personne. De toute façon, la présence d’autres révolutionnaires de la première génération – comme Chen Yun et Li Xiannian – montrait bien que Pékin n’était plus dirigé par un seul homme.

Après Deng, la Chine s’est installée dans un système où le chef du Parti communiste partageait l’autorité avec ses collègues du Comité permanent du bureau politique du parti communiste. Ils ont mis en place un système efficace de méritocratie en ressuscitant l’examen impérial de la compétence idéale pour évaluer au mieux l’aptitude à occuper des postes élevés. Au XXIe siècle, les critères de bonne gouvernance ont été l’expérience et la capacité d’action. Le résultat : un parti et un gouvernement éprouvés dont les cadres et les dirigeants ont accumulé une expérience bien plus riche et des compétences bien plus impressionnantes que celle de leurs homologues de n’importe quelle démocratie.

Avec 85 millions de membres, le Parti communiste lui-même est plus grand que la plupart des nations sur Terre. La « dictature du parti unique » qu’ont inventée les Occidentaux, dans leur ignorance, est en fait un assortiment de multiples factions aux intérêts divergents réunies sous un même toit. Les différences entre ces factions sont plus grandes et infiniment plus significatives que celles qui existent entre les partis Démocrate et Républicain aux États-Unis, par exemple. Les débats internes au Parti communiste chinois sur les politiques à mener sont fréquents et vigoureux. À la fin, les questions non résolues sont réglées par le Comité permanent.

Les meilleurs cerveaux de la nation débattent et décident des meilleures politiques de gouvernance pour la nation. Ce n’est donc pas un hasard si, au cours des dernières décennies, la Chine est parvenue à améliorer le niveau de vie de ses habitants dans une mesure de plus en plus reconnue comme unique au monde.

C’est dû au système de gouvernement qui a permis de voir, il y a une dizaine d’années, que Xi Jinping était la meilleure personne pour conduire la Chine dans la phase suivante de son redressement après un nadir 1 historique, et de décider de lui confier cette mission. Contrairement à la mythologie et à l’obsession occidentales, Xi n’a pas « lutté » pour le pouvoir ni ne l’a « pris » pour arriver au sommet. C’est la méritocratie chinoise, qui a évolué sur plusieurs générations, qui a décidé de le mettre là où il est, après qu’il a passé brillamment tous les tests de tous les systèmes d’évaluation.

La méritocratie a choisi Xi pour s’attaquer à une tâche extrêmement difficile. Son mandat comporte deux volets : résoudre les problèmes terribles accumulés par des décennies de réformes accélérées (corruption galopante, discipline militaire laxiste, intensification de l’hostilité de l’Empire américain, etc.) et conduire l’économie chinoise au stade suivant. Pour lui donner la meilleure chance d’y parvenir, le leadership collectif lui a conféré la plus grande autorité depuis Deng Xiaoping.

La prochaine fois que vous entendrez parler de Xi le dictateur ou de Xi-qui-s’est-accaparé-le-pouvoir, pensez à tout ce que je viens de vous dire.

Traduction : Dominique Muselet

Note

  1. Le nadir (de l’arabe نظير, naẓīr, « opposé ») est, en astronomie, le point de la sphère céleste représentatif de la direction verticale descendante, c’est-à-dire le point de la sphère céleste « en dessous » d’un endroit particulier. Il est donc l’opposé du zénith. Par extension, le nadir peut signifier « le point le plus bas » (Wikipedia).

Un nouveau système de sécurité globale pour un monde multipolaire

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Le rôle de la Russie et de la Chine


Par Tayyab Baloch – Le 17 novembre 2017 – Source katehon.com

La Chine a émergé sur la scène internationale en tant que « puissance mondiale » dotée d’une incontestable capacité militaire et de la croissance économique la plus fulgurante au monde. Le commandement chinois n’a pas seulement mis un frein aux manœuvres étasuniennes visant à empêcher la Chine de devenir une puissance mondiale, il a également prouvé que les Chinois ont les moyens de réparer, grâce au développement économique, les dégâts causés par les tentatives US de maintenir leur hégémonie. La lutte menée par la Russie pour réintégrer l’échiquier international en tant que superpuissance comparable à ce qu’était l’URSS a porté ses fruits sous la direction de Vladimir Poutine. Les dirigeants des deux pays, Chine et Russie, ont pris conscience du fait que le seul moyen de mettre en échec le monde unipolaire réside dans la mise en place des institutions d’un nouveau monde multipolaire passant par un basculement des centres de pouvoir. Concrètement, le partenariat stratégique sino-russe met en place un nouvel ordre mondial fondé sur la paix et le développement.

L’an dernier, les deux pays ont célébré de concert le 70e anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale en conviant les dirigeants du monde multipolaire à assister aux parades militaires des armées sur la Place Rouge et la place Tiananmen. La quasi-totalité des pays de la planète et leurs armées y ont pris part, à l’exception des USA et de l’Europe. Les États-Unis et le bloc occidental de l’OTAN qui ont boycotté les cérémonies russe et chinoise célébrant la victoire sur le nazisme et le fascisme sont précisément ceux qui entraînent le monde vers une guerre totale, alors que la Russie et la Chine ont combiné leurs efforts pour préserver le monde de ce péril de guerre naissant. Ce partenariat global entre Moscou et Pékin laisse à penser que les deux puissances sont prêtes à défendre le monde contre les manœuvres perfides ourdies par les USA. Voilà pourquoi les deux superpuissances mondiales ne se contentent pas d’élaborer un dispositif de sécurité commune pour la sûreté du monde mais s’apprêtent également à faire front de la Mer Noire à la Mer de Chine méridionale contre un ennemi commun.

L’ordre mondial multipolaire conduit par la Chine et la Russie garantit une prospérité mondiale par le jeu d’une intégration régionale pacifique. Cela explique les tentatives des États-Unis et de leurs vassaux d’empêcher l’avènement de cette multipolarité au moyen d’une stratégie d’encerclement de la Russie via l’OTAN et de confinement de la Chine via un projet d’OTAN asiatique. Dans ce scénario émergent, le monde fait face à un tournant inédit sur l’échiquier géopolitique. La Turquie, membre de l’OTAN, se prépare à rejoindre la Chine et la Russie tandis que l’Inde, qui fait partie des BRICS et de l’OCS, à l’initiative desquels se trouvent les Russes et les Chinois, est en passe de se rallier à la politique d’endiguement de la Chine menée par les USA. Les spécialistes pensaient jusque là que ce serait le Pakistan, qui se trouvait être le plus proche allié des USA, qui ferait front commun avec la Russie et la Chine.

Cette étude vise à examiner le dispositif sino-russe de sécurisation de l’Asie du Pacifique dirigé contre la poussée belliciste des USA en Asie, en mettant en lumière la politique étasunienne de confinement contre ces superpuissances émergentes qui bâtissent un ordre mondial multipolaire visant à mettre fin à l’hégémonie unipolaire établie sur le globe.

La vision de Xi et la préparation des Chinois à la guerre

Des reportages journalistiques laissent entendre que la Chine a enjoint ses citoyens à se tenir prêts pour une éventuelle troisième guerre mondiale. Cette mesure auto-protectrice a été prise par le haut commandement chinois dans le but de protéger sa souveraineté à la suite de la tenue d’une soi-disant cour internationale d’arbitrage concernant le litige en Mer de Chine méridionale. La Chine ne s’est pas contentée de rejeter le jugement partial rendu par ladite cour dans cette affaire, elle s’est aussi engagée à prendre des mesures pour garantir la sauvegarde de ses revendications territoriales et de ses voies maritimes. Le commandement chinois actuel est déterminé à faire du rêve de la Chine une réalité. Ainsi, le président Xi Jinping a dévoilé sa conception de réhabilitation de l’ancienne route de la soie à travers des Belt Road initiatives modernisées dans le but de mettre en relation le monde entier au moyen des ponts terrestres et des voies maritimes.

Suite à la proclamation des Belt Road initiatives par Xi Jinping, les USA ont donné un coup d’accélérateur à la « guerre hybride » contre la Chine afin de bloquer ses routes commerciales en alimentant les contentieux territoriaux entre les Chinois et les pays voisins. Dans cette optique, les États-Unis tentent de mettre en place leur propre pacte de sécurité en Asie du Pacifique, impliquant les régimes actuellement en place au Japon, en Corée du Sud et en Australie, tandis que l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ANASE) et l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale (ASACR) sont également mobilisées. En Asie du Sud, Washington est parvenue à aligner New Delhi sur ses positions pour contrer Pékin dans la région alors que la posture adoptée par l’Inde en mer de Chine méridionale demeure ambigüe. L’inclination actuelle de l’Inde en faveur des USA laisse à penser qu’elle ralliera le projet d’un OTAN asiatique sous contrôle US dirigé contre la Chine. Bien que partie prenante des institutions du monde multipolaire, l’Inde gouvernée par Modi s’est mue en tête de pont pour l’hégémonie mondiale unipolaire. Comme l’a écrit l’auteur d’un article intitulé « La Russie au sein de l’ASACR » : « L’Inde était également aux côtés de la Russie et de la Chine au cœur des BRICS et de l’OCS, mais la démarche actuelle de Modi consistant à aligner l’Inde sur les positions des partisans d’un monde unipolaire risque de mettre en péril la multipolarité mondiale. »

Les tensions actuelles entre les USA et la Chine sont le fruit des velléités de Washington d’instrumentaliser ces états contre Pékin. Dans les faits, les USA travaillent à l’élaboration d’un OTAN en Asie contre la Chine. Mais cela ne signifie en rien que cette initiative anti-chinoise sera couronnée de succès, dans la mesure où cela entraînera guerre et destruction pour le monde tout entier ; par ailleurs, la Chine est en mesure d’offrir une intégration et un développement régionaux attrayants dans la perspective d’une résolution de tous les contentieux territoriaux et régionaux. Le fait que la Russie se soit jointe à la Chine pour faire de la formule « le futur c’est l’Asie » une réalité, y est pour beaucoup.

La Russie, un arbitre en Asie

Sous la direction du président Poutine, la Russie a recouvré son statut de superpuissance mondiale depuis la dissolution de l’Union Soviétique. Les succès russes en Syrie démontrent que la Russie est prête à se battre pour la paix mondiale. Factuellement, la Russie est devenue le symbole de la résistance contre l’hégémonie unipolaire car elle est à ce jour le seul pays à s’opposer à la mentalité de guerre froide des USA, et ce depuis 70 ans ; dans la perspective d’une guerre mondiale qui se profile, la Russie s’est mise à incarner l’espoir d’un monde multipolaire ayant les moyens de mettre en échec la collusion USA/OTAN. C’est pour cette raison que les États-Unis présentent la Russie comme une redoutable menace pour la sécurité de l’Europe et aspirent à l’encercler au moyen des forces dont dispose l’OTAN. Sous les ordres de l’Oncle Sam, ces forces se sont rapprochées des frontières de la Russie à la faveur d’un conflit ukrainien instrumentalisé dans ce but. Malgré les tentatives d’entraver l’ours russe par le biais des sanctions européennes, la Russie a exploité l’opportunité que représentaient ces sanctions pour reconfigurer son économie et envisager l’Asie comme une option alternative à l’Europe.

À présent, la Russie est devenue l’un des partenaires commerciaux et stratégiques les plus importants pour les pays asiatiques. Dans les faits, la diplomatie multipolaire russe met à contribution les nations asiatiques dans le parachèvement de son projet de grande Eurasie. Récemment, au cours du sommet réunissant la Russie et l’ANASE à Sotchi, l’Association sud-asiatique a démontré son intérêt pour ce partenariat en signant un accord de libre échange (ALE) avec l’Union Économique eurasiatique (UEEA) dirigée par la Russie, tandis que cette dernière a également proposé de tisser des liens économiques et stratégiques plus étroits entre l’UEEA, l’ANASE et l’OCS.

L’engagement complet de la Russie aux côtés des nations asiatiques assure le statut de « médiateur » à la Russie dans la résolution des conflits et des litiges territoriaux. Alors que les Russes assument leur rôle de médiateur pour atténuer les tensions entre la Chine et le Vietnam, ils tiennent également celui d’arbitre entre la Chine et l’Inde en fournissant à celles-ci la tribune des BRICS et de l’OCS pour régler leurs contentieux frontaliers. Sous la houlette de l’OCS, le Pakistan et l’Inde se voient offrir l’opportunité de trouver une issue au conflit qui les oppose par la voie d’une intégration pacifique.

Le contrôle russe de la Ceinture de feu dans le Pacifique

Après avoir pris la mesure de la menace que pouvait représenter l’Amérique à l’encontre de la Chine à l’occasion du contentieux de la Mer de Chine méridionale, la Russie a décidé de masser son armée à proximité du territoire japonais sur les Îles Kouriles, aussi connues sous le nom de Ceinture de feu du fait de leur nature volcanique. L’archipel des Kouriles russes au cœur du Pacifique a renforcé la place de la Russie dans la sécurisation de cette zone océanique. L’accroissement de la présence militaire et l’installation de systèmes de missiles sur les côtes ont changé la donne. Dans le même temps, la Russie prévoit également de constituer une flotte pour le Pacifique basée dans l’archipel des Kouriles.

En réalité, c’est la nouvelle militarisation du Japon qui explique principalement le renforcement militaire russe sur les Îles Kouriles, si l’on considère que la tendance japonaise à la militarisation s’inscrit dans la stratégie du « pivot asiatique » mise en place par les USA. Le Japon, sous le gouvernement Abe, est devenu un « État vassal » des États-Unis. Le régime en place au Japon a adopté un projet de loi controversé autorisant les forces armées nationales à engager le combat à l’étranger. En d’autres termes, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’armée japonaise peut prendre part à des missions à l’étranger, c’est-à-dire participer à une guerre menée par l’OTAN, particulièrement du fait que le Japon est considéré comme l’un des membres fondateurs du projet d’OTAN-bis en Asie, et ce à la demande des USA dans le but de contrer la Chine.

Bien que le Japon ait revendiqué certaines de ces îles, celles-ci reviennent pleinement de droit à la Russie conformément aux traités internationaux. Ce contentieux constitue le principal obstacle à l’établissement d’un traité de paix entre la Russie et le Japon depuis la Seconde Guerre mondiale, au même titre que dans le développement actuel d’un contexte propice à un troisième conflit mondial. Les installations militaires russes sur ces îles du Pacifique favorisent une alliance de la Chine avec la Russie, et cette initiative stratégique semble jouer un rôle stabilisateur dans la région d’Asie pacifique.

La sécurisation multipolaire en Asie pacifique

La Chine et la Russie s’emploient à bâtir un cadre de sécurité mondial multipolaire ainsi que de nouveaux mécanismes impliquant une coopération gagnant-gagnant dans les relations internationales en mettant un frein « la loi de la jungle » que les USA et l’OTAN ont imposée au monde.

Lors du mois d’août de l’année dernière, le ministre des affaires étrangères russe a écrit un article portant sur la formation d’un nouveau monde multipolaire (polycentrique) qui a été publié dans divers médias russes et chinois sous le titre « Les tentatives de falsifier l’histoire de la Seconde Guerre mondiale sapent les fondations d’un nouvel ordre mondial ». Dans cet article, le ministre Lavrov déclare que « la Russie et la Chine s’accordent sur des approches équivalentes ou proches quant aux problématiques modernes cruciales, elles se prononcent conséquemment en faveur d’un nouvel ordre mondial polycentrique reposant sur le droit international, le respect des identités des différents peuples, leur droit à choisir en toute indépendance leur voie de développement ». D’où le discours du président chinois Xi Jinping qui, durant son allocution prononcée au cours de la 70e session de l’assemblée générale des Nations Unies, a lancé une mise en garde retentissante stipulant que la « loi de la jungle » ne devrait pas définir la façon dont les pays gèrent leurs relations – le bellicisme provoquerait un retour de bâton. A présent, la communauté internationale observe de quelle façon la Russie et la Chine refondent les relations internationales sur des bases plus saines en créant de nouvelles institutions multipolaires dans le but de développer un avenir meilleur et plus sûr.

Pour dire les choses plus simplement, la Russie et la Chine ont créé un contexte propice à des opportunités nouvelles pour la stabilité du monde en associant leurs ambitions en faveur d’une « grande Eurasie » et d’une « modernisation de l’antique route de la soie ». Ce faisant, elles façonnent l’avenir du monde nouveau en étendant et renforçant les institutions mondiales multipolaires, à savoir les BRICS, l’OCS et l’AIIB, comme autant d’options alternatives aux institutions unipolaires telles que le FMI, la Banque Mondiale, l’OTAN et la BAD. Concrètement, la stratégie étasunienne de guerre hybride globale dirigée contre le projet chinois de route de la soie et l’Union économique eurasiatique pensée par les Russes a rapproché la Russie et la Chine dans leur volonté d’établir un système de sécurité alternatif visant à s’opposer à la mentalité de guerre froide propre aux USA et à l’OTAN. Moscou et Pékin ont convenu d’assurer leurs arrières respectifs depuis les rivages de la Mer Noire jusqu’à ceux de la Mer de Chine méridionale en mettant en place des mécanismes de sécurité communs.

L’alliance contre l’OTAN et le projet d’un OTAN asiatique

Les succès engrangés par les Russes dans leur lutte contre l’embrasement des foyers de conflits alimentés par l’OTAN en Ukraine et en Syrie a convaincu la Chine de s’incorporer au nouveau modèle sino-russe de sécurité globale. La Chine n’a pas seulement réprouvé l’élargissement de l’OTAN aux Balkans, elle en a aussi appelé à la communauté internationale pour condamner la mentalité de guerre froide de l’OTAN en réaction à l’éventuelle adhésion du Monténégro à l’OTAN en décembre dernier. La porte-parole du ministre des affaires étrangères chinois a déclaré à cette occasion, au cours d’un point-presse : « Nous pensons que l’OTAN est un produit de la guerre froide […] Nous sommes convaincus que la communauté internationale doit prendre ses distances avec la mentalité de guerre froide. »

La coopération sino-russe dans le domaine de la défense montre que les deux nations conçoivent conjointement des mécanismes visant à garantir la sécurité mondiale. Forte d’un soutien des Russes, la Chine a tracé une ligne rouge face au projet d’OTAN-bis en Asie concocté par les establishments étasunien et japonais. La Russie ne se contente pas de mettre à profit son influence en Asie pour résoudre les contentieux territoriaux entre la Chine et les nations d’Asie du Sud, elle a également pris des mesures offrant des contreparties à la Chine, à l’image par exemple de la préoccupation manifestée par les Russes concernant l’installation sur le sol coréen du Terminal High Altitude Area Defence (ou système THAAD) que la Chine a qualifié d’acte de guerre contre ses intérêts. Bien que les États-Unis aient affirmé que leur système était nécessaire pour contrer toute attaque de missile en provenance de la Corée du Nord, la Chine et la Russie ont toutes deux estimé que cette initiative constituait une menace explicite pour la sûreté de l’Asie du Pacifique.

Soixante-et-onze ans après sa victoire sur le nazisme à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la Russie s’est tournée vers l’Asie pour soutenir la Chine contre le fascisme japonais, un scénario qui se rejoue à travers le monde du fait de la mentalité de guerre froide instillée par les États-Unis. La Russie et la Chine forgent ensemble un dispositif antimissile commun au profit du monde multipolaire, étendant ainsi la structure antiterroriste de l’Organisation de Coopération de Shangaï (RATS SCO) afin de sécuriser la Route de la Soie et la Grande Eurasie en réponse au jeu trouble orchestré par les USA pour faire basculer le monde dans la guerre totale.

Dans les faits, l’OCS est considérée comme le garant des projets de la Route de la Soie des Chinois et de la Grande Eurasie des Russes. Il a déjà été fait mention du fait que la vocation principale de l’OCS est de faire office de contrepoids face à l’OTAN et de constituer notamment un mécanisme multipolaire visant à désamorcer les conflits instrumentalisés par les USA dans les régions frontalières de la Russie et de la Chine. Comme l’a souligné un observateur, la Russie a fait la guerre à Daech en Syrie pour le compte de l’OCS car État Islamique représentait une menace pour le foyer géographique de l’organisation. L’Afghanistan, le Pakistan et les États d’Asie Centrale figuraient sur la liste des cibles visées par Daech. Dans les publications de l’EI, ces territoires, incluant le Xinjiang chinois, sont considérés comme formant le « Khorasan » une branche de État islamique. Ce sont les forces unipolaires qui ont créé Daech au Moyen-Orient à la faveur de l’intervention US. Le but secret de cette nouvelle forme d’activisme était de circonscrire la grande stratégie chinoise visant à établir la ceinture économique de la route de la soie ainsi que son pendant maritime (une ceinture, une route) à travers l’Eurasie.

À présent, tandis que la Russie est en train de mettre en déroute le terrorisme en Syrie, la Chine s’est associée à Moscou pour reconstruire le pays. Les Russes et les Chinois feront ensuite équipe pour sécuriser les branches de la Route de la Soie au Moyen-Orient en soutenant le nationalisme arabe laïque hostile au fanatisme. Aux côtés de l’OCS, ils mobiliseront la Syrie, la Turquie, l’Iran, l’Égypte et Israël en vertu de leur candidature à une adhésion au groupe de Shanghai. En outre, toutes les nations sud-asiatiques font partie de l’OCS, et le Pakistan tout comme l’Inde peut obtenir le statut de membre à part entière depuis 2017. Ajoutons à cela le fait que la Russie et la Chine œuvrent à articuler l’OCS avec l’ANASE et nourrissent l’ambition d’élargir la structure antiterroriste de l’organisation pour englober les États membres et observateurs ; cette initiative a pour but, là encore, de contrer la politique étasunienne d’endiguement.

Il est nécessaire de préciser que l’OCS est prête à assumer toute responsabilité dans la sécurisation du monde en conformité avec la charte de l’ONU. Des manœuvres militaires coordonnées et les missions de maintien de la paix qui lui incombent indiquent que l’OCS constitue désormais un bloc alternatif pour garantir la sécurité mondiale alors que la Russie ambitionne également de relier l’Organisation du traité de sécurité collective (l’OCTS), puissante alliance militaire d’Asie Centrale, à l’OCS.

Tayyab Baloch

Traduit par François relu par Cat pour le Saker Francophone

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