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Comment l’Occident est tombé dans le Piège de l’Or [3/3]

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Russie-Chine : une alliance en or


Par Dmitry Kalinichenko – Le 7 juillet 2015 – Source : FortRuss

Première partie

Deuxième partie

1. Les cours du pétrole ont baissé de moitié

La Russie a vu fondre ses revenus tirés de l’exportation de pétrole et de gaz. Résultat, le budget russe, d’excédentaire, est devenu déficitaire. L’Occident, mené par les États-Unis, a donc privé la Russie de la possibilité de continuer à augmenter ses réserves d’or, comme c’était le cas grâce aux exportations d’hydrocarbures à bon prix. L’afflux de devises étrangères en Russie a été stoppé. Et le rouble a chuté, entraînant le doublement des prix des importations russes de biens manufacturés. Ce plat de sanctions aux mille ingrédients a été minutieusement concocté par les chefs de Washington, pour la Russie, coupable d’avoir osé défier la domination du dollar. La Russie a refusé de continuer à emprunter aux États-Unis, en rachetant des Bons du Trésor, ce qui a été considéré à Washington comme un acte de guerre.

Washington sait mieux que quiconque que le fait de remplacer systématiquement les actifs libellés en dollars américains par de l’or, dans la structure des réserves russes, va miner le monopole de facto que les Américains exercent sur la finance mondiale.

2. Seule une poignée d’observateurs avertis l’a noté, la baisse des cours du pétrole et celle du rouble ont masqué le fait que le ratio des prix pétroliers et de l’or, exprimés en dollars, a baissé de plus de 50%.

Si au début de 2014, 13 barils de pétrole correspondaient, en dollars, à une once d’or, aujourd’hui il faut 29 barils de pétrole pour une once d’or. Autrement dit, avant, la Russie devait exporter 13 barils de pétrole pour pouvoir acheter une once d’or. Aujourd’hui, il lui faut exporter 29 barils de pétrole pour se procurer la même quantité d’or. Ce que l’on voit clairement sur ce schéma :

En savoir plusLu dans Forbes : une crise est inévitable

Comme vous le savez, les prix du gaz baissent en même temps que les prix du pétrole, puisque le cours du gaz est basé sur celui du pétrole.

En divisant les cours du pétrole par deux, Washington bloque les capacités de la Russie d’acheter de l’or en échange de ses ressources énergétiques, bradées grâce aux efforts des Occidentaux. Bien sûr, cette tentative de l’Ouest n’a pas atteint son but. La chute des cours du pétrole et la dépréciation du rouble n’ont pas ralenti les achats d’or sur le marché intérieur par la Banque de Russie. En plus, la Chine a aussitôt profité de l’occasion pour reprendre la première place mondiale des achats d’or à l’Inde.

3. Réalisant soudain qu’on décrit Poutine comme le grand maître des échecs qui met l’Occident mat, la Maison Blanche a tenu à réfuter cette information publiquement.

Lors d’un entretien donné à CNN, le Président Barack Obama a déclaré : «Je ne pense pas que Poutine soit un maître qui puisse me battre.» Pour appuyer ses dires, Obama a souligné la chute du rouble et les problèmes causés à l’économie russe par les sanctions occidentales.

En savoir plusVu sur le site russe de BFM (traduction automatique)

Avec cette affirmation, Obama a reconnu publiquement que tout ce qui affecte l’économie mondiale et celle de la Russie, loin d’être un hasard, est l’œuvre des manipulations décidées par les hommes du pouvoir financier de Washington. Dans la langue utilisée par nous autres humbles mortels, cette déclaration d’Obama signifie qu’il va faire rentrer le dissident Poutine dans le droit chemin, et que la Russie va à nouveau frapper à la porte de l’Église washingtonienne des Témoins du Dollar. La mesure ultime que devrait prendre Poutine quand il se repentira sera de vendre son or, selon les docteurs de la loi de l’Église washingtonienne des Témoins du Dollar. De nombreux organes de presse influents en Occident ont déjà signalé que la Russie avait commencé à le vendre. Une fausse information, dans la plus pure tradition démocratique des médias de masse occidentaux.

4. En dépit des sanctions occidentales et de cette baisse du cours du pétrole par rapport à celui de l’or, la Russie a continué à augmenter ses réserves d’or jusqu’à la fin de 2014.

En décembre 2014, la Banque de Russie a ajouté 19 tonnes d’or à ses réserves. Et 2014 fut une année record pour les achats d’or, si on prend les 25 dernières années. Autant dire, un record dans toute l’histoire de la Fédération de Russie. Durant l’année 2014, la Banque de Russie a acheté 171 tonnes d’or. En 2014, les achats d’or par la Russie ont représenté un tiers des achats des banques centrales du monde, c’est le Financial Times qui le dit, citant une étude de Thomson Reuters GFMS.

En savoir plusVu sur un site financier russe (traduction automatique)

5. Fin 2014, encore une révélation désagréable pour l’Église washingtonienne des Témoins du Dollar : la Russie est devenue le deuxième producteur mondial d’or, seulement dépassée par la Chine – aïe! un membre des BRICS et de l’Organisation de sécurité de Shangaï.

Une vérité qui donne des sueurs froides aux Américains, parce que l’axe Russie-Chine pourrait bien créer sa propre monnaie de référence sur des fondations solides – l’or, devise internationale – devise qui serait utilisée par les BRICS comme une devise de paiement universelle et un véritable étalon de mesure.

6. Et il y a les députés russes!

Les grands-prêtres du dollar hégémonique n’en peuvent plus : depuis le début de 2015 les députés de la Douma de la Fédération de Russie ont à plusieurs reprises et lors de débats très animés discuté de l’introduction de l’or comme nouvelle devise de paiement international. Nouvelle devise, ou plutôt devise temporairement oubliée, sous la forme du Rouble d’Or de Russie.

Tout ces préparatifs forment une véritable menace contre le dollar, en tant qu’instrument du monopole financier global américain. Cette évolution oblige Washington à adopter des mesures urgentes et extraordinaires contre la Russie rebelle de Poutine.

7. Washington a toujours voulu éliminer par la guerre tous ceux qui ont tenté d’arrêter d’utiliser le dollar américain comme moyen de paiement et, plus grave (que Dieu leur pardonne !), comme mesure-étalon.

Les vraies raisons de l’agression militaire occidentale, cornaquée par les États-Unis, contre l’Irak et la Libye sont à chercher dans le souhait de leurs leaders d’abandonner le dollar. Toutes les autres raisons : manque de démocratie en dépit des richesses générées par les hydrocarbures, manque d’empressement à suivre les sacro-saintes valeurs de l’Occident, etc. sont uniquement des prétextes de propagande nécessaires pour cacher les vraies raisons de la guerre et justifier l’agression militaire.

La vraie raison pour la guerre contre l’Irak et la Libye fut le souhait légitime de leurs leaders d’abandonner le dollar pour l’or. Les événements d’Ukraine sont la manifestation de la guerre américaine non déclarée contre la Russie, par Ukrainiens interposés. Ou, comme on le dit maintenant, les événements d’Ukraine sont une guerre de vassaux contre la Russie. Et tout le monde l’a bien compris. Que ce soit aux États-Unis, en Russie ou en Europe.

Nous sommes donc devant la panoplie complète des mesures punitives traditionnelles contre un pays qui a osé défier la domination financière américaine sur le monde. Si nous laissons de côté les habituels propos moralisateurs sur les valeurs démocratiques, toutes ces mesures font partie de l’opération obliger la Russie à vendre son or. Mais l’appui chinois à la Russie annule tous les efforts de Washington à ce sujet. Donc, Washington a besoin d’améliorer ses relations de toute urgence avec la Chine, et c’est devenu la priorité n°1 pour l’Amérique. Mais même si la Russie est obligée de vendre son or, elle le vendra à la Chine, ou il restera au sein de l’Alliance de l’Or sino-russe. Obama a invité plusieurs fois, et de manière pressante, Xi Jinping à se rendre en visite officielle à Washington : ce sont des tentatives pour briser l’alliance sino-russe. Si Washington réussit, l’Occident doublera ses chances transformer la Russie en colonie minière et d’étrangler la Chine via ses approvisionnements énergétiques.

La première chose que la Russie ferait, une fois assujettie à l’Ouest, serait d’arrêter tout approvisionnement énergétique et en matières premières à la Chine, sur commande de Washington. Coloniser la Russie est le premier pas pour coloniser la Chine. Xi Jinping, si on observe ses discours et ses actes, comprend cela mieux que quiconque. Les espoirs de la Maison Blanche de persuader le leader chinois d’abandonner l’alliance avec la Russie ne valent pas plus que ceux de le voir acquiescer à la colonisation de la Chine.

Cette fois, pas de solution militaire habituelle américaine. La Russie n’est pas l’Irak, ni la Libye ni même le Vietnam.

Un acte de guerre direct contre un pays comme la Russie pourrait signifier la fin des États-Unis. Aussi Washington essaie-t-il de faire des Européens de la chair à canon, les poussant fermement à la guerre contre la Russie. La dernière fois, les États-Unis avaient réussi leur coup, via leur protégé Hitler, littéralement installé au pouvoir par les représentants de Wall Street.

En savoir plus : Document à télécharger : Wall Street et l’ascension d’Hitler 

La Seconde Guerre mondiale a permis aux États-Unis de sortir de la Grande Dépression, mais aussi de devenir la nation la plus riche du monde, vendant des équipements militaires aux deux camps.

En savoir plus : Pourquoi l’Amérique a besoin d’une guerre

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis avaient augmenté leurs réserves d’or de 60%, ce qui a permis au dollar de devenir la monnaie mondiale de référence, en 1944.

Aujourd’hui les États-Unis ont épuisé toutes les richesses qu’ils avaient gagnées lors de ce conflit. L’Amérique est à nouveau en dépression et a besoin d’une grande guerre à ses confins – en Europe.

En savoir plus Lu dans un site spécialisé sur le marché de l’or

L’Europe résiste encore et refuse de lancer une guerre contre la Russie, au nom des intérêts américains. Vous comprenez que lorsque nous disons Europe, nous ne parlons pas des Européens. Nous parlons d’un petit groupe de personnes qui détiennent le pouvoir en Europe.

Ce qui veut dire que la possibilité d’une nouvelle guerre dépend de la résistance individuelle et de la volonté politique d’une très petit nombre de responsables, que l’on peut compter sur les doigts de la main. Des millions de gens, en Europe et en Russie, peuvent seulement espérer que ces personnalités sont sans peur, immortelles, incorruptibles et ne se jettent pas sur les femmes de ménage entre deux âges, dans les hôtels américains. Le souhait de voir la Russie réduite à l’état de colonie minière est l’intérêt commun des États-Unis et de l’Europe. Mais le souhait des États-Unis de voir l’Europe se lancer dans une guerre contre la Russie pour réaliser ce but divise les deux compères : ce n’est certes pas l’intérêt de l’Europe de risquer d’être complètement détruite !

En Occident, comme avant le début de l’opération pour forcer la Russie à vendre son or, personne ne comprend ce que Poutine fait maintenant ni ce qu’il fera demain. Pour un non-grand maître touché par les sanctions, Poutine semble bien sûr de lui et sourit un peu trop souvent.

En savoir plusLu sur le site Panteres : Rira bien qui rira le dernier

Il sourit, comme s’il pouvait détruire l’Otan et tout le système financier occidental n’importe quand. Ce dont Paul Craig Roberts ne doute pas, alertant l’Administration américaine : «Les ruines, c’est notre futur».

Beaucoup se demandent : «Peut-être Poutine bluffe-t-il seulement et fait-il contre mauvaise fortune bon cœur?» Peut-être. Mais rappelez-vous le nombre de fois où l’on a cru que Poutine bluffait. Et combien dure, à chaque fois, a été la désillusion. Donc, si ce n’est pas du bluff, quel sera le prochain coup du grand maître Poutine et de son homologue Xi Jinping ?

Traduit du russe par Kristina Rus

Traduit de l’anglais par Ludovic, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

Fin (provisoire ?) de la série.

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L’Express Moscou-Beijing au départ

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De la conférence de Bretton Woods du 1er au 22 juillet 1944 au sommet OCS-BRICS à Oufa du 6 au 10 juillet 2015


Par Jeff J. Brown – Le 2 août 2015 – Source thesaker.is le 4 aout 2015.

Les livres d’histoire de nos petits enfants feront référence à ces deux événements internationaux, Bretton Woods et Oufa, comme étant des tournants dans l’organisation géopolitique mondiale de l’après-guerre. Cela, bien sûr, si le colonialisme occidental ne pousse pas l’humanité à la catastrophe, dans une tentative désespérée de sauver son empire fasciste au moyen d’une troisième guerre mondiale.

À l’hôtel Mount Washington à Bretton Woods, dans le New Hampshire, 730 délégués venant de 44 pays occidentaux alliés se réunirent pour trois semaines, du 1er au 22 juillet 1944. La Chine et l’URSS étaient représentées, mais seulement par une personne physique. La Seconde Guerre mondiale n’était pas terminée. Il faudra encore dix mois avant que l’armée Rouge ne pénètre à Berlin, détruisant la Wehrmacht nazie, le 9 mai 1945. L’armée Rouge chinoise fera de même avec l’armée impériale japonaise, tout en expulsant les colons occidentaux et leurs alliés du Kouo-Min-Tang, le 3 septembre 1945.

Ces deux pays communistes auront perdu pas moins de 40 millions de leurs citoyens dans leurs guerres pour vaincre le fascisme mondial. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont chacun perdu environ 400 000 hommes, donc un total de 800 000. Cela ne représente que 2% du sacrifice russe et chinois.

Et pourtant, Bretton Woods fut essentiellement une affaire anglo-saxonne, avec les deux principaux rentiers du colonialisme occidental, le Royaume-Uni et les États–Unis, présidant la table ronde. Les 42 autres délégués étaient surtout là pour la cérémonie et les photos. Le Royaume-Uni voulait avant tout garder la mainmise sur le système bancaire occidental (la City de Londres) et aussi garder intacte la Banque des règlements internationaux (BRI), qui avait collaboré avec les nazis. Malgré ses racines fascistes, elle est encore en activité de nos jours. Les Américains voulaient un commerce sans barrière, se sachant les rois de la production industrielle, maintenant que l’infrastructure européenne et japonaise était détruite par la guerre. Bien sûr, l’Oncle Sam obtint ce qu’il désirait. Les importations de matières premières bon marché, payées en dollar, entrèrent alors que sortaient des produits finis chers, payés en dollars, et au travers de banques occidentales. Le dollar fut institué monnaie commerciale internationale, le FMI et la Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD) furent crées, cette dernière devenant, plus tard, la Banque mondiale, sous contrôle américain.

Israël fut imposé au monde musulman. Il incarne le diable islamophobe de l’Occident, un Quasimodo grotesque aidant l’Empire à commettre des actes terroristes, des opérations sous fausse bannière et des génocides, non seulement au Moyen-Orient, mais sur toute la planète. Israël est un outil de l’impérialisme, un mercenaire stipendié.

Comme nous le savons, cette organisation géopolitique mondiale fut un paravent pour la poursuite du colonialisme occidental, utilisant des institutions légales, des lois, la finance, les banques, la dette et les taxes douanières, tout cela avec le soutien de républiques bananières, dont beaucoup étaient militairement occupées. Encore maintenant, ces armes de domination économique continuent à pomper les richesses et les ressources naturelles du monde en développement, comme le fait l’Occident depuis 1492, quand Christophe Colomb mit le pied sur la terre américaine. Le fait que ce grand explorateur européen fut directement responsable du meurtre de 500 000 indigènes indiens et qu’il y ait un jour férié en son honneur, nous en dit beaucoup sur la légende orwellienne du progrès occidental. (1)

Bien sûr, l’Occident nous a donné Mozart et la pénicilline. Mais pour la morale de la majorité du monde, les 85% de l’humanité qui ne sont pas de peau blanche et catholiques-protestants-juifs de l’Eurangloland, cela a toujours été un sacrifice faustien de proportions inacceptables. Si l’on additionnait les meurtres causés par l’empire Occidental du nouveau et de l’ancien monde, le chiffre de 2 000 000 000 – oui, M pour milliards – vous sauterait aux yeux, même s’il ne vous sera jamais présenté ainsi en-deçà de la Grande barrière médiatique occidentale. (2)

Tel est donc cet ordre mondial datant de Bretton Woods, style 1%-99%, dans lequel l’humanité souffre beaucoup. En quelle proportion? Ce graphique vous en donnera une petite idée.

Image de Pinterest

C’est ce que l’empire Occidental a semé. Une large majorité des gens les plus riches du monde sont occidentaux, ceux dans le premier 1/5e (20%). Si vous prenez ces 20% et que vous les redivisez en cinq parties, cela redonnera les mêmes divisions inégalitaires. Reprenez encore les 20% en haut de cette nouvelle pyramide et redivisez en cinq et, de nouveau, vous obtenez le même graphe. Et ainsi de suite. Vous arrivez finalement aux 1% de Bretton Woods, une petite centaine de familles possédant la vaste majorité des richesses mondiales. Ils viennent quasiment tous d’Eurangloland. Dans les faits, Bretton Woods a crée un monde ou 85 familles sont aussi riches que les 3 milliards d’habitants les plus pauvres de la planète. Il est temps que cela change, radicalement (3).

A Oufa, en Russie, du 6 au 10 juillet 2015, s’est tenu un autre sommet international, appelé OCS-BRICS. OCS est l’acronyme d’Organisation de coopération de Shanghai, organisation de nature essentiellement stratégique. Elle fut mise en place par la Chine. BRICS est une organisation dont la mission est de nature plus économique et financière, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Quinze chefs d’État ont participé à ce sommet d’Oufa. En voici la liste :

Afghanistan
Biélorussie
Brésil
Chine
Inde
Iran
Kazakhstan
Kirghizstan
Mongolie
Pakistan
Russie
Afrique du Sud
Tadjikistan
Turkménistan
Ouzbékistan

Mais aussi des dizaines de hauts représentants de trois autres coalitions anti- occidentales y participèrent : l’Union économique eurasienne (UEE), la Communauté des États indépendants (CEI) et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Ces trois organisations sont menées par la Russie et, ensemble, recoupent les frontières géographiques de l’ancienne URSS, sauf l’Europe de l’Est, la Géorgie et la partie occidentale de l’Ukraine.

En tout, 10 000 citoyens de ces pays vinrent participer à l’histoire en marche. Voici la carte qui représente tous les membres, ceux qui aspirent à être membre dans l’une de ces organisations ainsi que l’alliance latino américaine, l’ALBA, qui regroupe les pays anti-occidentaux d’Amérique du Sud.

Cette carte est parlante. Je ne pense pas que quiconque qui aurait participé à Bretton Woods, en 1944, aurait pu imaginer une telle carte. Du point de vue occidental, cela ne devait pas tourner ainsi. Mais c’est une carte des pays rêvant d’un XXIe siècle différent, plus coopératif, moins prédateur. Et pour que cela arrive, la planète Terre doit être beaucoup, beaucoup, plus équitable. Est-ce que ces pays et leurs peuples pourront créer un monde plus égalitaire pour toute l’humanité? Pourront-ils vraiment aplanir le graphique des richesses présenté ci-dessus? A la fin du XXIe siècle, cela sera la preuve de leur réussite ou de leur échec, surtout dans un monde aux ressources déclinantes et au réchauffement en augmentation.

Ces ambitieux pays sont organisés en six sous-groupes régionaux ou globaux : ALBA, BRICS, CEI, OTSC, OCS et EUU. L’Empire occidental est en train de créer des turbulences géopolitiques contre eux, ce qui ne fera que les rapprocher encore plus. Je vais leur donner un nouveau nom collectif : les Anti-Occident.

D’autres pays, comme l’Argentine ou l’Érythrée, seront sans doute attirés dans cette sphère car ils sont déjà, politiquement et économiquement, anti-occidentaux. La pauvre Grèce devrait aussi y adhérer si elle pouvait se libérer des chaînes occidentales en train de l’asphyxier. Puis l’Afrique, le grand continent. Il est encore largement confiné au chaos, à l’exploitation et à la servitude par l’Eurangloland. Ayant vécu et travaillé là bas pendant dix ans, je suis de tout cœur avec eux.

À Oufa, les deux principaux dirigeants de ces groupes, les présidents Vladimir Poutine de Russie et Xi Jiping de Chine étaient au charbon vingt heures par jour, comme beaucoup d’autres chefs d’État et aides de camp. On les voyait parfois fatigués, raides et un peu hagards. Au fur et à mesure des réunions, on les sentait marcher sur des œufs. Ce ne sont pas des surhommes. En regardant des vidéos des diverses réunions, il est évident qu’eux et les autres dirigeants pouvaient ressentir le moment historique qu’ils étaient en train de vivre. La pression devait être énorme. Tous les participants savaient contre quoi se dressait le sommet d’Oufa ; l’empire Occidental, le colonialisme, le fascisme et la guerre. Ce sommet fut vraiment un appel global à la révolution pour abattre la dictature de Bretton Woods et mettre en place un authentique nouvel ordre mondial.

Xi et Poutine étaient en bonne compagnie. Dans de nombreuses vidéos et photos, Xi est entouré de son ministre des Affaires étrangères et de son conseiller à la Sécurité nationale, Yang Jiechi, deux des plus grands esprits géopolitiques mondiaux. Ils sont assis là, immobiles, écoutant passivement. Et, doux comme la soie, hyper diplomate, le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov, dans le dos de Poutine, prenant des notes et lisant les mémos. Je dois reconnaitre que les présidents Rousseff, Zuma et le premier ministre Modi avaient aussi amené avec eux des équipes impressionnantes, comme tous les autres pays. Espérons-le, car l’Empire occidental en veut à tous ces personnages comme à tous les trésors, humains et naturels, de ces pays.

Il y eut trop de réunions à Oufa pour pouvoir les compter. La plus importante, et la plus longue, fut celle ou le président Poutine amena face à face les Premiers ministres indien et pakistanais, Narendra Modi et Nawaz Sharif, pour résoudre les disputes frontalières entre ces deux pays, concoctées par l’administration coloniale anglaise avant de quitter le pays, comme avec la Chine à propos des régions Jammu-Cachemire-Aksai Chin, et qui bloquent l’intégration totale du continent asiatique. Ce problème est comme un cancer colonial, niché au cœur des espoirs et des rêves pan-asiatiques. Il doit absolument être résolu.

Ces trois pays ont chacun une grande armée, un esprit nationaliste affirmé et possèdent l’arme nucléaire. Trois religions se font face : l’islam, l’hindouisme et le bouddhisme. Ces trois pays qui ont connu des guerres frontalières, dépensé des milliards, gardent un nombre inconnu de divisions face à face sur ces points chauds avec tous les risques que cela implique. Cette inanité d’inspiration coloniale est comme un mauvais scénario mais pourtant pas de la fiction.

Le Pakistan, l’Inde et la Chine ont donc besoin d’un médiateur de leur niveau, informé et diplomate, pour résoudre ce nœud gordien du XXe siècle et la Russie est le seul pays pouvant remplir ce rôle.

C’est ce qu’elle fit. Grâce à l’arbitre russe, Modi et Sharif sortirent de la réunion avec une initiative en cinq points et Modi accepta une invitation à visiter le Pakistan l’année prochaine. Plus tôt dans l’année Modi et Xi avaient déjà mis en place les fondements d’une réconciliation frontalière. La Chine et le Pakistan entretiennent déjà de bonnes relations. La Russie et la Chine sont d’anciens frères d’armes communistes. Et la Russie entretient d’excellentes relations avec tout ce monde. Espérons que le sommet d’Oufa sera rétrospectivement vu comme un catalyseur de la résolution des conflits frontaliers, ouvrant la voie à une intégration trans-asiatique totale.

Le président Poutine, le ministre Lavrov et leur talentueuse équipe doivent donc achever l’exploit diplomatique du XXIsiècle. Mais attention, cela sera vraiment très dur. Le fantôme colonial britannique est à l’affût. L’Eurangloland sait que cette dispute frontalière tripartite est le point faible des espoirs de libération anti-occidental. Il va donc utiliser à plein pot ses techniques de trahison sanglantes : division et conquête, corruption, propagande, opérations psychologiques et secrètes, fausses bannières et cinquième colonne, jusqu’à la guerre, pour être sûrs que cela échoue.

Soixante et onze ans après Bretton Woods, l’Anti-Occident est poussé par les vents de l’histoire, gonflant la voile du sommet révolutionnaire d’Oufa et le poussant vers un nouveau siècle chargé d’espoir. Espérons que les viles machinations d’Eurangloland ne fassent que raffermir la détermination de tous pour que l’humanité puisse vivre une paix et une prospérité partagées pour la première fois depuis cinq cents ans.

Jeff J. Brown

PS : Alors que ce sommet d’Oufa fut complètement passé sous silence au-delà de la Grande barrière médiatique occidentale, Pékin a montré son originalité et sa bonne humeur pour informer ses 1,3 milliards de citoyens à propos de ce sommet en réalisant ce dessin animé qui fut même traduit en anglais.

PPS : Les dirigeants du G20, du moins ceux qui ont participé à ce sommet, ont annoncé dans leur conférence de presse de clôture qu’ils continueraient le dialogue amorcé à Oufa durant la prochaine réunion du G20 qui doit se tenir en Turquie en novembre 2015. Encore un coup porté à la dictature de Bretton woods.

PPPS : Lire la déclaration d’Oufa (en anglais), le plan d’action et la conférence de presse de Poutine

  1. Le professeur d’histoire américain David Stannard a écrit dans American Holocaust (Oxford press, 1992) que «plus de 100 millions d’Indiens d’Amérique furent tués» et que «Christoph Colomb en a personnellement tué un demi million». Bien sûr, vous n’aurez jamais accès a ce genre d’information derrière la Grande barrière médiatique, mais ces chiffres furent pleinement confirmés par un autre chercheur, Russell Thorton, dans son étude intitulée Holocauste et survie des indiens d’Amérique : Histoire de cette population depuis 1492 (University of Oklahoma press, 1990)

  2. https://sites.google.com/site/censorshipbythebbc/bbc-censors-indian

  3. http://www.theatlantic.com/business/archive/2014/01/the-worlds-85-richest-people-are-as-wealthy-as-the-poorest-3-billion/283206/

Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

 

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House of Cards : l’art de la guerre derrière la stratégie

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Par Rong Xiaoqing – Le 25 février 2014 – Source globaltimes.cn

Illustration: Liu Rui/GT

Soudain, tout le monde semble parler de House of Cards. Mes amis américains sont en concurrence avec d’autres dans une course non-stop pour finir la deuxième saison du thriller politique sur Netflix. Mes amis en Chine continuent de mettre à jour leur progression sur leurs comptes WeChat.

Le président américain Barack Obama a averti ses disciples sur Twitter de ne pas révéler l’intrigue. Et certains hauts fonctionnaires en Chine sont supposés être des fans fébriles.

Une partie de cette frénésie est due à une astuce intelligente du marketing de Netflix. Cette série, comme la première, est disponible d’un seul trait, de sorte que si vous voulez l’avaler en une nuit et terminer le tout au petit matin, vous le pouvez.

Cela crée un niveau d’excitation qui n’existe pas quand une série est proposée sur plus de douze semaines de manière traditionnelle. Ajoutez à cela la décision de libérer la série simultanément en Chine sur sohu.com, avec une série de complots qui touche à de nombreux problèmes sino-américaines, et vous avez une recette pour un succès bien au-delà des côtes américaines.

Mais vous le devez aussi à Frank Underwood, joué avec brio par Kevin Spacey, l’habile politicien qui est le personnage principal de House of Cards.

C’est, bien sûr, toujours une fiction. Dans le monde réel, il est peu probable qu’un membre du Congrès pourrait littéralement s’en sortir en assassinant, en manipulant tout ceux qui entrent en contact avec lui, et encore réussir à être promu vice-président. Même Obama a plaisanté : «Ce gars sait faire beaucoup de choses, je souhaiterais que les choses puissent être aussi impitoyablement efficace.»

Cela pourrait être un point particulièrement important à garder à l’esprit pour le public en Chine, étant donné la tendance de beaucoup à confondre les descriptions fictives avec la vie réelle aux États-Unis, et le fait que beaucoup d’entre eux prennent le spectacle comme la politique des États-Unis.

Mais même sans élément de la politique chinoise dans cette saison, le spectacle aurait, malgré tout, touché une corde sensible en Chine.

La série est à la base une version de L’art de la guerre, un ancien livre chinois des tactiques militaires que l’on suppose avoir été écrit par le philosophe Sun Tzu transposé à la Maison Blanche et au Congrès.

Voyez vous-même :

Underwood : Après tout, nous ne sommes ni plus ni moins que ce que nous choisissons de révéler.

Sun Tzu : Toute guerre est basée sur la tromperie.

Underwood : Pour ceux d’entre nous qui montent au sommet de la chaîne alimentaire, il ne peut y a voir de pitié. Il n’y a qu’une règle : chasser ou être chassé.

Sun Tzu: Ainsi l’expert militaire fait bouger l’ennemi, et n’est pas bougé par lui.

Mettez tout ça ensemble et sentez comme le politicien américain moderne fictif et l’ancien philosophe chinois se parlent à propos de stratégie. Et vous n’avez pas besoin de comprendre les collectes de fonds, les élections à mi-mandat, les super comités d’action politiques et les flibustiers pour admirer ces tactiques.

Élu ou pas, les gens qui ont le pouvoir peuvent facilement être intoxiqués, devenir accros et être noyés par lui. Avec ou sans élections générales, toutes sortes de vices peuvent se développer dans le désir d’obtenir, de maintenir et d’augmenter le pouvoir.

Bien sûr, il y a des moments dans House of Cards où les électeurs comptent, lorsque la cote de popularité du président est en chute libre, par exemple. Mais même cela semble être une démonstration de la façon dont les opinions du public peuvent être utilisées et manipulées par les stratèges.

La Chine et les États-Unis peuvent avoir leurs propres règles dans le jeu de la politique. Mais parfois, les règles ne sont pas aussi importantes que les joueurs – surtout quand ils sont aussi les arbitres qui peuvent faire, interpréter et modifier les règles. Comme Underwood le dit : «Parmi toutes les choses que je tiens en haute estime, il n’y a pas de place pour les règles.»

La Chine et les États-Unis peuvent avoir chacun leurs propres moyens pour brider la bestialité du pouvoir. Mais l’ennemi auquel ils doivent faire face, c’est la nature humaine et les ambitions qu’elle nourrit, ambitions qui peuvent conduire à la corruption à grande échelle, sauf si elles sont bien gérées.

Cela peut être la raison pour laquelle sévir contre la corruption est un travail difficile à la fois en Chine et aux États-Unis. Et c’est aussi la raison pour laquelle le public dans les deux pays tend à se saisir de toute tentative de le faire.

Rong Xiaoqing

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La chute de l’Amérique signale la montée du Nouvel Ordre Mondial

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« Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou »

Abraham Maslow (The Psychology of Science,  1966)

 


Par Brandon Smith – Le 2 décembre 2015 – Source alt-market


«La quête contemporaine pour l’ordre du monde va requérir une stratégie cohérente pour établir un concept d’ordre dans les différentes régions et relier ces ordres régionaux à un autre.» – Henry Kissinger, lors de l’assemblée du Nouvel Ordre Mondial

«Une partie de la préoccupation des gens est tout simplement la conscience que partout dans le monde, l’ordre ancien ne tient pas et que nous ne sommes pas encore tout à fait là où nous devrions être concernant ce nouvel ordre qui est basé sur un ensemble différent de principes, sur un sens commun de l’humanité et sur des économies qui fonctionnent pour tous les peuples.»Barack Obama

«Nous réitérons notre engagement fort pour les Nations Unies (ONU), en tant qu’instance multilatérale, avant tout chargée d’apporter l’espoir, la paix, l’ordre et le développement durable dans le monde. L’ONU jouit d’une adhésion universelle, elle est au centre de la gouvernance mondiale et le multilatéralisme. » – Déclaration du cinquième Sommet des BRICS

«Nous soutenons la réforme et l’amélioration du système monétaire international, avec un système de monnaie de réserve international à grande échelle assurant la stabilité et la certitude. Nous nous félicitons de la discussion sur le rôle des DTS dans le système monétaire international actuel, y compris la composition du panier de monnaies des DTS. Nous soutenons le FMI pour rendre son cadre de surveillance plus intégré et équilibré.» –  Déclaration du cinquième Sommet des BRICS

Voici où de nombreux analystes politiques et économiques pêchent terriblement dans leur examen des paradigmes mondiaux actuels : ils ont tendance à croire aveuglément la narration dominante plutôt que de prendre en compte les déclarations et les actions contradictoires des dirigeants politiques et financiers. Même dans le mouvement de la Liberté, composé de certaines des personnes les plus sceptiques et les plus épargnées par les médias sur la planète Terre, les cancers des suppositions et des préjugés prennent souvent le dessus.

Certains partisans de la Liberté sont plus qu’heureux de croire dans certaines dynamiques particulières des médias traditionnels. Ils sont heureux de croire, par exemple, que le conflit croissant entre l’Est et l’Ouest est légitime plutôt que monté de toutes pièces.

Vous pouvez lister citation après citation et action politique après action politique prouvant que les gouvernements de l’Est, dont la Chine et la Russie, travaillent main dans la main avec les institutions mondialistes comme le Fonds monétaire international, la Banque des règlements internationaux, la Banque mondiale et l’ONU vers l’objectif de la gouvernance mondiale et de la centralisation économique mondiale. Mais ces gens ne vont tout simplement pas écouter. Ils doivent croire que les États-Unis est le méchant couronné, et que l’Est est dans l’opposition héroïque. Ils sont tellement prêts à tout pour un avant-goût de l’espoir qu’ils sont prêts à consommer le poison des fausses dichotomies.

Le mouvement de la Liberté est entiché de la supposition que le gouvernement américain et les élites bancaires les entourant sont au sommet de la nouvelle pyramide de l’ordre mondial et qu’ils «se battent pour leur survie» alors que l’économie américaine se désagrège derrière la façade d’un faux gouvernement et de fausses statistiques de la Banque Centrale. Combien de fois avons-nous entendu au cours de la seule année écoulée que la Réserve fédérale s’est «elle-même acculée dans un coin» ou s’est elle-même mise «entre le marteau et l’enclume» ?

Je dois rire de l’absurdité d’un tel point de vue, car les banquiers centraux et les internationalistes ont toujours utilisé l’instabilité économique comme un moyen d’obtenir un avantage politique et social. La consolidation de la puissance mondiale bancaire après la Grande Dépression est un témoignage de ce fait. Et même l’ancien président de la Fed, Ben Bernanke, a admis – au moins dans une certaine mesure – que la Réserve fédérale était responsable de cette terrible implosion, une implosion qui a idéalement servi les intérêts des cartels de banques internationales comme JP Morgan.

Mais la Réserve fédérale n’est rien de plus qu’un appendice d’un système plus vaste ; elle n’est pas le cerveau de l’opération.

Dans son livre «La tragédie et l’espoir», Carroll Quigley, membre du CFR et mentor de Bill Clinton, a déclaré:

«Il ne faut pas croire que les dirigeants des banques centrales principales du monde ont eux-mêmes des pouvoirs substantiels dans la finance mondiale. Ils ne les ont pas. Au contraire, ils ne sont que les techniciens et les agents des banquiers d’investissement dominants de leurs propres pays, qui les ont élevés à leur place et sont parfaitement capables de les renvoyer. Les pouvoirs financiers du monde sont dans les mains de ces banquiers d’investissement (aussi appelés des banquiers internationaux ou marchands) qui sont restés en grande partie dans les coulisses de leurs propres banques privées non constituées en société. Ceux-ci forment un système de coopération internationale et de domination nationale qui est plus privé, plus puissant et plus secret que celui de leurs agents dans les banques centrales.»

Dans Gouverner le monde de l’argent, le Harper’s Magazine établit ce que Quigley a admis dans La tragédie et l’espoir, que le contrôle de la politique économique mondiale et, par extension, de la politique politicienne est dominé par un petit nombre d’élites, notamment à travers le cadre institutionnel obscur de la BRI.

Les États-Unis et la Réserve fédérale ne sont que des tentacules des grands vampire des abysses qu’est le Nouvel Ordre Mondial. Et il est possible de sacrifier un tentacule, dans une certaine mesure, si l’échange se traduit par une plus grande centralisation du pouvoir.

L’illusion de certaines personnes au sein du mouvement de la Liberté, est que la chute de l’Amérique se traduira par la chute du Nouvel Ordre Mondial. En réalité, la chute de l’Amérique est une étape nécessaire vers la montée du nouvel ordre mondial. Le magasine financier The Economist appartenant à la famille Rothschild a réaffirmé cette tendance à l’harmonisation économique dans son article de 1988, Préparez-vous à une monnaie mondiale en 2018, qui décrit la création d’une monnaie mondiale appelée Phoenix sur trois décennies:

«La zone Phoenix imposerait des contraintes serrées sur les gouvernements nationaux. Il n’y aurait plus, par exemple, de politique monétaire nationale. La création du Phoenix mondial serait gérée par une nouvelle banque centrale, peut-être une émanation du FMI. Le taux d’inflation dans le monde et, par conséquent – avec des amplitudes faibles – chaque taux d’inflation national, serait à sa charge. Chaque pays pourrait utiliser les impôts et les dépenses publiques pour compenser les chutes temporaires de la demande, mais il aurait à emprunter plutôt qu’à imprimer de l’argent pour financer son déficit budgétaire. En l’absence de recours à une taxe inflationniste, les gouvernements et leurs créanciers seraient obligés d’étudier leurs plans d’emprunt et de prêt de bien plus près qu’ils ne le font aujourd’hui. Cela signifie une grande perte de souveraineté économique, mais les tendances qui rendent le Phoenix si attrayant l’emportent sur cette souveraineté dans tous les cas.»

«… Le Poenix serait probablement, au début, comme un cocktail de monnaies nationales, tout comme les droits de tirage spéciaux (DTS) le sont aujourd’hui. Avec le temps, cependant, sa valeur par rapport aux monnaies nationales cesserait d’avoir de l’importance, parce que les gens le choisiraient pour sa commodité et la stabilité de son pouvoir d’achat.»

Nous sommes maintenant sur le point de voir se réaliser la prédiction dont a parlé The Economist, il y a plus de 27 ans. Les nations des BRICS, y compris la Russie de Vladimir Poutine, ont tous constamment appelé à la formation d’un système mondial de monnaie de réserve sous le contrôle direct du FMI et fondé sur la méthode du panier de DTS. Ce nouveau système mondial, comme The Economist l’a suggéré, exige la marginalisation des structures de pouvoir existantes et la fin du contrôle économique souverain. Les gouvernements à travers le monde, y compris aux États-Unis seraient à la merci fiscale des nouveaux grands prêtres financiers grâce à l’utilisation de la dette en fonction des incitations insidieuses accordées ou non selon le bon vouloir du FMI.

La Chine est appelée à être intronisée dans le panier des DTS en 2015, avec des changements économiques spécifiques à effectuer avant septembre 2016, un développement sur lequel je vous ai mis en garde depuis des années. Le vote a eu lieu et la décision a été finalisée. Alors que certains dans les médias traditionnels minimisent la montée du yuan comme insignifiante, à la tête du FMI, Christine Lagarde présente ce changement comme un événement majeur, pas pour la Chine, mais pour le FMI et les DTS dont elle parle avec fierté comme la monnaie de monnaies.

L’ajout de la Chine au panier de DTS, je crois, est le prochain événement déclencheur sur le chemin de l’élimination du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Le décalage monétaire peut exploser à grande vitesse si l’Arabie saoudite suit [les USA, NdT] avec un possible plan de dépréciation du dollar, mettant ainsi fin au statut du pétrodollar qui a tant réussi aux États-Unis depuis des décennies.

Ceci est, bien sûr, le même système des DTS contrôlé par le FMI que Poutine et le Kremlin ont appelé de leur vœux, malgré le fantasme courant sur Poutine qui serait en quelque sorte un adversaire des mondialistes.

Poutine continue d’appuyer sur la narrative, «les États-Unis sont les méchants maladroits», tandis que dans le même temps il soutient les institutions mondialistes et l’internationalisation de la gouvernance économique et politique. Alors que beaucoup de gens étaient trop concentrés sur son «cri de guerre» concernant les États-Unis et leur implication dans la création d’ISIS dans son récent discours à l’ONU, ils semblent avoir complètement négligé son adoration pour l’Organisation des Nations Unies et le développement d’une gouvernance mondiale constituée. Poutine parle souvent avec des sous-entendus comme Barack Obama le fait – un moment supportant la souveraineté et la liberté, puis appelant à la centralisation mondiale :

«La Russie est prête à collaborer avec ses partenaires pour développer l’ONU sur la base d’un large consensus, mais nous considérons toutes les tentatives visant à saper la légitimité de l’Organisation des Nations Unies comme extrêmement dangereuses. Ils peuvent entraîner l’effondrement de l’ensemble de l’architecture des relations internationales, et alors en effet il n’y aura pas de règles en réserve, sauf la règle de la force. »

«Chers collègues, assurer la paix et la stabilité mondiale et régionale demeure une tâche essentielle pour la communauté internationale guidée par les Nations Unies. Nous croyons que cela signifie la création d’un environnement de sécurité égal et indivisible qui ne servirait pas quelques privilégiés, mais tout le monde.»

M. Poutine a également proclamé son soutien à la lutte de l’ONU contre le changement climatique, le même changement de climat que le secrétaire d’État John Kerry a fait valoir comme étant un facteur dans la crise en Syrie et la montée d’ISIS. J’ai écrit par le passé sur la fraude du changement climatique anthropique (réchauffement global) et je ne vais pas entrer dans ce débat ici maintenant, mais il reste que Poutine est entièrement à bord avec ladite fraude comme tous les autres politiciens marionnettes du monde entier :

Note du Saker Francophone

A ce sujet, je vous conseille le point de vue plus nuancé de Dmitry Orlov et sa série sur la technosphère qui commence par analyser le discours à l'ONU de Valdimir Poutine.

«… Une autre question qui affectera l’avenir de l’humanité tout entière est le changement climatique. Il est dans notre intérêt de faire en sorte que la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui aura lieu à Paris en Décembre de cette année, aboutissent à des résultats tangibles. Dans le cadre de notre contribution nationale, nous prévoyons de limiter les émissions de gaz à effet de serre à 70-75% des niveaux de 1990 d’ici l’an 2030.»

«C’est en effet un défi d’ampleur mondiale. Et je suis convaincu que l’humanité a la capacité intellectuelle nécessaire pour y répondre. Nous devons unir nos efforts, et principalement l’engagement des pays qui possèdent des capacités de recherche et de développement solides, et ont fait des progrès significatifs dans la recherche fondamentale. Nous proposons la convocation d’un forum spécial sous les auspices de l’ONU pour aborder de façon globale les questions liées à l’épuisement des ressources naturelles, la destruction de l’habitat et le changement climatique. La Russie est prête à co-parrainer un tel forum.»

En effet, il est dans l’intention de Poutine de soutenir totalement et défendre le cadre internationaliste tout en participant en même temps au faux paradigme Est/Ouest théâtralisé :

«Dans le cadre des BRICS, nous voyons coïncider un ensemble d’intérêts stratégiques.
Tout d’abord, il y a une intention commune de réformer le système monétaire et financier international. Sous sa forme actuelle, il est injuste envers les BRICS et les nouvelles économies en général. Nous devrions prendre une part plus active dans le FMI et le système de prise de décision de la Banque mondiale. Le système monétaire international lui-même dépend beaucoup du dollar américain, ou, pour être précis, de la politique monétaire et financière des autorités américaines. Les pays des BRICS veulent changer cette situation.»

Les Chinois soutiennent le même agenda d’un monde économique géré par le FMI :

La crise économique mondiale montre les «vulnérabilités inhérentes et les risques systémiques du système monétaire international actuel», a déclaré le gouverneur Zhou Xiaochuan dans un essai publié lundi par la banque. Il a recommandé la création d’une monnaie constituée d’un panier de devises mondiales et contrôlée par le Fond monétaire international et il a déclaré qu’il aiderait «à atteindre l’objectif de sauvegarde de la stabilité économique et financière mondiale.»

Il est assez intéressant de voir comment les désirs des BRICS semblent coïncider directement avec les conceptions des banquiers internationaux. Cette dialectique hégélienne est peut-être la distraction du public la plus élaborée de tous les temps, avec une solution ultime au problème conçue artificiellement, un système économique mondial et de gouvernement du monde multilatéral mais centralisé, à savoir le Nouvel Ordre Mondial.

Encore une fois, les mondialistes de la BRI et du FMI exigent un dollar américain affaibli, une forte réduction du niveau de vie américain et une empreinte géopolitique beaucoup plus petite des États-Unis avant de pouvoir établir et finaliser une seule oligarchie mondiale élitiste publiquement acceptée.

Si vous ne pouvez pas comprendre pourquoi il semble que la Réserve fédérale et le gouvernement des États-Unis semblent vouloir mordicus leur auto-destruction, alors peut-être devriez vous considérer les faits et les motivations à portée de main. Ensuite, vous vous rendrez compte que c’est leur travail de détruire l’Amérique, pas de la sauver. Lorsque vous serez enfin prêt à accepter cette réalité, chaque évolution désastreuse depuis la création de la FED il y a un siècle, ainsi que tout ce qui est sur le point de se produire dans les prochaines années, prendra tout son sens.

Cela ne veut pas dire que la finalité ultime du Nouvel Ordre Mondial se traduira par une victoire. Mais les preuves concrètes, froides, tangibles  montrent que les internationalistes ont un plan ; ils mettent en œuvre ce plan systématiquement ; et tous les gouvernements majeurs à travers le monde participent à ce plan. Ce plan implique l’effondrement inévitable et la réforme de l’Amérique en une enclave du Tiers-Monde, un objectif qui est presque achevé, comme je vais le décrire dans mon prochain article.

Lorsque que les États-Unis seront déstabilisés, nous n’échapperons pas à l’emprise de la Réserve fédérale, mais nous échangerons seulement un modèle de gestion totalitaire pour un autre. Il est absolument vital que le mouvement de la Liberté en particulier embrasse enfin pleinement cette réalité. Si nous ne le faisons pas, alors il n’y aura vraiment aucun obstacle à la réussite d’un tel plan et pas de fin à la tyrannie de l’ancien monde ou du nouveau monde.

Brandon Smith

Traduit par Hervé, édité par jj, relu par Literato pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone

Pour la partie de transfert du pouvoir, les analyses de Brandon se concrétisent et renforcent son point de vue, me semble-t-il. Pour le rôle de la Russie dans la promotion du NOM [Nouvel Ordre Mondial], c’est plus discutable car certes la Russie et la Chine renforcent le rôle du FMI qui est une place forte visible de ce NOM, mais cela se fait au détriment des USA et de leur armée qui reste un danger existentiel pour ces pays. Et il n’est pas exclu qu’ils changent de direction à un certain point.

Concernant l’ONU, c’est aussi ambigu car la promotion de l’ONU comme outil de dialogue n’engage à rien de bien concret. Il reste que l’ONU est bel et bien un vecteur du développement au sens ou l’entendent les corporations et les mondialistes en Guerre contre le modèle de civilisation Russe, la promotion des marchés, la privatisation du droit et de la guerre, qui font des ravages dans les pays les plus faibles.

La question reste ouverte sur une troisième voie des BRICS, collaborer à minima pour affaiblir l’adversaire sans se faire prendre dans un filet monétaire ou institutionnel.

Pour Brandon, il faut aussi comprendre qu’il est citoyen américain et que la fin de l’Amérique va secouer son environnement immédiat. Comme chacun, il voit aussi le monde au travers de ses lunettes. Et la situation de 100 millions d’Américains, un tiers de la population, exclus du système donnent un avant-goût de ce qui peut nous attendre.

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A quel jeu se jouera l’avenir de l’Eurasie entre la Chine et les US ? Aux échecs ou à la bataille navale?

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Les Routes de la soie, les trains de nuit et la troisième révolution industrielle chinoise, quand Xi Jinping a la révélation de Jeremy Rifkin.

par Pepe Escobar

Préambule de Tom Engelhardt

A Washington, le ton monte, vif et furieux. Les Freedom Fries sont une chose du passé et tout le monde est d'accord sur la nécessité de soutenir la France (et plus ou moins rien de plus). Maintenant, les désaccords s'aiguisent sur l'opportunité d'intensifier marginalement l'utilisation de la puissance militaire américaine en Syrie et en Irak ou d'aller à la guerre grand format en envoyant des troupes. Le rédacteur en chef du journal néocon Weekly Standard, Bill Kristol, réclame déjà 50 000 hommes pour prendre la capitale de État islamique Raqqa. Candidat à la présidentielle, le sénateur républicain Lindsey Graham – qui a exhorté, depuis des mois, pour que 20 000 soldats de plus soient envoyés dans la région – propose cette analogie sportive éclairante : «Je veux un match à l'extérieur avec ISIL, pas un match à domicile. Je tiens à les combattre dans leur arrière-cour.»

Et n'oubliez pas la discussion sur le banc de touche, de plus en plus en colère, à propos du plan de l'administration Obama d'accueillir dans le pays 10 000 réfugiés syriens, soigneusement sélectionnés pour une durée maximale de deux ans. Des propositions alternatives demandent la mise en place de plusieurs procédures encore plus sévères, des contrôles sans fin pour assurer que peu d'entre eux peuvent le faire, permettant seulement aux Syriens chrétiens certifiés craignant Dieu de s'installer – un grand hourra pour le choc des civilisations –, laissant les musulmans pourrir en enfer, ou tout simplement en bloquer un maximum.
Dans une telle atmosphère de rancœur et de faucons va-t-en guerre purs et durs, il est de plus en plus difficile de se souvenir à quoi pouvait bien ressembler un monde plus paisible. Voilà pourquoi le journaliste itinérant de TomDispatch, Pepe Escobar, qui parcourt l'Eurasie, en particulier la région qu'il a depuis longtemps surnommée Pipelineistan, est comme une bouffée d'air pur. Il nous rappelle qu'il y a encore des endroits où les gens parlent – gasp! – de construction d'infrastructures sur une grande échelle, et pas de les laisser tomber en ruine faute de financement ; endroits où les dirigeants ont envie de réfléchir à la façon d'unifier le monde grâce à l'échange, et non pas de les ramener à l'âge de pierre par l'intermédiaire de la puissance aérienne et des drones. Peut-être que c'est uniquement la différence entre vivre au cœur d'un pouvoir en devenir, plutôt qu'en déclin.

L'intérêt de Pepe Escobar se porte sur la Chine et, ne vous méprenez pas, ce pays n'est pas de la tarte. Même s'il n'est pas, et de loin, au niveau américain, l'argent pleut à verse pour l'armée, et le pays joue des coudes avec ses voisins dans les eaux environnantes, comme vous pouvez l'attendre d'une puissance régionale exhibant ses muscles. Pourtant, il y a un rêve que ses dirigeants sont en fait heureux de promouvoir et qui n'est pas un rêve guerrier dans un monde de plus en plus fortement militarisé. Cela, en soi, devrait compter pour quelque chose. Mais laissons Pepe Escobar nous expliquer en détails ce rêve chinois à temps-plein de la construction d'une Eurasie, qui aurait en d'autres temps et en d'autres lieux, vraiment résonné comme un rêve américain.

Tom Engelhardt

Pepe Escobar
Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 22 novembre 2015 – Source Tomgram

Les États-Unis sont pétrifiés par leur cirque électoral de plusieurs milliards de dollars. L’Union européenne est paralysée par l’austérité, la crainte des réfugiés, et maintenant tout le turbo-djihad dans les rues de Paris. Donc, l’Occident peut être excusé s’il n’a pas pris connaissance des échos d’une version chinoise de Roy Orbison «Tout ce que j’ai à faire c’est rêver». Et ce nouveau rêve chinois est même livré avec sa feuille de route.

Le crooner est le président Xi Jinping et cette feuille de route est l’ambitieux 13e  plan quinquennal ou, dans sa version pop-vidéo, Shisanwu.

Après des années d’expansion économique explosive, il sanctifie la nouvelle normalité de croissance du PIB du pays à 6,5% par an jusqu’en 2020 au moins.

Il sanctifie également une formule économique nouvelle pour le pays : fini le modèle basé sur la fabrication à faible coût des produits d’exportation et bienvenue au choc de la nouveauté, une version chinoise de la troisième révolution industrielle. Et tandis que le leadership de la Chine se concentre sur la création d’un avenir pour la classe moyenne alimenté par une économie de consommation, son président dit, à qui veut l’entendre, que malgré les craintes de l’administration Obama et de certains des pays voisins, il n’y a aucune raison pour mettre à l’ordre du jour la guerre entre les États-Unis et la Chine.

Étant donné l’alarme à Washington, à propos de ce qui est présenté comme l’expansionnisme de Pékin qui se poursuivrait tranquillement en mer de Chine du Sud, Xi a été remarquablement franc sur le sujet. Ni Pékin ni Washington, a-t-il insisté, ne devraient être pris au piège de Thucydide : la croyance qu’une puissance montante et le pouvoir impérial régnant sont condamnés, tôt ou tard, à la guerre l’un contre l’autre.

Voila seulement deux mois que Xi, à Seattle, a déclaré à un groupe de poids lourds de l’économie numérique : «Il n’y a rien de tel que le prétendu piège de Thucydide dans le monde actuel. Mais si les grands pays doivent encore et toujours faire les mêmes erreurs stratégiques, alors ils pourraient créer de tels pièges pour eux-mêmes.»

La preuve peut en être faite – et Xi est prêt à l’apporter. Au XXIe siècle, de l’Afghanistan à l’Irak et de la Libye à la Syrie, Washington ayant gagné une sorte de réputation à commettre des erreurs stratégiques, pourrait fort bien recommencer. Après tout, les documents US de stratégie militaire et les principaux dirigeants du Pentagone ont commencé quasi publiquement à étiqueter officiellement la Chine – et la Russie – comme des menaces existentielles.

Pour comprendre la raison pour laquelle Washington commence à penser à la Chine de cette façon, vous devez diriger un instant votre regard vers la mer de Chine méridionale, oublier Donald Trump, Ben Carson et le reste de la troupe [des candidats républicains aux primaires américaines, NdT], et considérer ce qui change vraiment la donne, la menace qui provoque de l’urticaire à l’intérieur de la rocade washingtonienne quand il s’agit du nouveau Grand Jeu en Eurasie.

Les livres de Jeremy Rifkin sur la table de chevet de Xi

Les essaims de touristes chinois iPhonant à tout va et achetant tout ce qui s’étale aux vitrines des grandes capitales occidentales préfigurent déjà un avenir eurasien étroitement lié et ancré dans une économie chinoise fonçant en mode turbo vers cette troisième révolution industrielle. Si tout se passe selon le plan, il mettra tout à profit : depuis la connectivité totale et efficace des infrastructures de haute technologie jusqu’à l’expansion des technologies vertes, des plateformes d’énergie propre. Des centrales solaires dans le désert de Gobi, qu’en dites-vous ?

Oui, Xi est un lecteur du théoricien de l’économie sociale, Jeremy Rifkin, qui a le premier conçu une troisième révolution industrielle possible appuyée sur internet et les sources d’énergie renouvelables.

Il se trouve que la direction chinoise n’a aucun problème avec l’idée d’exploiter les technologies de pointe occidentales du soft power à ses propres fins. En fait, elle semble convaincue qu’aucun outil ne doit être négligé quand il s’agit d’avancer vers la prochaine étape du processus que le Petit Timonier de la Chine, l’ancien dirigeant Deng Xiaoping, a désigné il y a des décennies comme l’ère dans laquelle «le pays sera riche et glorieux.»

Cela aide d’avoir $4 000 Mds de dollars en réserves de devises et des surplus massifs d’acier et de ciment. Voilà le genre de chose qui vous permet d’aller construire des nations à l’échelle pan-eurasienne. D’où l’idée de Xi : créer les infrastructures qui pourraient, en fin de compte, connecter la Chine à l’Asie centrale, au Moyen-Orient et à l’Europe occidentale. Les Chinois appellent cela Une ceinture [terrestre], une Route [maritime] ; composée de l’ancienne Route de la Soie terrestre [Marco Polo] et de la Route de la Soie maritime du XXIe siècle.

Depuis que Xi a annoncé son projet une Ceinture, une Route au Kazakhstan en 2013, l’entreprise internationale d’audit PricewaterhouseCoopers à Hong Kong estime que l’État a planté plus de $250 Mds en projets allant des chemins de fer aux centrales électriques. Pendant ce temps, toutes les entreprises chinoises importantes sont à bord, du géant des équipements télécoms Huawei au monstre de l’e-commerce Alibaba (enhardi par le récent succès de ses Singles Day en ligne). La Banque de Chine a déjà fourni une ligne de crédit de $50 Mds pour une myriade de projets liés à la Route de la Soie. Le premier fabricant chinois de ciment Anhui Conch a construit six énormes usines de ciment en Indonésie, au Vietnam et au Laos. Les travaux visant à lier les pays de la partie asiatique de l’Eurasie se poursuivent à un rythme infernal. Par exemple, les liaisons chemins de fer Chine–Laos, Chine–Thaïlande, et Jakarta–Bandung – des contrats de plus de $20 Mds – doivent être achevées par des entreprises chinoises avant 2020.

Avec une activité en plein essor dès maintenant, la troisième révolution industrielle en Chine ressemble de plus en plus à une course folle vers une nouvelle forme de modernité.

Une guerre eurasienne contre le terrorisme

Le plan des Routes de la Soie pour l’Eurasie va bien au-delà de l’invention du Grand Jeu par Rudyard Kipling au XIXsiècle, qui en son temps avait été conçu pour décrire le combat des ombres entre l’Angleterre et la Russie pour le contrôle de l’Asie centrale. Au cœur du Grand Jeu du XXIe siècle se trouve la monnaie chinoise, le yuan, qui, le 30 novembre, a rejoint le panier des droits de tirage spéciaux, la monnaie de réserve du FMI. Cela signifie, en pratique, l’intégration totale du yuan, et donc de Pékin, dans les marchés financiers mondiaux, lorsqu’un grand nombre de pays ajouteront le yuan à leurs avoirs en devises et que les échanges monétaires ultérieures pourraient atteindre l’équivalent de milliers de milliards de dollars américains.

Couplez le projet des Routes de la Soie avec la banque chinoise d’investissement dans les infrastructure asiatiques, récemment fondée et dirigée par Investment Bank, mélangez-le avec un yuan internationalisé, et les entreprises chinoises ont alors les bases nécessaires pour étendre leurs affaires en Eurasie (et même en Afrique), construisant frénétiquement des routes, des lignes ferroviaires à grande vitesse, des réseaux de fibres optiques, des ports, des pipelines, et des réseaux électriques.

Selon la Banque asiatique de développement (BAD), dominée par Washington, à l’heure actuelle, un manque énorme de $800 Mds dans le financement du développement des infrastructures en Asie jusqu’à 2020 aspire à être comblé. Pékin débarque aujourd’hui en plein dans ce qui promet d’être une orgie de développement économique.

Et il ne faut pas oublier les bonus qui pourraient éventuellement suivre ces évolutions. Après tout, dans les plans incroyablement ambitieux de la Chine, au moins son projet eurasien finira-t-il par concerner pas moins de 65 pays sur trois continents, affectant potentiellement 4,4 milliards de personnes. Si le projet réussit, même en partie, il ferait perdre son lustre à al-Qaïda, ISIS et tous les groupuscule djihadistes-wahhabites de ce style, non seulement dans la province du Xinjiang en Chine, mais aussi au Pakistan, en Afghanistan et en Asie centrale. Imaginez cela comme un nouveau type de guerre eurasienne contre le terrorisme dont les armes seraient le commerce et le développement économique. Après tout, les planificateurs de Beijing prévoient que le volume du commerce annuel des pays partenaires sur la Route de la Soie dépasse 2 500  Mds en 2025.

Dans le même temps, un autre type de géographie contraignante – ce que j’ai depuis longtemps appelé Pipelineistan, le vaste réseau de pipelines qui sillonnent la région, apportant ses fournitures de pétrole et de gaz naturel à la Chine – est en train de naître. Il traverse déjà le Pakistan et le Myanmar. La Chine prévoit de doubler la mise dans sa tentative de renforcer sa stratégie tout-sauf-le-détroit-de-Malacca. (Ce goulot d’étranglement est encore un lieu de passage de 75% des importations chinoises de pétrole). Pékin préfère un monde dans lequel la plupart de ses importations d’énergie ne transitent pas par des voies maritimes qui les mettent à la merci de l’US-Navy. Plus de 50% du gaz naturel de la Chine vient déjà par voie terrestre à partir de deux stans d’Asie centrale (Kazakhstan et le Turkménistan), et ce pourcentage ne fera qu’augmenter une fois mis en ligne les pipelines destinés à acheminer le gaz naturel de Sibérie à la Chine avant la fin de la décennie.

Bien sûr, le concept qui sous-tend tout cela, dont le slogan pourrait être «la marche glorieuse vers l’ouest (et le sud)», induira un changement tectonique dans les relations eurasiennes à tous les niveaux. Mais cela dépend de la façon dont il sera vu par les nations impliquées et par Washington.

Laissant l’économie de côté pour un moment, le succès de l’ensemble de l’entreprise exigera de Pékin des compétences en relations publiques surhumaines, chose qui n’est pas toujours mise en évidence. Et il y a beaucoup d’autres problèmes à affronter (ou à éviter) : d’abord le complexe de supériorité ethnique des Han de Pékin, pas toujours apprécié par les groupes ethniques minoritaires ou les États voisins, ensuite la poussée économique qui est souvent vue par les minorités ethniques chinoises comme bénéficiant aux Han.

Prendre en compte la marée montante du sentiment nationaliste, l’expansion de l’armée chinoise (y compris sa marine), les conflits dans ses mers du sud, et une obsession croissante de la sécurité à Pékin ;  ajouter à cela le terrain miné de la politique étrangère qui ira contre le maintien d’un respect actuellement soigneusement calibré pour la souveraineté des états voisins ; intégrer là-dedans la politique du pivot vers l’Asie de l’administration Obama et son urgence à former des alliances anti-chinoises de confinement en renforçant son pouvoir naval et aérien dans les eaux proches de la Chine ; et ne pas oublier, pour finir, la paperasserie et la bureaucratie légendaires en Asie centrale ; tout cela ajoute à l’ensemble redoutable des obstacles au rêve chinois de Xi d’une nouvelle Eurasie.

Tous à bord du train de nuit

Le renouveau de la Route de la Soie a commencé comme une idée modeste flottant dans le ministère chinois du Commerce. L’objectif initial n’était rien de plus que d’obtenir des contrats supplémentaires «pour les entreprises de construction chinoises à l’étranger». Que de chemin parcouru depuis lors. À partir de zéro en 2003, la Chine a construit à ce jour pas moins de 16 000 km de voies ferrées à grande vitesse – plus que le reste de la planète réuni pour la même période.

Et ce n’est qu’un début. Pékin négocie actuellement avec 30 pays pour construire 5 000 kilomètres de voies ferrées à grande vitesse pour un investissement total de $157 Mds. Le coût fait, bien sûr, toute la différence ; un réseau ferré grande vitesse made in China (vitesse de pointe : 350 kilomètres à l’heure) coûte $17-21 millions par kilomètre – à comparer au coût européen de $25-39 millions par kilomètre – soit le double. Donc, pas étonnant que les Chinois proposent de relier Londres au nord de l’Angleterre pour $18 Mds, et un autre projet reliant Los Angeles à Las Vegas, tout en éliminant les Allemands des projets de chemins de fer à grande vitesse en Russie.

Sur un autre front, même si cela ne fait pas directement partie de la nouvelle planification de la Route de la Soie chinoise, l’accord Iran–Inde–Afghanistan sur le transit et la coopération internationale dans les transports. Cet accord Inde–Iran prévoit de développer des routes, des chemins de fer, des ports et se concentre particulièrement sur le port iranien de Chabahar. qui doit être lié par de nouvelles routes et voies ferrées à la capitale afghane Kaboul, puis à certaines parties de l’Asie centrale.

Pourquoi Chabahar ? Parce que c’est le couloir de transit préféré de l’Inde vers l’Asie centrale et la Russie, alors que la passe de Khyber dans les régions frontalières d’Afghanistan et du Pakistan, point de liaison traditionnel du pays vers ces régions, reste trop instable. Construit par l’Iran, le couloir de transit de Chabahar à Milak sur la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan est maintenant prêt. Chabahar sera ensuite relié par voie ferrée à la frontière ouzbek à Termez, ainsi les produits indiens pourront atteindre l’Asie centrale et la Russie.

Pensez à cela comme la Route de la Soie du Sud, reliant l’Asie du Sud et l’Asie Centrale, et finalement, si tout se passe selon le plan, l’Asie de l’Ouest avec la Chine. Il s’agit du plan follement ambitieux d’un corridor de transport Nord-Sud, un projet conjoint Inde–Iran–Russie lancé en 2002 et axé sur le développement du commerce inter-asiatique.

Bien sûr, vous ne serez pas surpris de savoir que, même ici, la Chine est profondément impliquée. Les entreprises chinoises ont déjà construit une ligne de train à grande vitesse à partir de la capitale iranienne Téhéran à Mashhad, près de la frontière afghane. La Chine a également financé une ligne de métro de l’aéroport Imam Khomeini au centre de la ville de Téhéran. Et il veut utiliser Chabahar dans le cadre de la Route ferrée de la Soie qui traversera l’Iran et se prolongera jusqu’en Turquie. Pour couronner le tout, la Chine investit déjà dans la modernisation des ports turcs.

Qui a perdu l’Eurasie ?

Pour les dirigeants chinois, le projet Une Ceinture, Une Route – un plan de partenariat économique avec de multiples réseaux interconnectés – est vu comme une voie pour échapper au Consensus de Washington et au système financier mondial centré sur le dollar US. Et tandis que les couteaux sont tirés, le champ de bataille de l’avenir, vu par les Chinois, est essentiellement économique et mondial.

Il y a, d’une part, les méga pactes économiques vantés par Washington – le partenariat Trans-Pacifique et le Traité Transatlantique pour le commerce et l’investissement – qui diviseraient en deux l’Eurasie et, d’autre part, il y a l’urgence d’un nouveau programme d’intégration pan-eurasien qui serait axé sur la Chine, où figureraient la Russie, le Kazakhstan, l’Iran et l’Inde comme des acteurs majeurs. En mai dernier, la Russie et la Chine ont conclu un accord pour coordonner l’Union économique eurasienne (EEU), dirigée par la Russie, avec les nouveaux projets de Route de la Soie. Dans le cadre de leur partenariat stratégique de développement, la Russie est déjà le premier fournisseur de pétrole de la Chine.

Avec le sort de l’Ukraine encore dans la balance, il reste à l’heure actuelle peu de place pour un dialogue sérieux entre l’Union européenne (UE) et l’EEU qui pourrait un jour fusionner l’Europe et la Russie dans la vision globale chinoise d’intégration eurasienne de l’ensemble du continent. Et de plus, les entreprises européennes, principalement allemandes, restent fascinées par les possibilités commerciales quasi illimitées offertes par la Nouvelle Route de la Soie et la façon dont elle pourrait lier le continent dans l’intérêt de tous.

Si vous êtes à la recherche d’un premier signe de la détente à venir à ce sujet,  gardez un œil sur les mouvements de l’UE en direction de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) pour tenter de nouer des liens économiques. L’OCS se compose à l’heure actuelle de la Chine, la Russie et quatre stans (Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Tadjikistan). L’Inde et le Pakistan sont devenus membres en 2016, et l’Iran le sera une fois que les sanctions de l’ONU seront complètement levées. Une deuxième étape fantastique (pas de sitôt) serait que ce dialogue – UE / OSC – devienne le tremplin pour la construction d’une zone trans-européenne de la Ceinture de la Soie. Cela ne sera possible qu’après un véritable règlement de la situation en Ukraine et la levée des sanctions de l’UE contre la Russie. Imaginez cela comme la route longue et sinueuse vers ce que le président russe Vladimir Poutine a essayé de vendre aux Allemands en 2010 : une zone de libre-échange eurasienne s’étendant de Vladivostok à Lisbonne.

Bien sûr, de tels mouvements ne se produiront que sur le cadavre de Washington. À l’heure actuelle, à l’intérieur de la rocade washingtonienne, le sentiment varie entre les réjouissances autour de la mort économique des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – confrontés chacun à des perturbations économiques graves [du fait de la politique monétaire erratique des US, NdT], alors même que leur politique, leur diplomatie, et leur intégration stratégique suit son cours au même rythme – et la peur ou même carrément l’anticipation de la Troisième Guerre mondiale et de la menace russe.

Personne à Washington ne veut perdre l’Eurasie au profit de la Chine et de ses nouvelles Routes de la Soie. Au sujet de ce que l’ancien conseiller US [gaga, NdT] de sécurité nationale Zbigniew Brzezinski appelle le Grand Échiquier, les élites de Washington et l’expertocratie [les think-tanks] qui les inspirent ne se résigneront jamais à voir les États-Unis relégués au rôle d’observateur trouble-fête, menant des combats d’arrière garde par procuration, tandis que la Chine domine l’intégration eurasienne. De là viennent ces deux vastes traités commerciaux [Pacifique et Transtlantique], le pivot vers l’Asie, la présence navale exacerbée des États-Unis dans les eaux asiatiques, la nouvelle urgence de contenir la Chine, et la diabolisation conjointe de la Russie de Poutine et de la menace militaire chinoise.

Thucydide, mange ton chapeau

Ce qui nous ramène après un tour complet vers la révélation de Jeremy Rifkin à Xi. Ne vous méprenez pas à ce sujet : quoi que veuille Washington, la Chine est la puissance émergente en Eurasie et un aimant économique prodigieux. De Londres à Berlin, il y a des signes dans l’UE que, malgré tant de décennies d’allégeance trans-Atlantique, il y a aussi quelque chose de trop attrayant pour être ignoré à propos de ce que la Chine peut offrir. Il existe déjà une poussée vers la configuration d’une économie numérique à l’échelle européenne étroitement liée avec la Chine. L’objectif serait un espace économique intégré numériquement dans l’esprit de Rifkin couvrant l’Eurasie, qui à son tour serait un élément essentiel pour la troisième révolution industrielle post-carbone.

Le G-20 cette année était à Antalya en Turquie, et c’était un colloque hargneux dominé par le djihadisme de État islamique dans les rues de Paris. Le G-20 en 2016 sera à Hangzhou, en Chine, qui se trouve également être la ville natale de Jack Ma fondateur et siège de Alibaba. Vous ne pouvez pas obtenir une troisième révolution industrielle plus belle que ça.

Une année est une éternité en géopolitique. Mais que faire si, en 2016, Hangzhou a en effet ouvert une vision de l’avenir, des routes de la soie à gogo et des trains de nuit venant d’Asie centrale à Duisburg, en Allemagne? Un avenir sans doute dominé par la vision de Xi, qui sera, à tout le moins, désireux de faire de son G-20 le moule d’un mécanisme mondial multipolaire pour la coordination d’un cadre de développement commun? En son sein, Washington et Pékin pourraient parfois effectivement travailler ensemble dans un monde dans lequel le jeu d’échec serait le jeu du siècle, pas la bataille navale.

Pepe Escobar est un analyste politique indépendant qui écrit pour RT et Sputnik, il est un invité habituel de TomDispatch. Son dernier livre est l’Empire du Chaos. Son prochain livre, 2030, est sorti ce mois-ci. Suivez-le sur Facebook.

Traduit et édité par jj, relu par Literato pour le Saker Francophone

 

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Pendant que l’Orient construit, l’Occident essaye de détruire

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F. William Engdhal
F. William Engdhal

Par F. William Engdahl le 28 décembre 2015 – Source New Eastern Outlook

Ces derniers mois, je ressens de plus en plus que notre époque s’éloigne des perspectives de guerres sans fin, même si cela parait encore difficile à croire. Ne vous méprenez pas, je n’annonce pas la fin définitive des guerres. Mais l’énergie et la dynamique guerrières sont en train de changer. Dans une frénésie d’auto-suffisance le soi-disant monde occidental jette vaisselle, couverts, casseroles et rouleau a pâtisserie, tout ce qui peut tomber sous ses mains sanguinolentes, comme un enfant gâté faisant une crise de colère gargantuesque. Tout cela pour tenter de nier une réalité dans laquelle il perd un peu plus de contrôle à chaque instant.

Le monde s’éloigne de guerres dues, si l’on peut dire, à une psychose de contrôle patriarcal qui déclenche de la peur, de la honte, de la culpabilité, de la rage puis de la haine. Par contre, ce qui commence à apparaitre dans cette région que l’Occident a égoïstement appelée l’Orient est le besoin de construire de nouveaux grands projets pour élever un secteur de l’humanité ignoré pendant plus de mille ans. Ce mouvement de transformation positive est ce qui, entre autres, sauvera l’humanité de la mort et de la destruction de masse que certains en Occident appellent de tous leurs vœux.

Je voudrais illustrer cela par les récents développements de ce qui, il y a des siècles, était appelé en chinois zhōngguó c’est-à-dire le centre de la civilisation. Cela pourrait bien le redevenir si la dynamique actuelle entre la Chine, la Russie et les autres nations eurasiatiques continue ainsi.

La Chine mène la danse avec un impressionnant catalogue de projets d’infrastructure internationaux, qui englobe la Russie et les autres États de l’union économique eurasiatique et s’étend même jusqu’à l’Union européenne. Pékin relie son économie à toute l’Eurasie, de la mer de Chine à la mer Noire, du détroit de Malacca au golfe de Finlande, du Pirée à la Méditerranée orientale, en ouvrant des lignes terrestres et maritimes, ceci à une vitesse traditionnellement chinoise.

Pékin vient d’inaugurer sa Banque d’investissement et d’infrastructure asiatique (BIIA), une institution qui pourrait bientôt faire de l’ombre à la vacillante Banque mondiale, institution contrôlée par les États-Unis, en finançant non pas des moulins à vent dispendieux mais de nécessaires projets d’infrastructures dans toute l’Asie et l’Eurasie. Ainsi, Pékin n’attend plus le bon vouloir d’autres banques.

La Chine, le nouveau Zhōngguó

Il est important d’avoir une vision claire des développements positifs dans le monde. On a tendance à l’oublier car nous sommes toujours attirés par le négatif. Je vais donc brièvement aborder les récents développements de la République populaire de Chine qui ont un potentiel de transformation pour toute la planète s’ils sont réalisés correctement, c’est-à-dire de manière à détacher les pays de l’Eurasie du dollar, un système monétaire destructeur déjà en faillite.

Le 4 décembre, à l’ouverture du forum sur la coopération sino-africaine à Johannesburg, Afrique du Sud, le président chinois Xi Jinping a annoncé que la Chine déboursera 60 milliards de dollars, sous forme de prêts et assistance, pour les pays d’Afrique. Ils se composeront de «5 milliards de prêts à 0% d’intérêt et 35 milliards de facilités et prêts préférentiels et de crédit à l’exportation.» Xi a aussi annoncé une aide pour lutter contre la sécheresse sur le continent africain en déclarant : «La Chine est très inquiète des mauvaises récoltes dues a El Niño dans de nombreux pays africains et fournira aux pays affectés la valeur de 1 milliard de yuan (156 million de dollars) sous forme d’aide alimentaire

N’oublions pas que la Chine a fondé ce forum sino-africain en 2000 avec la participation de 40 pays africains. En 2006, Pékin a hébergé le premier forum entre chefs d’État avec la participation de 35 chefs d’État africains. À ce sommet, la Chine avait promis 5 milliards de prêts préférentiels à l’Afrique. Ce grand intérêt porté par la Chine à l’économie africaine a fait des vagues jusqu’à Washington, au Département du Trésor et au FMI, dominé par les États-Unis. Le président chinois de l’époque, Hu, a annoncé plus tard la création du Fonds sino-africain pour le développement pour accélérer les investissements chinois en Afrique grâce à un investissement initial de 1 milliard de dollars, prévu pour augmenter à 5 milliards dans l’avenir.

La réponse de Washington, inventée par la cabale Bush-Cheney,  a été alors de créer AFRICOM, un nouveau centre de commande du Pentagone créé uniquement pour déjouer l’influence chinoise sur ces mêmes pays d’Afrique si longtemps mis à mal par le FMI. Et comment AFRICOM procède-t-il ? Par des guerres, des révolutions de couleur, des printemps arabes, la destruction de la Libye sous la mauvaise excuse du droit à protéger, la création de gangs terroristes au Mali, de Boko Haram au Niger et ainsi de suite, jusqu’au dégoût.

Maintenant, à ce deuxième forum des chefs d’État et sixième forum ministériel de la coopération sino-africaine, Pékin annonce qu’il va ajouter 60 milliards pour le développement des pays africains. Est-ce que cela profitera à la Chine ? Bien sûr, et pourquoi pas ? Est-ce que cela profitera à l’Afrique ? Oui, aussi. À la différence des guerres sans fin de l’Otan, la construction d’infrastructures, réseaux ferrés, canaux de navigation, réseaux électriques, améliore le niveau de vie des gens et amène paix et stabilité. C’est un élément de base dans l’histoire humaine.

Avant ce Forum, Xi est allé au Zimbabwe, un vieil allié de la Chine, où il a promis des prêts pour relancer une économie dépressive. Dix accords économiques ont été signés entre la Chine et le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, que les Anglais tentent de renverser depuis 1997. En Afrique du Sud, Xi a signé 26 accords bilatéraux et des prêts d’une valeur de 6,5 milliards de dollars, spécialement orientés vers le développement d’infrastructures. L’Afrique du Sud est un membre des BRICS, tout comme le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.

La voie rapide de la Chine vers l’Europe

En plus des liens économiques qui s’étoffent avec ce vaste continent africain, riche et si longtemps négligé par l’Occident, la Chine va de l’avant pour sécuriser un autre projet, nommé Une Ceinture, Une Route, un réseau ferré à grande vitesse qui rejoindra les pays de l’Union européenne.

Le 26 novembre, le premier ministre chinois, Li Keqiang, a accueilli 16 chefs d’État européens à Suzhou pour le 4e sommet Chine–Europe centrale et orientale (ECO). Ce forum, dont le premier s’est tenu à Pékin en 2012, réunit des dirigeants de la Chine et de 16 pays ECO : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Macédoine, le Monténégro, la Pologne, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie et la Slovénie. Tous ces pays se débattent dans une situation économique européenne déprimée. Les médias chinois ont dépeint le sommet comme une occasion en or pour approfondir la coopération. Étant donnée la récente passion chinoise pour l’or, la Chine vient de dépasser l’Afrique du Sud en tant que producteur mondial de ce métal, et cela peut vouloir dire plusieurs choses.

Étant donnée la situation très tendue et les sanctions économiques existant entre les États de l’Union européenne, menées par l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Espagne, et le plus proche allié chinois la Russie, la Chine voudrait achever rapidement son vaste réseau ferré de TGV. Une Ceinture, Une Route est donc considérée par Pékin comme étant une priorité urgente pour avoir accès aux vastes marchés de l’Union européenne et donner un coup de fouet à une croissance économique chinoise déprimée.

Les États de l’Europe centrale et orientale sont destinés à devenir les entrepôts chinois en marge du grand marché européen. Pékin sait que ce n’est qu’une question de temps avant que les faucons de Washington et Wall Street ne prennent la Chine pour cible. Pékin ne se fait pas d’illusion sur la géostratégie de Washington, j’en suis certain.

De vastes projets d’infrastructure

Le président chinois a décrit aux participants du sommet comment il percevait la région : «Située aux frontières orientales de l’Europe et le long du projet Une Ceinture Une Route, l’ECO profite d’un avantage spécifique pour améliorer la connectivité», ajoutant que la Chine désire travailler avec eux pour «construire le réseau ferré et maritime Chine–Europe et promouvoir la connectivité en Europe.»

Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise, a résumé les résultats du sommet en parlant de «large coopération centré sur l’infrastructure» entre la Chine et les pays d’ECO. La Chine lance déjà les appels d’offres pour la construction de voies de chemin de fer, de routes et de ports en Europe. Concrètement, la Chine a signé des accords avec la Hongrie et la Serbie pour construire une ligne TGV entre Budapest et Belgrade. La construction devrait démarrer avant la fin de cette année et être achevée en 2017. Xinhua a décrit ce projet comme étant «une voie rapide pour l’importation et l’exportation de produits entre la Chine et l’Europe».

La Chine est un leader mondial de la fabrication de réseaux de TGV. Le pays a construit plus de 20 380 km de lignes TGV durant les dix dernières années, plus que tout le reste des lignes TGV du monde, avec encore 16 775 km de lignes intérieures en cours de construction ou en projet. Ces chiffres ne comprennent pas les lignes extérieures eurasiennes du projet Une Ceinture, Une Route que Pékin est en train de préparer.

La Chine est l’adresse mondiale pour construire une infrastructure ferroviaire de nos jours, alors que l’Occident, avec l’état pathétique du réseau ferroviaire américain, est de plus en plus dépassé. La Chine vient de construire un train technologiquement en avance avec son train à très grande vitesse, le Shanghai Maglev à lévitation magnétique, qui peut atteindre plus de 400 km/h. C’est le train à service régulier le plus rapide du monde que l’Allemagne avait développé dans les années 1980 mais qui a été bloqué politiquement par des histoires domestiques. Au départ, la Chine a lancé son industrie de TGV grâce à des accords de transfert de technologie avec Alstom, Siemens, Bombardier et Kawasaki Heavy Industries. Les ingénieurs chinois ont redessiné des composants internes et construit des trains indigènes qui ont pu atteindre 380 km/h. De nos jours, c’est la Chine qui exporte la technologie ferroviaire.

La ligne TGV Hongrie–Serbie fera partie d’une plus grande voie rapide terrestre et maritime reliant la Chine et l’Europe. Selon le gouvernement chinois, «cette voie rapide s’étend du port du Pirée, en Grèce, au sud jusqu’à Budapest, en Hongrie, au nord, via Skopje en Macédoine et Belgrade en Serbie». Bien que la Grèce n’ait pas participé au sommet Chine–ECO, les dirigeants des trois autres pays, la Hongrie, la Macédoine et la Serbie ont rencontré Li et se sont mis d’accord pour travailler ensemble sur le projet.

Li a annoncé aussi que la Chine allait investir dans la construction ou l’amélioration de facilités portuaires sur la mer Baltique, l’Adriatique et la mer Noire. Il a déclaré que «la Croatie, la Slovénie, la Pologne, la Lettonie et la Bulgarie ont proposé de renforcer leur coopération sur le développement portuaire». Les projets se concentreront sur «la capacité de production et la coopération entre les ports et les zones industrielles des régions côtières de l’Adriatique, de la Baltique et de la mer Noire». Les compagnies chinoises auront le rôle principal dans ces projets.

La Chine utilisera des incitations financières pour s’assurer que les compagnies chinoises obtiennent une part confortable du travail. Li a déclaré que «la Chine fournira un soutien financier préférentiel pour les projets qui utilisent des produits et équipements chinois dans la coopération pour les capacités de production». Il a proposé une nouvelle organisation financière, la compagnie financière 16+1, pour soutenir économiquement de tels projets grâce à des moyens commerciaux. Cela contournera les sévères restrictions financières dues à la dette européenne. Vazil Hudak, le ministre de l’Économie slovaque, a déclaré à Xinhua que «toute la région pourrait être intéressée par de grands projets d’infrastructure dans les domaines de la communication, du transport ou de l’énergie entre ces pays, c’est-à-dire des gazoducs».

On comprend mieux pourquoi Washington et les oligarques américains ont peur de perdre le contrôle qu’ils exercent sur le monde. La Chine, de concert avec la Russie et les pays d’Eurasie, est en train de créer une renaissance économique d’une ampleur inégalée depuis plus de cent ans.

La réponse de Washington est d’offrir au monde une pathétique foire à la guerre au Moyen-Orient, en Ukraine, une déstabilisation politique du président brésilien qui travaille en étroite association avec la Russie et la Chine dans le cadre des BRICS. Les Etats-Unis répondent avec des tentatives de changement de régime à coups de révolutions de couleur partout où c’est possible, de l’Ouzbékistan à la Macédoine, jusqu’au Venezuela et plus loin encore. Le contraste est inévitable pour toute personne se donnant la peine de regarder. Pour ma part, je préfère infiniment les projets de construction pacifique à ceux de destruction.

F.William Engdhal

Article original paru sur New Eastern Outlook

Traduit et édité par Wayan, relu par Literato pour le Saker francophone

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L’Iran, bientôt une nouvelle Chine ?

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Si l’Iran adopte un projet de développement à la chinoise, cela peut donner un poids considérable à son statut géopolitique et à son importance


21.bn_Par Pepe Escobar – Le 29 janvier 2016 – Source TeleSur

Le président chinois Xi Jinping ou le président iranien Hassan Rouhani ? Quand il s’agit de nommer le négociateur géopolitique le plus redoutable, on joue souvent à pile ou face.

Leurs routes se sont croisées la semaine dernière [le 23 janvier, NdT] à Téhéran d’une manière spectaculaire, puisque Xi et Rouhani ont scellé un accord crucial de partenariat stratégique.

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Les Présidents iranien Hassan Rouhani (D) et chinois Xi Jinping (G) | Photo: AFP

Les deux nations se sont mises d’accord pour augmenter leurs échanges bilatéraux au niveau de $600 milliards pour les 10 prochaines années. Géo-stratégiquement, comme je l’ai déjà souligné, c’est un coup de maître.

Pékin ne considère pas simplement l’Iran comme un pays de l’Asie moyen-orientale, mais aussi de l’Eurasie comme la plaque tournante essentielle pour contrer le pivot vers l’Asie dont Washington parle tant, manœuvre basée sur l’hégémonie navale américaine. Il n’est pas étonnant que Xi ait précisé que l’Iran devrait être accepté comme membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) dès cette année.

Un partenariat stratégique implique que Pékin soutiendra pleinement la renaissance économico-politique et diplomatique iranienne de part et d’autre de l’arc allant du golfe Persique à la mer Caspienne – et au-delà. Il se trouve que cet arc rejoint les routes maritimes et terrestres de la Nouvelle Route de la Soie, qui est d’une importance vitale pour la projection mondiale du rêve chinois conçu par Xi.

Et alors, à peine quelques jours plus tard, Rouhani était à Rome pour une rencontre chaleureuse et privée avec le Pape François, après avoir conclu avec l’Italie une série de contrats d’un montant de dix-sept milliards de dollars.

Cette activité frénétique post-sanctions fait ressortir, en perspective, l’absurdité de la crise nucléaire iranienne fabriquée de toutes pièces à Washington. Le réalisme géopolitique, de l’Europe à l’Asie, ne peut ignorer une nation placée à l’intersection des mondes arabe, turc, indien et russe, dont le rôle privilégié est de donner un point de passage au vaste ensemble Caucase-Asie centrale, qui inclut aussi l’Afghanistan.

D’un point de vue géostratégique, comme ultime carrefour eurasien, l’Iran ne peut être ignoré, car il relie le Moyen-Orient, le Caucase, l’Asie centrale, le sous-continent indien et le golfe Persique ; entre trois mers – la Caspienne, le golfe Persique et la mer d’Oman, relativement proche de la Méditerranée et de l’Europe, et au seuil de l’Asie.

Xi n’a pas eu besoin de parler explicitement de politique à Téhéran ; il lui suffit de signer contrat sur contrat pour appuyer ses arguments. La tendance à long terme, inévitable, est à la vision chinoise Une Ceinture [terrestre], Une Route [maritime], pour franchir les obstacles qui s’opposent à un leadership sino-russe au travers de l’Eurasie, ce qui correspond à la mise sur la touche du continuum territorial impérial anglo-américain. En attendant, l’Italie et la France, pendant la tournée européenne de Rouhani, se sont empressées de rattraper leur retard.

Vidéo de Pepe Escobar sous-titrée en anglais – La prochaine guerre 

Quand Khamenei devient Deng

La scène frénétique iranienne, depuis la fin des sanctions, a au moins le mérite de mettre un terme à l’impitoyable diabolisation du pays par l’Occident et pose les bases pour un développement économique dans à peu près tous les domaines. La République islamique d’Iran a subi un handicap énorme pendant les trente-six dernières années – quelque chose qui aurait brisé une société avec moins de ressources.

Au cours des dix dernières années, les sanctions ont coûté au moins 480 milliards d’euros à l’Iran, c’est à peu près un an de PIB iranien. Dans un monde qui ne serait pas dirigé par les suspects habituels d’une oligarchie financière délinquante, Téhéran aurait des raisons de traîner Washington en justice pour se venger.

Au sujet du simulacre, qui malgré tout continue, de l’agression iranienne, c’est une sale blague impériale [qui fait un bide, NdT]. L’Iran a dépensé 3,9% de son PNB pour sa Défense ; chiffre à comparer avec les 10,3% de la Maison des Saoud. Finalement, l’Iran a dépensé sept fois moins d’argent pour ses forces armées que les pétro-monarchies du Golfe, qui ne peuvent subsister qu’avec leur armement essentiellement fourni par les Américains, les Britanniques et les Français.

L’avenir pour l’Iran sera plein de cahots. Il y a de sérieux problèmes – la corruption, l’incompétence bureaucratique, les secteurs d’activité réservés à certains intérêts ou interdits d’investissements étrangers. Des sections de l’élite au pouvoir – les bonyad (des banques religieuses) et les pasdarans (les Gardiens de la Révolution) ne sont pas du tout enclins à relâcher leur emprise sur des secteurs vitaux de l’économie. L’ouverture économique de l’Iran va forcément accélérer la transformation de la société du pays.

Ce qui arrivera ensuite dépendra des élections législatives cruciales, qui auront lieu en février, pour accoucher d’un nouveau majlis (parlement) qui devra élire le nouveau Guide suprême.

L’Iran est un cas géopolitique unique, où une république tire sa légitimité à la fois de l’islam et du suffrage universel. Ce ne sera jamais notre démocratie parlementaire classique, mais ce ne sera jamais non plus l’autoritarisme brutal de l’Arabie saoudite. Un système assez complexe de contrôles et de contre-pouvoirs est en place, concernant le Présidence, le Parlement, le Conseil des gardiens, l’Assemblée des experts et différents corps constitués comme le Conseil du discernement et le Conseil de sécurité nationale.

Le Guide Suprême Ayatollah Khamenei l’a dit de façon très claire, il surveillera de près les conséquences culturelles, politiques et sécuritaires de l’ouverture économique qui pourraient affaiblir l’idéologie révolutionnaire de la République islamique. Ce qui est certain, c’est que le Guide Suprême – tel un arbitre – préservera l’équilibre très précis des forces politiques en Iran.

Ce qui signifie, en pratique, que l’équipe Rouhani ne sera pas autorisée à récupérer tout le capital politique de l’ouverture économique, et que la transformation sociale et économique du pays ne sera jamais synonyme d’invasion culturelle occidentale.

L’accord nucléaire de Vienne conclu l’été dernier n’est rien moins qu’un séisme géopolitique en Iran. A l’intérieur, il règle le consensus entre l’administration de Téhéran et la majorité de la population, qui souhaitait que l’Iran redevienne un pays normal.

Mais voilà maintenant le plus dur. Le scénario le plus probable dessine une République Islamique d’Iran engagée dans un programme de développement à la chinoise. Une sorte de «c’est magnifique de s’enrichir», sous un contrôle politique vigilant.

La question est posée : sommes-nous prêts à traiter avec un Guide Suprême qui serait un Deng Xiaoping iranien ?

Pepe Escobar

Traduit par Ludovic, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker francophone

 

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La route de la Chine au Moyen-Orient

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avatarPar Vijay Prashad – le 2 février 2016 – Source Znet

Le président chinois a fait une tournée au Moyen-Orient en rencontrant les représentants politiques des différents camps, une visite en Arabie saoudite étant compensée par une visite en Iran.

Les déclarations les plus importantes de Xi ont été adressées à la Ligue arabe, où il a ouvertement réaffirmé – pour la première fois depuis des décennies – l’engagement de la Chine à l’égard du peuple palestinien. «La Chine soutient le processus de paix au Moyen-Orient», a-t-il dit, et elle soutient «la création d’un État palestinien dont la capitale est Jérusalem-Est».

C’est cette dernière phrase qui a fait frémir les Israéliens.

Xi Jinping et Benjamin Netanyahou

Ils ont refusé de céder sur Jérusalem-Est, aujourd’hui une poudrière violente. Les remarques de Xi en faveur des Palestiniens doivent être entendues dans ce contexte. Elles défendent le point de vue palestinien et rejettent entièrement celui des Israéliens.

C’est ce qui a valu quelques manchettes à Xi, sans plus.

Il ne fait aucun doute que la déclaration de Xi manifeste une franchise nouvelle de la part du gouvernement chinois par rapport au Moyen-Orient. Depuis les années 1990, la Chine avait été réticente à donner ouvertement sa position. C’est le commerce qui commandait l’ordre du jour, pas la politique.

La Chine, aux Nations Unies du moins, parlait de la nécessité de solutions pacifiques et en faveur du multilatéralisme. Ces idées louables trouvaient peu de preneurs à une époque où les États-Unis menaient leur politique à coups de bombes.

Les réticences de la Chine à l’égard du régime de sanctions contre l’Irak dans les années 1990, puis de la guerre en Irak en 2003, ne se sont pas transformées en révolte. Ses diplomates ont émis des protestations feutrées, puis  se sont retirés.

Lorsque le vote sur la Libye est venu devant le Conseil de sécurité de l’ONU en 2011, la Chine – avec les autres pays des BRICS – a décidé de s’abstenir. Mais lorsque l’Occident a outrepassé le mandat de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine – avec la Russie – a décidé de prendre une position plus ferme dans la région.

Depuis 2011, la Chine et la Russie ont bloqué toute tentative de l’Occident d’obtenir une résolution du Conseil de sécurité en faveur d’une guerre en Syrie. La Chine et la Russie, ainsi que la majeure partie de l’hémisphère Sud, s’opposent à de nouvelles opérations visant à des changements de régime. La Libye a été la goutte de trop.

Cela a poussé ces pays, qui occupaient le siège arrière depuis le début des années 1990, à défendre leurs alignements politiques avec plus de détermination. La Chine a commencé à mener des exercices militaires avec la Russie, qui comprenaient un important exercice naval en Méditerranée l’été dernier.

C’était une importante démonstration de force de ces deux puissances mondiales.

Les interdépendances commerciales actuelles de la Chine empêchent toutefois tout virage radical. Lors de sa visite, Xi a dû consolider les relations de la Chine avec l’Arabie saoudite et l’Égypte.

L’Arabie saoudite étant le principal fournisseur de pétrole de la Chine, Xi a dû produire des sons agréables à l’oreille des Saoudiens à propos de leur guerre au Yémen, au sujet de laquelle les diplomates chinois expriment discrètement leurs préoccupations.

La compagnie pétrolière de l’État chinois, Sinopec, et celle de l’Arabie saoudite, Aramco, ont signé un important accord-cadre de coopération stratégique. Les discussions concernant la vente d’une partie d’Aramco sur le marché n’ont pas remis ces liens en cause qui vont durer, que le capital d’Aramco soit dilué ou non.

La Chine a réaffirmé ses liens avec l’Égypte, à la veille du cinquième anniversaire de la révolution égyptienne, principalement parce que la Chine dépend du canal de Suez, une voie de passage majeure pour les produits chinois à destination de l’Europe.

Les relations de la Chine avec l’Arabie saoudite et l’Égypte sont fondées sur le présent : l’économie chinoise compte pour le moment sur le carburant et les voies de transport fournis par ces puissances. La visite de Xi à l’Iran laisse présager que cette dépendance ne sera pas éternelle.

La Chine est aussi le principal partenaire commercial de l’Iran et lui a procuré une bouée de sauvetage pendant l’imposition des sanctions. Xi et le président iranien Hassan Rouhani ont dit l’un et l’autre que le maintien des liens pendant cette période avait instauré une grande confiance entre Téhéran et Pékin. «La Chine est prête à augmenter le niveau des relations bilatérales avec de la coopération», a dit Xi à la télévision iranienne, maintenant que la période des sanctions est terminée. L’Iran propose de vendre davantage de pétrole à la Chine et d’en accroître le volume de manière spectaculaire pendant les dix prochaines années.

Cela rendra la Chine moins dépendante du pétrole saoudien.

Au cours de la dernière décennie, la Chine était affairée à construire la Nouvelle route de la soie, qui devrait s’étendre des côtes chinoises à l’Europe en passant par l’Asie centrale et l’Iran. Des réseaux de chemin de fer et de routes ont été construits au nord de l’Iran pour relier l’Afghanistan à la Turquie.

L’an dernier, le China Railway Group [entreprise chinoise de travaux publics, connue aussi sous l’acronyme CREC, NdT] a remporté un contrat pour construire une partie du chemin de fer qui doit relier Budapest et Belgrade. La Nouvelle route de la soie part maintenant de la zone industrielle de Shenzhen, sur la mer de Chine méridionale, pour aboutir au cœur de l’Europe de l’Est.

La dépendance au canal de Suez ne fera pas partie des calculs stratégiques de la Chine encore longtemps.

La relation qui se bâtit entre la Chine et l’Iran, autrement dit, pourrait réduire l’importance de l’actuelle dépendance de la Chine à l’Arabie saoudite – pour le pétrole – et à l’Égypte – pour le transport. Les diplomates chinois disent en privé que l’orientation pro-occidentale des États arabes du Golfe est un obstacle pour les planificateurs chinois. Ils souhaiteraient plus de souplesse dans leurs engagements commerciaux. L’entrée récente de l’Égypte dans l’orbite de l’Arabie saoudite accroît ces préoccupations. La Chine disposerait d’une marge de manœuvre limitée si l’Occident exerçait des pressions autres qu’économiques sur ces pays pour couper l’herbe sous le pied de Pékin.

C’est cette crainte des alliés occidentaux en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Malacca, comme Singapour, qui a conduit la Chine à construire les ports de Kyaukpyu, au Myanmar, et de Gwadar, au Pakistan. Ces ports permettent d’éviter les goulets d’étranglement en Asie du Sud-Est. La Nouvelle route de la soie contournera le canal de Suez.

Xi est connu pour ses positions sur la nécessité du multilatéralisme dans les affaires mondiales. Le lien entre la Russie et la Chine a été renforcé après la crise ukrainienne de 2014, que les Chinois considèrent comme une tentative orchestrée par l’Occident pour affaiblir la Russie.

L’engagement de Xi envers le bloc des BRICS est représentatif de sa volonté de créer différents pôles comme contrepoids à l’hégémonie occidentale. Son voyage dans le monde arabe doit être vu sous ce jour, comme une tentative de consolider le soutien de partenaires commerciaux nécessaires pour le moment (l’Arabie saoudite et l’Égypte), tout en manifestant son soutien à ceux qui donneront à la Chine librement accès au pétrole et aux marchés (l’Iran).

La déclaration de Xi sur la Palestine n’est pas une réminiscence du soutien historique de la Chine à la cause palestinienne. Nous sommes loin de 1964, le moment culminant de la solidarité sino-palestinienne. Cette année-là, la Chine avait été le premier État non arabe à reconnaître l’OLP.

Pendant son voyage dans la région, Zhou En-Lai avait dit : «Nous sommes prêts à aider les pays arabes à regagner la Palestine. Quand vous serez prêts, dites-le nous. Nous serons prêts aussi. Nous sommes disposés à vous donner tout ce dont vous avez besoin, des armes et des volontaires.»

La Chine avait promis cette année-là d’honorer le boycott d’Israël du Secrétariat de la Ligue arabe en annonçant qu’aucun navire israélien ne serait autorisé dans les eaux territoriales chinoises. Une délégation de l’OLP, dirigée par Ahmad Choukeiri, s’est rendue à Beijing en 1965. Mao a déclaré le 15 mai Journée de Solidarité avec la Palestine.

Lors d’un rassemblement de masse, en présence de la délégation de Choukeiri, Mao a établi un lien entre Israël et Taïwan (Formose), en tant que «bases de l’impérialisme en Asie». «Vous êtes la porte d’entrée du grand continent, a-t-il dit. Et nous sommes la porte arrière.» L’Occident utilise Israël et Taïwan comme des tremplins vers l’Asie, a-t-il affirmé. «La bataille arabe contre l’Occident, a dit Mao, est la bataille contre Israël. Donc boycottez l’Europe et l’Amérique, ô Arabes !» (al-Anwar, 6 avril 1965).

Xi ne parle pas comme ça. Sa manière est plus douce. Il unit la sensibilité commerciale de Deng Xiaoping à la vision anti-occidentale de Mao. La suspicion sur les motivations occidentales est partagée par de nombreux responsables parmi les dirigeants chinois et iraniens.

Mais les jours tranquilles de la Chine semblent révolus. Parler ouvertement de la Palestine et de son droit sur la partie orientale de Jérusalem ne concerne pas seulement ce bout de terre, mais révèle aussi la confiance de la Chine à dire ouvertement ce qu’elle n’a dit qu’en privé pendant des décennies.

Article original paru sur The New Arab

Traduit par Diane, vérifié et relu par Ludovic et Daniel pour le Saker francophone

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L’économie chinoise est elle vraiment en difficulté ?

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Voici les leçons de l’histoire que la presse ignore.


Par Eamonn Fingleton – Le 11 janvier 2016 – Source UNZ

«Il n’y a, Dieu merci, aucun espoir de corrompre ou d’embrouiller ce journaliste anglais. Mais en voyant ce que cet homme va faire sans être corrompu, il n’y en aura pas besoin.»

C’est ce qu’a écrit Humbert Wolfe, le brillant homme de lettres anglais du début du XXe siècle. Ce qu’il pense des journalistes américains n’a pas été enregistré mais, quand cela concerne des sujets importants, ils se sont probablement montrés encore plus naïfs que leurs collègues anglais.

La naïveté du journalisme américain n’a jamais été aussi évidente que dans la couverture médiatique actuelle de l’économie chinoise. 

Voici probablement la plus grande réussite d’une économie basée sur l’exportation dans l’histoire de l’humanité, pourtant les journalistes américains ont réussi à se persuader qu’elle était dans une telle situation qu’elle nécessitait une dévaluation. CNBC, par exemple, a annoncé l’autre jour que la plupart des experts pensent que le yuan est surévalué d’au moins 10%. Tout cela en dépit du fait que la monnaie chinoise a déjà chuté de plus de 8% face au dollar au cours des deux précédentes années.

Il est vrai que les exportations chinoises ont manqué de tonus ces derniers temps. En novembre, les exportations ont baissé de 3,7% en yuans et, en dollars, la chute est encore plus forte. Mais ce dont il est rarement fait mention est que les exportations chinoises sont une des données les plus volatiles dans l’économie globale. Des récessions à court terme, jusqu’à 20% ou plus, sont fréquentes et ne sont pas du tout significatives de la santé de l’économie chinoise. Ce qui compte sont les tendances à long terme, par exemple un taux de croissance de la valeur en dollars des exportations de plus de 17% par an sur les quinze dernières années. C’est un chiffre vraiment extraordinaire et sa véracité est attestée par les données d’importation des autres pays.

Il importe de dire que, en dépit de ce que les experts médiatiques soutiennent, le risque de dévaluation ne résiste pas à un examen, même superficiel. Après tout un taux de change est là pour assurer que le commerce se fasse dans un équilibre mutuel, juste et avantageux pour les deux parties. Pourtant, pendant toute une génération, le yuan a été si dévalué qu’il a détruit le peu qui restait de la base industrielle américaine, autrefois dominante.

Le résultat a été qu’en 2014, le déficit de la balance commerciale entre les États-Unis et la Chine a atteint $348 milliards. Cela représente la plus grande partie de l’ensemble du solde commercial américain avec le monde entier, qui se chiffre à $389 milliards. Dans le même temps, la Chine a bénéficié d’un solde commercial positif de $220 milliards.

Même face à de tels chiffres, la presse a souvent donné un ton négatif à ses articles sur l’économie chinoise. En fait, de nombreux journalistes ont été si loin qu’ils ont suggéré, en suivant la frange des sinologues cinglés, que le miracle économique chinois n’était qu’un écran de fumée masquant le fait que la Chine est au bord de l’effondrement économique ou du désastre politique, voire des deux.

Les conséquences politiques sont difficiles à envisager. Les rapports sur les problèmes économiques chinois ne sont pas seulement des vœux pieux de l’Américain moyen, ils fournissent aussi aux politiciens une excuse pour procrastiner sur des mesures urgentes de rétorsion contre les tricheries du commerce chinois.

Les autorités chinoises n’auraient pu être plus gâtées par ces circonstances et il semble clair que, pendant de longues années, elles ont clairement mis en avant des mauvaises nouvelles, dans le cadre d’un programme de propagande. (Le Japon le fait aussi, mais c’est une autre histoire.)

La racine du problème médiatique tient à la pauvreté de choix de ses sources. Au lieu de rechercher activement des sources fiables et indépendantes, les journalistes restent plutôt passivement assis, à l’écoute de ce qui se trouve à portée d’oreille. Trop souvent cela veut dire écouter des sources mises en avant par le lobby chinois.

Il me paraît évident que de nombreux sinologues académiques semblent congénitalement pro Pékin. D’autres sont ambitieux et savent que pour accéder à un bon poste dans la future administration présidentielle, ils doivent éviter de dire des choses pouvant gêner le lobby chinois. C’est un lobby largement financé par de grosses compagnies américaines, réalisant une grande partie de leurs productions en Chine. Un des objectifs le plus évident de ce lobby est de garder un yuan faible malgré tout ce que cela implique pour l’avenir du secteur productif américain. Comme ce lobby contrôle une grande partie du financement des études et des enquêtes sur la Chine, il n’a pas de problèmes pour s’assurer que les sinologues américains comprennent bien le message et soient écoutés à leur tour.

Quant aux autres sources, les analystes financiers ou économistes spécialisés sur la Chine, celles-ci sont souvent encore moins fiables que les sinologues universitaires. Elles sont clairement contraintes par le besoin de plaire à leurs clients les plus riches, parmi lesquels certaines filiales du système financier chinois qui ont pris la meilleure place (la Chine est devenue un immense exportateur de capitaux, ce qui est, bien sûr, une bonne nouvelle pour ces firmes de Wall Street qui cherchent les faveurs de Pékin).

Évidemment, quelques unes des sources souvent citées croient vraiment en ce qu’elles racontent. Il existe en particulier une minorité d’observateurs de la Chine, d’opinion d’extrême-droite, qui adorent prêcher l’idéologie américaine du laisser-faire à un Pékin qu’ils croient complètement ignorant. C’est la version Tea Party des sinologues. Ses membres semblent manquer de capacité d’écoute, qualité pourtant essentielle pour comprendre un pays comme la Chine. (Où il faut écouter les non-dits, quelque chose que les gens du Tea Party doivent considérer comme un oxymore). Bien sûr et précisément parce qu’ils se trompent si souvent, de tels sinologues sont considérés par Pékin comme des idiots utiles qui font des merveilles pour laisser les Américains confus et désunis.

Même si l’on n’est jamais sûr si un observateur de la Chine est dans la poche de Pékin ou non, la plupart le sont sans doute. Ils pourraient être horrifiés d’être considérés ainsi, pourtant leur objectif est assez évident, vue la manière dont ils s’auto-censurent. Au lieu de dénoncer les barrières commerciales chinoises, les vols de propriété intellectuelle et la sous-évaluation du yuan, ils préfèrent, d’une manière révélatrice, éviter les discussions franches sur ce sujet.

Observons de plus près quelques problèmes caractéristiques des sinologues. Une recherche, même superficielle, sur internet nous donne un grand nombre d’observateurs de la Chine qui ont vainement prédit l’éclipse, si ce n’est la chute, de l’Empire du Milieu ces dernières années. Bientôt nous allons nous pencher sur Gordon Chang, le roi du groupe des la Chine s’écroule, mais avant, observons quelques autres prétendants au trône.

Une des sources souvent citées est le professeur Michael Pettis, professeur et analyste basé à Pékin. Même si la teneur des commentaires de Pettis varie, il s’est souvent montré très résilient.

Voici, par exemple comment il décrivait l’économie chinoise de 2007 à Associated Press : «Pour l’instant, tout va bien. Tout est pour le mieux… Il est fort probable que nous ayons toutes les conditions pour une crise sérieuse au moment d’un choc frontal. Il existe beaucoup plus de dettes là-bas que ce que nous pouvons imaginer.»

Tout politicien américain qui se serait persuadé de cela n’aurait pu anticiper la suite des évènements. Les exportations de la Chine ont été multipliées par trois, en dollars, au cours des sept années suivantes.

Parmi les sinologues réputés, peu sont aussi directs que Arthur Waldron, professeur à l’université de Pennsylvanie et membre du Council on Foreign Relations. En 2002, il prétendait déjà que l’économie chinoise n’était qu’un trompe l’œil. Dans un article du Washington Post, il a soutenu une théorie excentrique où, en fait de croissance de 6% comme officiellement statué, l’économie chinoise était en train de décroître depuis les années précédentes. Il en concluait que la politique industrielle chinoise était «la recette non pas de la croissance mais de la chute économique».

Une autre sinologue ayant joué un rôle démesuré pour perturber l’opinion américaine est Susan Shirk.  En tant que professeure sur les relations avec la Chine et le Pacifique à l’Université de Californie de San Diego, Shirk reste ce qu’elle a longtemps été : une notable amie de la Chine. Une première indication de son style a été visible en 1994 quand elle a publié Comment la Chine a ouvert ses portes : Le succès politique de la réforme sur l’investissement et le commerce du Parti communiste chinois. Elle a continué comme vice-assistante au secrétariat d’État de l’administration Clinton pour prendre la tête des négociations qui ont abouti à honorer la Chine du titre de nation la plus favorisée pour le commerce.

Sa réputation d’expert sur la Chine vient de son livre édité en 2007 et intitulé La Chine : une grande puissance fragile : Comment la politique intérieure chinoise peut enrayer son développement pacifique. Le livre postule un supposé gros risque de révolution populaire pouvant renverser le régime en place. Les conséquences seraient, selon elle, catastrophiques non seulement pour la Chine mais aussi pour l’Occident. En conséquence elle demande à l’Occident d’accorder un respect exagéré aux dirigeants chinois et aussi de tout mettre en œuvre pour qu’ils restent en place. Et donc cela voulait dire de se retenir de se plaindre des politiques commerciales chinoises.

Quasiment tous les arguments de son livre pourraient être réfutés mais cela demanderait une place que je n’ai pas ici. La première chose à remarquer est sa prétention à dire que l’analyse est basée sur des conversations avec de nombreux hauts dirigeants chinois. Il pourrait bien en être ainsi, mais elle ne s’est évidemment pas posé la question de ce qu’il en était pour eux. Après tout, ils sont passé maîtres dans l’art de rester secrets face à leur propre peuple, alors pourquoi iraient ils ouvrir leurs cœurs à une simple Blanche ?

Pour l’instant, contentons nous de remarquer que depuis des millénaires, les dirigeants chinois se sont montrés experts pour tuer dans l’œuf tout signe de début de révolution. Le dirigeant suprême Deng Xiaoping a perpétué la tradition en brisant brutalement les manifestations de le Place Tienanmen en 1989. De plus, les dirigeants actuels sont encore plus en sécurité que leurs prédécesseurs, car ils peuvent utiliser les moyens modernes de surveillance électronique pouvant signaler encore plus rapidement que dans le passé les signes de troubles sociaux.

Regardons maintenant David Shambaugh, un universitaire de sciences politiques à l’université George Washington. Connu pour ses assertions disant que l’Armée de libération populaire est un tigre de papier, il est devenu ouvertement pessimiste au sujet du système politique chinois, ces dernières années. Un article de 2014, publié dans le journal National Interest, était titré : L’illusion de la puissance chinoise

Puis, en 2015, il réussit à persuader le rédacteur en chef du Wall Street Journal de publier un commentaire intitulé La fin de l’économie chinoise.

Il y écrit : «Le Parti communiste chinois arrive en fin de partie, je le pense, et elle arrive plus vite que ne le pensent certains.» Se référant aux règles du PCC, il ajoute : « Sa chute risque d’être longue, violente et désordonnée. Je ne rejette pas l’éventualité de voir Mr Xi renversé dans une lutte pour le pouvoir ou par un coup d’État.»

Son analyse était faite en termes si mélodramatiques que cela lui a attiré des critiques considérables et pas moins qu’une réfutation point par point de la part de Stephen Harner de Forbes.com (qui, à la différence de Shambaugh, peut revendiquer d’avoir passé sa carrière en Chine).

Le point central de l’analyse de Shambaugh est le présupposé que la lutte anti-corruption de Xi Jinping a dangereusement froissé les susceptibilités de puissances rivales internes.

Comme exemple de la faiblesse de Xi Jinping, Shambaugh raconte qu’au cours d’une visite à la librairie d’un campus universitaire chinois, il a remarqué qu’une pile de pamphlets sur Xi Jinping semblait ne pas être enlevée de là. Cette remarque est largement aussi ridicule que celle d’un visiteur chinois illettré jugeant des chances d’élection d’Hillary Clinton à la hauteur des piles de pamphlets à l’Université de Columbia.

Shambaugh a aussi remarqué  qu’un nombre croissant d’étudiants chinois vont étudier à l’étranger. Ceci, selon lui, à cause d’une peur morbide d’instabilité politique locale. Mais il ne se donne pas la peine de chercher des explications moins sensationnelles. Car, selon les derniers chiffres, les Coréens sont proportionnellement sept fois plus enclins que les Chinois à aller étudier aux États-Unis, et les Taïwanais quatre fois plus enclins. Doit on en déduire que les dangers de troubles politiques sont plus élevés en Corée du Sud ou à Taïwan qu’en Chine ? Le fait est que les étudiants est-asiatiques partent étudier à l’étranger pour diverses raisons plus pragmatiques, notamment la possibilité d’améliorer leur anglais. Cette tendance a aussi été fortement poussée non seulement par la richesse croissante de la population, mais aussi pour les mêmes raisons de facilités de transport et de communication qui ont favorisé la globalisation.

L’argument important soulevé par Shambaugh était que de nombreuses familles chinoises très riches ont acheté des maisons à l’étranger. Mais, comme l’a souligné Stephen Harner, ce n’est pas vraiment une nouvelle. Des générations de Chinois l’ont fait. La seule différence de nos jours est qu’ils ont beaucoup plus d’argent à dépenser. Bien sûr, cela attire l’attention et on en parle même dans la presse.

Le plus réputé des membres du club de l’écroulement chinois est sûrement Gordon Chang, un avocat sino-américain. Depuis qu’il a publié La Chine va s’écrouler en 2001, il n’a pas eu un mot positif sur l’avenir du pays. Même si, entre 2001 et 2014, la Chine a augmenté ses exportations de 267 à 2331 milliards de dollars, huit fois plus, grâce à un incroyable taux moyen de croissance des exportations de 18,1%. Cela sous-entend une augmentation de la productivité que peu, voire aucune autre nation, n’a égalé.

Contacté récemment, Chang continue à prophétiser la décadence chinoise. Mais si la Chine a réussi à échapper à l’Armageddon économique prédit dans son livre plus de 14 ans auparavant, qu’en est il aujourd’hui ? Chang prétend que maintenant la Chine fait face à la terrible concurrence de l’Inde. Tout comme la Chine en développement a détruit l’économie américaine, l’Inde en développement va, paraît-il, menacer de la même façon l’économie chinoise.

Pour un non-économiste, surtout ceux qui ne connaissent pas l’Asie, l’argument peut sembler tenir la route. En réalité, l’argument de Chang est basé sur l’une des erreurs classiques en économie, l’idée que le succès est un jeu à somme nulle. C’est-à-dire que pour que quelques nations gagnent d’autres doivent perdre. C’est une idée malthusienne qui ne prend pas en compte le fait que dans des conditions modernes normales, la croissance économique est un univers en expansion. Pensez, par exemple, à la croissance scandinave. Bien que la Norvège, la Suède et le Danemark soient passé en haut du classement mondial, cela n’a posé aucun problème en retour pour un pays comme l’Allemagne.

Ce que Chang semble sous-entendre est qu’il sera donné carte blanche pour utiliser les mêmes méthodes agressives contre la base industrielle chinoise que celles utilisées par la Chine contre la base industrielle américaine. Par contre, il omet de noter que Washington n’a pas réagi contre cela, permettant à la Chine de s’en sortir malgré l’équivalent économique d’un meurtre. Entre autres, la Chine a extorqué des technologies de production modernes aux États-Unis. On a déclaré aux entreprises américaines que pour vendre leurs produits en Chine, elles devraient les fabriquer sur place avec leurs meilleures technologies. On peut dire que de tels diktats ont ignoré les obligations de la Chine envers les accords commerciaux. Il y peu de chance que l’Inde soit autorisée par la Chine à utiliser de telles méthodes d’extorsion.

En fait, le seul point commun entre l’Inde et la Chine est leur adresse asiatique. Au niveau des fondamentaux économiques et politiques, c’est le jour et la nuit. Par exemple, au niveau commercial, l’Inde reste une puissance négligeable, en dépit d’années de verbiage économique occidental. Selon les derniers chiffres, les exportations indiennes étaient neuf fois plus faibles que les chinoises et l’écart semble continuer à se creuser. (Depuis 2006, les exportations indiennes ont à peine doublé alors que celles de la Chine ont plus que quadruplé).

Point crucial, le taux d’épargne indien est à peine plus de la moitié de celui de la Chine. Pire, les autorités indiennes semblent manquer de l’autorité nécessaire pour l’augmenter. (Dans Les mâchoires du dragon, un livre que j’ai publié en 2008, j’ai montré comment la Chine a mis en place des moyens de contrôle autoritaires pour contenir la consommation intérieure, augmentant ainsi mécaniquement le taux d’épargne.)

Une autre grande différence est la balance commerciale chinoise qui a accumulé d’énormes surplus pendant des décennies alors que l’indienne reste obstinément dans le rouge.

Un autre argument de Chang est que la fuite des capitaux risque de détruire l’économie chinoise. Même si, là encore, il peut impressionner un non-économiste, il faut aussi voir au delà des apparences, car la Chine est nécessairement un grand exportateur de capitaux, conséquence de sa balance commerciale excédentaire. (Arithmétiquement, chaque dollar de plus dans la balance commerciale représente un dollar de capital qui sera, d’une manière ou d’une autre, réexporté.)

Bien sûr, les autorités chinoises ont souvent parlé de façon à faire croire qu’elles étaient inquiètes au sujet de la fuite de capitaux. Mais il semble que de tels discours soient surtout destinés à détourner l’attention des interventions de la Banque populaire chinoise [la banque centrale, NdT] pour garder un yuan sous-évalué.

Ce qui est sûr, c’est que si les autorités chinoises peuvent contrôler internet et la presse, elles peuvent d’autant plus contrôler les capitaux (rien qu’en tenant fermement en main une poignée de banques importantes dont la plupart sont, en plus, des banques publiques). Ce qui est avéré est qu’historiquement d’autres pays bien plus libéraux, comme la Grande Bretagne au milieu du XXe siècle, n’ont eu que peu de difficultés à appliquer un contrôle des changes efficace. Pourtant les possibilités d’investissement pour les Britanniques étaient bien plus grandes que celles de la Chine maintenant. En outre, les performances économiques de la Grande-Bretagne étaient constamment anémiques alors que le taux de croissance de la Chine aux alentours de 6% reste un des plus élevés au monde. Dans le cas, peu probable, où la fuite de capitaux chinois commence à devenir un réel problème, les autorités ont une gamme de solutions disponibles, dont un système de surveillance électronique bien plus intrusif que les systèmes occidentaux, sans parler de celui de l’Angleterre des années 1960.

Il est vraiment temps que la presse américaine se souvienne des ses engagement traditionnels d’information équilibrée et retrouve son bon sens. Heureusement, les membres de la presse ne sont pas tous incapables de tirer les leçons de l’expérience.

Je laisserai le dernier mot à Gideon Rachman du Financial Times. Il va droit au cœur du problème dans un article bien équilibré datant de 2012, en écrivant :

Il est évident que la Chine fera face à des défis politiques et économiques énormes dans l’avenir. Pourtant, il est très peu probable que ces instabilités fassent dérailler le train chinois. Quels que soient les vœux pieux de certains à l’Ouest, nous n’allons pas nous réveiller un jour et soudainement nous apercevoir que le miracle chinois était en fait un mirage.

Mon propre scepticisme à propos de la Chine est tempéré par le fait que des analystes occidentaux ont prédit la fin du boum chinois quasiment depuis qu’il a démarré. Au milieu des années 1990, en tant que rédacteur en chef de The Economist, je lisais sans arrêt des articles sur la fragilité inhérente à la Chine, que ce soit des prédictions catastrophiques sur la fragilité du système bancaire ou des rapports sur un combat des chefs enragé à le tête du Parti communiste chinois. En 2003, j’ai acheté le fameux livre de Gordon Chang, La Chine va s’écrouler, qui prédisait que le miracle chinois n’avait plus que cinq ans à vivre, au maximum. Donc maintenant, quand je lis que les banques chinoises sont au bord du gouffre, que la campagne est au bord de la révolution, que les villes sont au bord du désastre écologique et que la classe moyenne est au bord de la révolte, je suis tenté de bâiller et de tourner la page. J’ai déjà lu tout cela autrefois.

Eamonn Fingleton

Article Original paru sur UNZ

Eamonn Fingleton a écrit sur l’économie et les finances d’Asie orientale, en étant basé à Tokyo pendant 27 ans. Il a rencontré le dirigeant chinois Deng Xiaoping en 1986 et a prévu le crash financier et immobilier dans un article d’Euromoney, en septembre 1987. Il est l’auteur d’un livre intitulé Insupportable : comment les dogmes économiques détruisent la prospérité américaine. Il peut être joint ici : efingleton@gmail.com

Note du Saker francophone

Voici un extrait de l’œuvre de Sun Tzu, lu en Chine mais aussi par beaucoup de militaires occidentaux : De la ruse

Pour Sun Tzu, tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. L’utilisation de la ruse consiste, dans l’action, à toujours se comporter à l’inverse du sens commun, pour créer la surprise. Il faut paraître faible quand on est fort, fort quand on est faible, loin quand on est proche, proche quand on est loin. Éviter la force de l’adversaire et attaquer ses faiblesses. Maintenir ses forces en mouvement pour dissimuler ses intentions. Calmer le jeu au moment où l’on s’apprête à frapper, se montrer ferme lorsqu’on veut éviter l’affrontement. Éviter de se répéter pour se rendre imprévisible. Toutes ces conduites paradoxales sont l’essence même de la ruse qui permet à l’intelligence de l’emporter sur la force.

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone.

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Pepe Escobar nous donne des nouvelles de la Route de la Soie

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Pékin met en place une globalisation à la chinoise qui va défier l’hégémonie américaine non seulement régionale mais aussi mondiale.


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 24 fevrier 2016 – Source TeleSur

La semaine dernière, le premier train commercial chinois, arrimé de 32 containers, est arrivé à Téhéran après un trajet de moins de 14 jours à partir du grand hangar de Yiwu dans le Zhejiang, à l’est de la Chine, après avoir traversé le Kazakhstan et le Turkménistan. 

Un trajet de 10 400 km. Un voyage plus court de trente jours que la voie maritime qui relie Shanghai à Bandar Abbas. Et nous ne parlons pas encore du TGV, qui sera installé dans quelques années, de la Chine orientale jusqu’à l’Iran et au delà, vers la Turquie et, crucialement, vers l’Europe de l’Ouest, permettant à des trains de 500 containers ou plus de traverser l’Eurasie en un temps record.

Quand Mohsen Pour Seyed Aghaei, le président des Chemins de fer iraniens, a fait la remarque que «les pays le long de la Route de la Soie se battent pour faire revivre l’ancien réseau de routes commerciales», il ne faisait qu’effleurer un sujet qui va changer bien des choses.

Le président chinois, Xi Jinping a rendu visite à l’Iran exactement le mois dernier, étant ainsi le premier dirigeant mondial à le faire après que les sanctions ont été levées. Les héritiers des anciennes puissances de la Route de la Soie, c’est-à-dire la Perse impériale et la Chine impériale, ont prestement signé un accord pour relancer le commerce bilatéral jusqu’à une valeur de $600 Mds sur la prochaine décennie.

Et ce n’est que le début.

Guerres commerciales, maritimes et aériennes

Pour comprendre ce processus du point de vue de la stratégie chinoise, il est enrichissant de revenir sur un discours très important tenu l’été dernier par le général Qiao Liang à l’Université de la Défense, la plus grande école militaire chinoise. C’est comme si les mots de Liang sortaient de la bouche même du dragon, Xi lui-même.

Les dirigeants chinois estiment que les États-Unis ne vont pas se lancer dans une guerre contre la Chine d’ici les dix prochaines années. Regardez bien ce calendrier ; 2025 est l’année où Xi pense que la Chine sera devenue une société modérément prospère comme le prévoit le nouveau Rêve chinois. Alors Xi aura rempli sa mission, cueillir les fruits de l’arbre planté par le petit timonier que fut Deng Xiaoping.

Le secret pour ces dix prochaines années, comme le remarquait le général Liang, est pour la Chine de réajuster son économie (un travail en cours) et d’internationaliser le yuan. Cela implique aussi la mise en route d’un accord commercial de libre échange asiatique, qui ne sera visiblement pas le TTP américain interdit aux Chinois, mais le RCEP mené par les Chinois.

Le général Liang connecte directement l’internationalisation du yuan à quelque chose qui va bien au-delà de la nouvelle Route de la Soie dénommée officiellement par la Chine Une Ceinture, Une Route . Il en parle comme si c’était un accord commercial nord-est asiatique, alors que ce qui est en jeu et ce vers quoi tend la Chine est un accord de libre échange trans-asiatique.

En conséquence, un effet ricochet va diviser le monde.

Si un tiers seulement de l’argent mondial est libellé en dollar, comment la monnaie américaine peut-elle maintenir son hégémonie ? Est-ce que des États-Unis au bout du rouleau, laissés sans avantage monétaire, peuvent continuer à être une puissance mondiale ?

Le déclin de la monnaie américaine est donc la cause explicative, selon les dirigeants chinois, des «récents problèmes de la Chine sur lesquels s’étend l’ombre des États-Unis».

Entre alors en jeu le pivot américain vers l’Asie. Pékin interprète clairement cet objectif comme une tentative visant à «contrecarrer la puissance montante chinoise». Et cela nous mène à la discussion sur l’ancien concept de bataille maritime et aérienne (qui s’est maintenant bien bâtardisé) que le général Liang qualifie de dilemme insoluble pour les États-Unis.

«Cette stratégie reflète en premier lieu la faiblesse militaire américaine, affirme Liang. Les troupes américaines pensaient pouvoir utiliser des frappes aériennes et la marine contre la Chine. Tout à coup, les États-Unis réalisent que ni l’armée de l’air ni la marine n’ont l’avantage contre la Chine.»

Ce précédent paragraphe à lui seul serait suffisant pour mettre en perspective le turbulent jeu du chat et de la souris des avancées chinoises et du harcèlement américain en Mer de Chine. Pékin est tout à fait conscient que Washington ne peut plus remettre en question les avancées de l’armée chinoise comme la capacité de détruire des systèmes spatiaux ou attaquer des porte-avions. Les États-Unis doivent donc patienter dix ans de développement avant de pouvoir mettre en place un système de combat moderne qui dépasserait les avancées chinoises. Cela signifie qu’il faudrait encore dix ans avant qu’ils puissent planifier une guerre contre la Chine.

Faites la guerre, moi je monte des projets

Donc, pas de guerre majeure avant 2025, ce qui laisse Xi et le Parti communiste chinois (PCC) libres de progresser très vite. Les observateurs qui suivent les progrès de Pékin en temps réel les qualifient «à couper le souffle» ou «spectacle à ne pas manquer». Le gouvernement américain est essentiellement désemparé.

La veille du premier jour de l’année chinoise du Singe, le PCC, sous les ordres de Xi, a édité un dessin animé hip hop sensationnel qui a fait le buzz et qui parle du soft power chinois. Voici comment cette période de dix ans, jusqu’en 2023, a été annoncée a la population.

Voici les quatre point clefs : 1) développer une société modérément prospère (c’est-à-dire un PIB/habitant de $10 000) ; 2) continuer d’approfondir les réformes, spécialement dans le domaine économique ; 3) gouverner selon la loi, cela parait évident, mais veut surtout dire la loi telle que l’entend le PCC ; 4) éliminer la corruption qui gangrène le PCC (un long travail en cours).

Rien de tout cela n’implique bien sûr de suivre un modèle occidental ; au contraire, cela montre que Pékin contrebalance le soft power occidental dans tous les domaines.

Et puis, inévitablement, toutes les routes mèneront tôt ou tard vers Une Ceinture, Une Route chinoise. Le général Liang voit cela comme allant bien au-delà d’un processus de globalisation, de globalisation à l’américaine, qu’il qualifie de globalisation du dollar. Car ni lui ni le gouvernement chinois ne voient la Route de la Soie chinoise comme s’intégrant dans le système économique global. Dire que le dollar va continuer sa globalisation et son intégration est une erreur de jugement. En tant que grande puissance montante, Une Ceinture, Une Route est l’étape initiale de la globalisation chinoise.

Radicalement ambitieux est un terme encore trop faible. Une Ceinture, Une Route n’est pas seulement le vecteur extérieur du rêve chinois qui repose sur l’intégration économique de toute l’Eurasie sur une base gagnant/gagnant, c’est aussi, «et de loin, la meilleure tactique que la Chine puisse appliquer. C’est une tactique d’esquive face au mouvement américain vers l’est».

Nous y voilà donc, comme je l’écris depuis que le projet Une Ceinture, Une Route a été lancé. «C’est la tactique d’esquive chinoise de tourner le dos au pivot américain vers l’Asie, vous poussez dans une direction, je vais dans la direction opposée. Ne m’y avez-vous pas poussé ? Je vais vers l’ouest non pas pour vous éviter ni parce que j’ai peur, mais pour intelligemment diminuer la pression que vous exercez sur moi par l’est.» Bienvenue au pivot chinois vers l’ouest.

Libre de s’encercler tout seul.

Le général Liang préfère bien sûr se concentrer sur les questions militaires et non sur les aspects commerciaux. Il ne pouvait l’exprimer plus clairement :

«Étant donné que la puissance navale chinoise est encore faible, le premier choix pour Une Ceinture, Une Route devrait être de s’étendre par la terre», a-t-il déclaré. Liang choisit la Ceinture comme terrain de compétition le plus avantageux, c’est-à-dire les routes terrestres de l’ancienne Route de la soie. Mais cela laisse de préoccupantes questions encore sans réponses quant aux capacités expéditionnaires de l’armée chinoise.

Le général Liang ne s’est pas appesanti sur cette compétition, visiblement contre les États-Unis, le long de cette Route de la Soie. Ce qu’il considère cependant comme certain est «qu’en choisissant la Chine comme rival, les États-Unis choisissent le mauvais ennemi dans la mauvaise direction car, dans l’avenir, le véritable défi pour les États-Unis n’est pas la Chine, ce sont les États-Unis eux-mêmes, un pays qui finira par s’enterrer lui-même.»

Et comment cela va-t-il se passer ? A cause du capitalisme financier. On dirait que le général Liang est un lecteur de Michael Hudson et Paul Craig Roberts (il doit surement l’être). Il remarque que «à cause de l’économie virtuelle, les États Unis ont déjà mangé tous les profits du capitalisme».

Et pour l’enterrement ? Eh bien, il sera orchestré par «internet, les grosses banques de données et le Cloud» qui sont «poussés à l’ extrême» puis, «vivront leur propres vies et s’opposeront au gouvernement américain».

Qui aurait pu penser cela ? C’est comme si les Chinois n’avaient plus besoin de jouer au jeu de go. Ils leur suffit de laisser l’adversaire s’encercler tout seul.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Article original paru sur TeleSur.

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone.

 

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La Chine vit déjà en 2020

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Par Pepe Escobar – Le 28 mars 2016 – Source Strategic Culture.

Perdu dans la multitude de manifestations de sa crise existentielle, l’Occident a, comme d’habitude, négligé, voire sous-estimé, le dernier grand show politique chinois, la célèbre double session, celle de la Conférence consultative politique du peuple et celle du Congrès national populaire, l’assemblée législative, qui s’est terminée par l’adoption du 13e plan quinquennal chinois.

Le point central fut la déclaration de Li Keqiang, statuant que Pékin prévoit une croissance économique moyenne de 6,5% par an sur la période allant de 2016 à 2020, croissance portée par l’innovation. Si cela marche comme prévu, en 2020, 60% de la croissance économique chinoise reposera sur les avancées technologiques et scientifiques

Le président Xi Jiping est allé encore plus loin en promettant de doubler le PIB chinois en 2020, par rapport à celui de 2010, tant pour les zones urbaines que rurales. C’est la mise en application du rêve chinois, la très ambitieuse politique officielle de Xi et la version contemporaine d’une vie confortable pour tous, ce que promettait Deng Xiaoping il y a presque un demi-siècle de cela.

Sur le plan économique, les mesures prévues par Pékin sont la libéralisation des taux d’intérêt, le maintien de la stabilité du yuan (éviter les dévaluations spectaculaires) et le contrôle effectif de flux anormaux de capitaux à travers les frontières. Le premier ministre Li est allé droit au but en précisant que pour que cet effort collectif massif aboutisse, travailler dur est essentiel. Cela veut dire tolérance zéro pour ceux qui voudraient faire capoter un tel objectif, et la maison de correction pour ceux qui font des erreurs. Les innovateurs seront généreusement récompensés.

Le rêve chinois de Xi atteint maintenant la vitesse d’un TGV. Le centième anniversaire du Parti communiste chinois est quasiment pour demain, 2021. D’où l’accélération pour réaliser l’objectif annoncé de la construction d’un pays socialiste moderne. Encore que doubler le PIB est l’effort de toute une vie lorsque vous avez une population qui vieillit rapidement, une bulle immobilière énorme (c’est un euphémisme) et une dette croissante.

Tout devra être parfaitement calibré. Par exemple, la Chine a utilisé plus de ciment entre 2011 et 2013 que les États-Unis au cours du XXe siècle et, bien sûr, beaucoup de ciment a été gaspillé. Jia Kang, un membre du Comité politique consultatif l’a souligné: «Les 6,5% sont un plancher qui ne doit jamais être franchi… Si la croissance s’en rapproche, il faudra appliquer des politiques pro-croissance.»

Présentation de la Xiconomie

Même avec un PIB ralentissant à 6,5% par an, le PIB chinois sera de 25 000 milliards de yuan ($3 800 milliards) de plus qu’en 2014. Pour échelle, ce PIB supplémentaire correspond en gros à celui de l’Allemagne actuelle.

D’une façon typiquement chinoise, Li a commenté qu’en 2016, l’année chinoise du singe, il est prêt à manier le mythique fouet avec ses bagues en or pour briser tous les obstacles qui pourraient empêcher Pékin d’atteindre ses ambitieux objectifs économiques.

Voici donc la Xiconomie. La Xiconomie est le successeur de la Liconomie, qui implique que Xi, et non Li, est le vrai leader des réformes économiques chinoises, même si c’est Li qui possède un doctorat d’économie de l’université de Pékin.

Tout le monde en Chine parle de Xiconomie depuis que le Quotidien du Peuple publie une série d’articles exaltant les pensées sur l’économie de Xi. En pratique, cela implique que c’est Xi qui dirige le Groupe de direction centrale pour la réforme profonde et globale, ainsi que le Groupe de direction centrale pour la finance et les affaires économiques. Ces deux groupes sont habituellement présidés par le Premier ministre.

Le 13e plan quinquennal est fortement influencé par la Xiconomie. Il est important de noter qu’avant la publication de la version finale, Liu He, le premier adjoint de Xi, a souvent été au téléphone avec le trésorier étasunien Jacob Lew, pour discuter intensément de la politique des taux de change chinois.

Une des clés de voûte de la Xiconomie est que Pékin préfère les fusions et acquisitions des sociétés d’État, plutôt que leur privatisation. Les économistes interprètent ceci comme le signe que Xi soutient le capitalisme d’État pour exploiter les nombreux marchés étrangers, pour beaucoup encore vierges, afin de compenser la faible croissance interne.

Cela nous ramène à l’importance cruciale de la nouvelle Route de la Soie, Une Ceinture, Une Route (UCUR), selon la terminologie officielle chinoise. Les entreprises d’État chinoises vont jouer un rôle important dans la mise en place d’UCUR, qui va accélérer l’intégration eurasienne grâce à cet immense projet trans-eurasien.

UCUR se révèle être le seul plan d’intégration globale en cours (pas de plan B), avec $1 000 milliards d’investissements déjà annoncés. En juin dernier, la Banque de développement chinoise a annoncé qu’elle allait investir le chiffre impressionnant de $890 milliards dans 900 projets UCUR concernant 60 pays. Dont une importante ligne ferroviaire TGV, longue de 3 600 km, reliant le Xinjiang à Téhéran, un élément essentiel du partenariat stratégique croissant, touchant l’énergie et le commerce, entre la Chine et l’Iran.

Au niveau interne, le défi numéro un de Pékin sera la pacification du Xinjiang, un point de transit important d’UCUR. Un effort est fait pour encourager les quartiers résidentiels mixtes, comme l’a souligné le premier ministre Li, effort ciblant les villes où les Ouïghours et les Hans chinois ont été séparés depuis les manifestations de 2009, surtout à Urumqi, la capital du Xinjiang. Les étudiants Ouïghours seront encouragés à étudier dans les écoles hans. Le succès d’un tel effort dépendra surtout de la capacité des cadres provinciaux à suivre à la lettre les directives intégrationnistes de Pékin.

Tout dépend de Xi

Pékin est sans aucun doute en train de conforter son soft power, parallèlement à son pouvoir économique. Le lancement de la Banque asiatique d’investissement dans l’infrastructure, qui financera de nombreux projets de l’UCUR, se fait en parallèle à la mise en place d’une zone d’identification aérienne en mer de Chine et la construction rapide d’infrastructures dans des zones disputées de cette mer.

Ce n’est pas un hasard si la CIA envoie ses propres signaux, insistant sur le fait que les États-Unis seraient mal à l’aise à l’idée d’une Chine dominant la sécurité de l’Asie du Sud et de l’Asie centrale sur le long terme.

Pékin n’est pas particulièrement préoccupé. La réforme de l’Armée de libération du peuple (ALP) est aussi en progrès et devrait être terminée en 2020. Cette réforme, coordonnée par la Commission militaire centrale, repose sur une meilleure coordination entre les quatre forces armées pour gagner les guerres, selon les mots de Xi.

Xi a déjà annoncé qu’avant 2017 l’ALP serait dégraissée de pas moins de 300 000 hommes, mais comptera quand même encore 2 millions de soldats. Un autre objectif important est de développer la puissance maritime chinoise afin d’être totalement capable de contrôler le trafic maritime et aérien en mer de Chine.

Par exemple, Pékin a déployé le puissant système de défense HQ-9 à Yongxing dans l’archipel des Paracels, habité par un millier de Chinois depuis 1965, mais également revendiqué par le Vietnam et Taiwan. Ce système HQ-9 est capable de transformer une grande part de territoire en une zone d’interdiction aérienne. Seul le F-22 Raptor et le bombardier B-2 Spirit peuvent opérer en relative sécurité dans le voisinage du HQ-9.

L’idée derrière ces réformes militaires chinoises est claire, l’armée américaine ferait mieux de ne pas entretenir de sottes pensées, non seulement au sujet de la mer de Chine, mais aussi concernant le Pacifique occidental.

La stratégie chinoise d’interdiction d’accès à la zone est prête. Et Xi est derrière elle. Il est maintenant considéré, même au niveau provincial, comme le cœur de toutes ces réformes. Cela ressemble à une très rapide consolidation du pouvoir. Et l’on dirait qu’il va y avoir de longues discussions au cours du prochain sommet du G20 qui se tiendra en Chine, en Septembre, à Hangzhou. Le 13e plan quinquennal vient juste d’être approuvé, mais la Chine est déjà, mentalement, en 2020.

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone.

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Que se passe-t-il réellement en mer de Chine du Sud ?

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Par James O’Neill – Le 26 avril 2016 – Source New Eastern Outlook

La Mer de Chine du Sud serait, de l’avis de nombreuses publications occidentales, le prochain point de contentieux potentiel sur la scène géopolitique mondiale. La rhétorique officielle est aussi agressive qu’elle est mal informée, se fixant sur une prétendue agression de la République populaire de Chine qui déclare sa souveraineté sur une large étendue maritime de la mer de Chine du Sud, bien au-delà de ses eaux territoriales (limite des 12 milles marins) et de sa zone économique exclusive (limite des 200 milles marins) que la loi internationale reconnaît.


Cette rhétorique excessivement dramatique de la part des États-Unis, a mené au moins un analyste politique à qualifier ces soi-disant analyses de la situation en mer de Chine du Sud comme étant «le plus gros tas de sottises analytiques sur l’Asie du Sud-Est, depuis que la CIA a confondu en 1981 des déjections d’abeilles avec des souches d’armes bactériologiques d’origine russe».

La discussion au sujet de la mer de Chine du Sud contient plusieurs éléments qui doivent être examinés séparément, avant d’envisager des conclusions sur leur éventuelle importance. Il est utile, pour comprendre la situation, de comparer les différentes revendications territoriales en mer de Chine du Sud.

La majorité des arguments récents porte sur la zone de mer de Chine du Sud contenue à l’intérieur de la limite appelée la Ligne en 9 traits. Il s’agit d’une ligne en neuf pointillés dessinés sur une carte, tirant vers le Sud à partir de l’île chinoise de Hainan, longeant la côte vietnamienne, pour ensuite remonter vers le Nord en direction de la Chine, en englobant des zones entières appartenant aux zones économiques exclusives du Vietnam, de la Malaisie, de Brunei, des Philippines et de Taïwan.

La première remarque à faire, à propos de la Ligne en 9 traits, est qu’elle fut établie par le gouvernement nationaliste chinois dirigé par Tchang Kaï-chek en 1948, soit deux ans avant l’établissement de la République populaire de Chine. Lorsque le gouvernement nationaliste fut expulsé de Chine continentale et s’établit à Taïwan, le gouvernement taïwanais conserva à peu près les mêmes revendications territoriales au sein de la Ligne en 9 traits, tout comme la République populaire de Chine.

Les revendications taïwanaises perdurent à ce jour. Taïwan maintient une présence militaire sur l’île de Taiping (Itu Aba), la plus grande de l’archipel des Spratleys, à environ 1 600 kilomètres au sud-ouest de Taïwan. Taïwan maintient une autre présence militaire sur les îles Dongsha (Pratas) à environ 400 kilomètres au sud de ses côtes.

En février 2008, les Taïwanais ont construit une piste d’atterrissage de 2 000 mètres de long sur l’île Taiping. Alors que ces deux îles sont bien en dehors de la zone économique exclusive revendiquée par Taïwan, aucun gouvernement occidental, incluant l’Australie et les États-Unis, n’ont trouvé à redire à cette activité de nature militaire.

Les îles Spratleys sont un archipel de 230 îles, récifs coralliens, îlots et bancs de sable, dont seulement une trentaine émerge de l’eau à marée haute. Des six pays qui revendiquent les îles Spratleys, seul le royaume de Brunei n’y a pas bâti de structures sur pilotis, comme ceux qui existent sur la quarantaine d’îlots et récifs coralliens. Malgré cela, les médias occidentaux se focalisent exclusivement sur l’activité agressive de construction de terre-plein et de bâtiments pratiquée par la Chine.

Une des raisons des constructions sur ces îlots artificiels, est de permettre à leur propriétaire de revendiquer les droits exclusifs d’exploitation économique des eaux environnantes. Pourtant, selon le droit international, l’occupation de simples rochers, récifs coralliens et bancs de sable, ne peut servir de base légale à une revendication pour une exploitation économique d’une zone maritime.

Mais cette activité de construction ne se limite pas à la mer de Chine du Sud. Le Japon revendique la souveraineté sur un atoll inhabité appelé Okinotorishima, situé à 1 700 kilomètres au sud de Tokyo, là aussi très au-delà de toute zone maritime pouvant faire partie des eaux territoriales japonaises. Le gouvernement japonais a dépensé des milliards de dollars pour y créer une île artificielle bétonnée, érigée à 1,50m au-dessus du niveau de la mer, sur laquelle est installée une station de recherche. La zone environnante est primordiale en termes d’intérêt économique et militaire, ce qui laisse entrevoir les vraies motivations du Japon.

La validité des revendications japonaises sortent du cadre de cet article. Ce qui est intéressant ici, est que les activités du Japon, identiques à celles de la Chine en mer de Chine du Sud, n’ont déclenché aucune réaction hostile de la part de l’Australie ou des États-Unis.

Le second élément de la rhétorique des États-Unis et de l’Australie, est que les activités de la Chine en mer de Chine du Sud, menaceraient la liberté de navigation dans un espace maritime où transitent au moins 5 000 milliards de dollars d’échanges commerciaux internationaux chaque année.

Il est exact d’affirmer que la mer de Chine du Sud est une voie importante du commerce maritime international, mais il existe au moins trois bémols à cette affirmation, largement ignorés par les médias occidentaux qui exagèrent les menaces potentielles à la liberté de navigation.

Le premier élément est que, contrairement aux affirmations contenues dans le Rapport australien sur la Défense de 2015, seul 20% du commerce de l’Australie avec l’Asie transite par la mer de Chine du Sud, et que la majorité de ce commerce est destiné à, ou en provenance de la Chine. Les 80% restants du commerce de l’Australie avec l’Asie, empruntent une route maritime qui passe à l’Est de Singapour et des Philippines [donc en dehors de la mer de Chine du Sud, NdT].

Le second élément saillant est que personne, et surtout pas les porte-parole gouvernementaux belliqueux de Washington et Canberra, n’est capable de produire une seule déclaration émanant d’un officiel chinois, ni de dénoncer un seul acte de la part de la République populaire de Chine, qui menacerait la liberté de navigation.

Et troisièmement, la grande majorité du commerce maritime transitant par la mer de Chine du Sud est destiné à, ou en provenance, de la Chine. Le plus grand perdant dans un scénario de blocus maritime serait la Chine elle-même. Cela n’a aucun sens pour elle, de se comporter d’une manière qui serait en contradiction avec la protection de ses intérêts économiques et politiques. Mais la logique n’intéresse pas la plupart des commentateurs occidentaux.

Une des raisons invoquées par les États-Unis, l’Australie, et d’autres États pour leurs activités militaires en mer de Chine du Sud, est la préservation de ce qu’ils appellent la liberté de navigation, ce par quoi ils entendent le droit de passage libre dans les eaux internationales, à savoir en dehors de la limite des 12 milles nautiques.

Ce principe n’est pourtant pas appliqué de façon systématique par les États-Unis, soit directement à eux-mêmes, soit par leur soutien public à d’autres États qui violent ce qu’on nous explique être un droit inaliénable. Israël, par exemple, pratique régulièrement un blocus naval contre le Liban, de façon répétitive et pour de longues périodes depuis 1975, ainsi que contre la Bande de Gaza depuis 2000, sans une seule protestation des États-Unis ou de l’Australie.

Les États-Unis ont eux-mêmes imposé à plusieurs reprises des blocus maritimes pour atteindre leurs objectifs géopolitiques, par exemple contre Cuba, le Vietnam, la République fédérale de Yougoslavie et l’Irak, pour ne mentionner que les cas les plus connus. Aucune de ces violations de la liberté de navigation ne reposait sur une base juridique internationale.

Les pays limitrophes de la mer de Chine du Sud ont pris des mesures pour créer un cadre de résolution pacifique des différends maritimes qui sont apparus depuis que les pays en question ont commencé à faire valoir leurs revendications. Il est peut-être inutile de préciser que ce cadre de résolution des différends entre voisins n’inclut pas les États-Unis ou l’Australie.

En 2002, par exemple, les pays membres de l’ASEAN et la Chine ont signé une Déclaration sur la conduite des négociations entre parties intéressées en mer de Chine du Sud. Cette déclaration avait pour ambition de «consolider et développer l’amitié et la coopération entre les peuples et les gouvernements, en vue de promouvoir un partenariat de bonnes relations de voisinage et une confiance mutuelle au XXIe siècle».

La promotion de ces partenariats n’a pas été rendue aisée, à cause de toutes les interférences extérieures. En octobre 2008, par exemple, le gouvernement de Taïwan a annoncé qu’il comptait collaborer avec la Chine pour le développement de champs pétroliers et gaziers en mer de Chine de l’Est et du Sud. Les États-Unis ont tué cette initiative dans l’œuf en usant de leur ascendant sur Taïwan.

En 2014, la Chine et les Philippines ont trouvé un accord sur la question du Haut-fond de Scarborough, un agrégat de rochers et de récifs coralliens à l’Est de l’île de Luzon en mer de Chine du Sud. L’accord prévoyait une exploitation conjointe entre les Philippines et la Chine, et fut négociée du côté chinois par le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Fu Ying, et du côté philippin par le sénateur Antonio Trillanes. Tous les indices montrent que cet accord a été saboté par les États-Unis par le biais de leur allié local, le ministre philippin des Affaires étrangères, M. Albert del Rosario.

Si la rhétorique occidentale est si ouvertement fausse et ne sert que ses propres intérêts, alors quelles sont les réelles motivations derrière l’activité militaire grandissante des États-Unis et de leurs alliés comme l’Australie en mer de Chine du Sud?

Cette activité militaire inclut le déplacement d’un groupe aéronaval [porte-avion plus navires et sous-marins de protection, NdT] américain dans la zone maritime disputée en mer de Chine du Sud, le survol par un bombardier armé à l’intérieur de la zone des 12 milles nautiques du territoire chinois, et l’utilisation constante de vocabulaire belliqueux de la part d’officiers gradés sur la nécessité de «répondre à l’agression chinoise». De plus, les États-Unis continuent d’augmenter leur réseau déjà impressionnant de bases militaires dans la région, notamment par des accords récents avec l’Australie et les Philippines, en vue d’assurer des rotations de personnel militaire américain sur les bases de ces pays alliés.

Ceci vient s’ajouter à la forte présence militaire américaine à Okinawa, Guam et autres pays de la région, le tout pour contenir la Chine. Les sous-marins nucléaires américains patrouillent aussi en mer de Chine du Sud. Cela démontre le ridicule des analystes occidentaux, qui prétendent que ceci ne représente pas une politique d’encerclement de la Chine.

Une politique similaire fut pratiquée par les États-Unis contre la Russie, avec des intrusions toujours plus audacieuses des espaces aériens et maritimes voisins de la Russie par les forces armées nucléaires américaines.

L’Australie a rejoint les États-Unis et autres alliés américains pour des exercices militaires en Mer de Chine du Sud. Il n’y a aucune menace militaire plausible dirigée contre l’Australie, et malgré cela elle rejoint ce qui est clairement un exercice de provocation envers la Chine.

Aucun analyste des médias de masse en Occident ne pose la question qui s’impose : quelle serait la réaction des États-Unis si la Chine (ou la Russie) établissait des bases militaires ou participait à des exercices militaires à la même distance du territoire continental américain ? La soi-disant crise des missiles de Cuba en octobre 1962 constitue un précédent historique. A cette occasion, le monde est passé à deux doigts d’une guerre nucléaire entre les États-Unis et la Russie. Ce ne sont pas les dirigeants américains actuels qui feraient preuve d’une telle retenue.

La conclusion qui s’impose, à la lumière de la rhétorique américaine et australienne sur la liberté de navigation et la résolution pacifique des différends dans les limites du cadre juridique international, est que ce n’est qu’un écran de fumée destiner à tromper l’opinion.

La composante géopolitique majeure du XXIe siècle est la résurgence de la Chine comme superpuissance régionale. Sa prééminence économique est irréfutable, illustrée par le volume du trafic maritime en mer de Chine du Sud dont nous parlions précédemment.

Cela se reflète aussi dans le plus grand projet d’infrastructure au monde, les Routes de la Soie maritimes et terrestres qui sont chères au Président Xi. Ces projets ont le potentiel de transformer pas seulement la Chine elle-même, mais aussi tous les pays que traverseront ces nouvelles routes de la Soie.
Ces projets d’infrastructures sont un élément de la transformation des relations géopolitiques lancée par la Chine. L’Organisation de coopération de Shanghai, qui sera bientôt rejointe par l’Inde, le Pakistan et peut-être l’Iran, et regroupe quelques 40% de la population mondiale, est un projet très mal compris par les médias occidentaux.

Au niveau de la finance, le changement a lieu sur plusieurs fronts : la création de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB, que l’Australie a rejoint, dans ce qui semble être un rare exemple de défiance à l’hégémonie américaine) ; le commerce bilatéral en monnaies nationales au lieu du dollar US ; un système de crédit interbancaire en dehors des systèmes de contrôle occidentaux [le CIPS, pour China Interbank Payment System, est un système de paiement interbancaire en Yuan chinois, pas complètement séparé du système américain SWIFT, NdT] ; le développement de mécanismes d’aide financière aux États, séparé des institutions occidentales contrôlées par le FMI et la Banque mondiale.

La Chine a investi massivement dans des projets de lignes ferroviaires à grande vitesse en Indonésie, dans des barrages, autoroutes et centrales électriques en Afrique, et dans un canal au Nicaragua, alternatif à celui de Panama.

Tout ceci, et nous ne touchons que la surface, menace ce qui a toujours été un monopole américain. Les États-Unis prennent donc très mal l’émergence pacifique de cette nouvelle superpuissance, et utilisent donc toute la gamme d’instruments de déstabilisation dont ils disposent, telles les révolutions de couleur, la révolution des parapluies (à Hong Kong en 2014), les attaques sous fausse bannière du type réseau Gladio, le soutien à des groupes terroristes, et bien sûr le harcèlement militaire, dont les manœuvres navales en mer de Chine du Sud sont une illustration.

La rhétorique belliqueuse de l’amiral américain Harry Harris et du ministre de la Défense Ash Carter sont symptomatiques de la résistance américaine au retour inévitable d’une influence chinoise et de son pouvoir, d’abord bien sûr dans sa sphère d’influence naturelle, mais de plus en plus sur la scène internationale dans son ensemble.

Le danger pour l’Australie est double. D’abord, l’Australie s’est naturellement placée sous le parapluie de la défense américaine depuis la chute de Singapour aux mains des troupes japonaises en 1942. Cette dépendance à ce que l’ancien Premier ministre australien, Malcolm Fraser, appelait «un dangereux allié», a conduit l’Australie à s’aventurer dans de désastreuses campagnes militaires à l’étranger qui n’ont absolument rien à voir avec la défense de ses propres intérêts. Nous parlons bien sûr du Vietnam, de l’Afghanistan, de l’Irak et aujourd’hui de la Syrie.

Ces campagnes militaires à l’étranger, non seulement sortaient du cadre de l’intérêt national australien,  mais étaient également illégales au regard du droit international. Ainsi, dans la foulée, l’Australie a perdu sa légitimité dans les forums internationaux comme les Nations Unies. Un exemple récurrent est le soutien de l’Australie aux politiques d’Israël, en opposition avec l’immense majorité des membres de l’ONU.

Malgré son implication, sur ordre des États-Unis, dans cette autre intervention militaire illégale qu’est le conflit en Syrie, l’Australie a été exclue des pourparlers de paix à Genève, sur demande expresse de la Russie, parce que l’Australie est vue comme rien de plus qu’un laquais des États-Unis, et donc considérée comme inapte à apporter une contribution indépendante au débat. Le peuple australien a été soigneusement maintenu dans l’ignorance de cette humiliation diplomatique par les médias de masse complices des dirigeants australiens, qui ont omis d’en parler.

Plus récemment, les manœuvres navales conjointes entre l’Australie et les États-Unis en mer de Chine du Sud, illustrent un peu plus la déconnexion entre les actions du gouvernement australien et les intérêts de l’Australie, tout cela suite à une simple requête américaine.

Le second danger pour l’Australie est encore plus grand. La prospérité de l’économie australienne des quarante dernières années, repose principalement sur sa propension à creuser des trous dans son sous-sol et à exporter les minéraux qu’elle en extrait vers la Chine : le minerai de fer, le charbon et le gaz naturel sont de loin les exportations les plus importantes de l’Australie vers la Chine, en volume comme en valeur.

Peu de gens en Australie savent que plusieurs des États-membres de l’Organisation de coopération de Shanghai, également placés sur le tracé des Nouvelles routes de la soie, sont eux-mêmes grands producteurs des mêmes minéraux que l’Australie a exportés vers la Chine, garantissant ainsi sa récente prospérité.

Ces pays seront liés à la Chine par des voies ferrées à grande vitesse, et d’autres infrastructures. Ces pays seront considérés par la Chine comme plus amicaux, plus dignes de confiance, et comme des alternatives plus faciles d’accès que l’Australie. C’est également vrai, dans une certaine mesure, des pays africains et de leurs ressources, qui font également partie intégrante des projets d’infrastructure et de développement du Président Xi.

D’immenses contrats ont également été signés entre la Chine et la Russie, qui ont toutes deux un intérêt mutuel à résister aux attaques occidentales sur leur économie et leur développement politique. La Russie est capable à elle seule de remplacer l’Australie comme source de matières premières, et n’est pas particulièrement bien disposée envers cette dernière, à la lumière de sa participation aux côtés des États-Unis en Ukraine et ailleurs. L’imminente accession de l’Iran à l’Organisation de coopération de Shanghai fera encore évoluer le paysage géopolitique dans la même direction.

À choisir entre un approvisionnement en matières premières auprès de membres amis de l’Organisation de coopération de Shanghai et des BRICS, sans parler des pays africains qui ont été la destination de choix pour beaucoup d’investissements chinois récemment, et auprès de l’Australie, dont la politique étrangère est hostile aux intérêts chinois, on devine aisément quel serait le partenaire commercial de choix pour la Chine.

Cette nouvelle réalité a été une révélation pour l’actuel Premier ministre australien Malcolm Turnbull, avant qu’il ne soit élu. Qu’il ait maintenant changé son fusil d’épaule et qu’il reprenne en chœur les chants hégémoniques avec les Américains, illustre probablement en partie le fait qu’il réalise le danger de croiser le fer avec les Américains. Mais cela ne sera certainement pas dans l’intérêt de l’Australie de contribuer au maintien du vieil ordre mondial, alors qu’une nouvelle réalité est en train de prendre forme.

Aussi bien l’Australie que la Chine, ont un intérêt à voir se développer une Asie prospère et stable. Pour que l’Australie bénéficie de cette stabilité et prospérité, elle doit repenser de fond en comble ses priorités géopolitiques. Mais les signaux récents de cette nouvelle appréciation ne sont pas de bon augure.

James O’Neill

James O’Neill, un avocat basé en Australie, écrit exclusivement pour le magazine New Eastern Outlook.

Traduit par Laurent Schiaparelli, vérifié par Wayan, relu par Diane pour Le Saker Francophone

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L’Eurasie en marche…

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Un avenir favorable à l’humanité nous attend.
La coopération au lieu du parasitisme et du chaos, une stratégie «gagnant-gagnant»

«...Presque en même temps que les actes posés par l'AIIB, la Russie et le ministre des Affaires étrangères chinois ont signé une déclaration soutenant le rôle du droit international, en insistant sur l'égalité souveraine des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures et la résolution pacifique des différends. Compte tenu de l'historique du casier judiciaire de l'Empire du Chaos, ce n'est pas vraiment sa tasse de thé.» Pepe Escobar


Pepe Escobar Par Pepe Escobar – Le 4 juillet 2016 – Source Russia Insider

Chaque fois que le président Vladimir Poutine souligne que la Russie partage «un partenariat stratégique global» avec la Chine, on peut entendre les braillements de colère émanant de l’axe néo-con/néolibéralcon dans les couloirs de Washington.

Lors de sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping, à Beijing, samedi dernier, Poutine a même osé un euphémisme :

«Dire que nous avons une coopération stratégique ne suffit plus. C’est pourquoi nous avons commencé à parler globalement d’un partenariat et d’une collaboration stratégique. Globalement signifie que nous travaillons pratiquement dans tous les domaines importants, et stratégique signifie que nous attachons une énorme importance inter-gouvernementale à ce travail.»

Pourquoi est-ce un euphémisme ? Parce que cela s’aventure vraiment très au-delà des transactions commerciales.

Les accords commerciaux ça compte, bien sûr ; à Pékin, la Chine et la Russie ont initié 58 projets d’une valeur de $50 milliards. Ceux-ci incluent un prêt de $6,2 milliards consenti par Pékin pour construire une ligne de chemin de fer à grande vitesse de 770 km entre Moscou et Kazan et $12 milliards de prêts pour construire une usine de GNL [gaz naturel liquéfié] dans l’Arctique russe.

Les Chemins de fer russes, la société d’investissement russe Sinara Group, ainsi que China Railway, vont également investir dans une usine, en Russie, pour la construction de cent trains à grande vitesse, conçus pour la ligne Moscou-Kazan. Inévitablement cette ligne sera connectée, dans l’avenir, à l’extension de la ligne à grande vitesse du Transsibérien entre Moscou et Pékin, pour un montant de $100 milliards.

Il va sans dire que cela fait partie d’un nœud ferroviaire essentiel des nouvelles Routes de la soie. Et comme si cela ne suffisait pas, dans un autre domaine et comme exemple imagé d’interpolation géo-économique, les banques centrales de la Russie et de la Chine mettent en place, en Russie, un mécanisme de compensation du yuan.

La manne de l’inter-connectivité

Poutine et Xi se sont réunis pour la 15e fois, juste après que Xi a conclu une tournée dans trois-nations eurasiennes – la Serbie, la Pologne et l’Ouzbékistan – où, aux côtés du ministre des Affaires étrangères Wang Yi, il a posé explicitement le pont entre les nouvelles Routes de la soie – Une ceinture, une Route (OBOR) telles qu’elles sont officiellement désignées en Chine – et le développement de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Ce n’est pas non plus par accident que la Chine a également mis sur pied un partenariat stratégique global avec la Serbie, la Pologne et l’Ouzbékistan – sur la façon de tisser un large partenariat stratégique Chine-Europe en parallèle au développement de l’OCS.

Cela se traduit déjà dans des projets tels que le chemin de fer Hongrie-Serbie, le pont Pupin sur le Danube à Belgrade, l’expansion et la modernisation d’une centrale électrique à Kostolac, le service de trains de marchandises Chine-Europe, en provenance de Chine orientale jusqu’à Duisburg en Allemagne et ensuite jusqu’à Madrid, le tunnel Kamchiq en Ouzbékistan, et, last but not least, le réseau tentaculaire de pipeline de gaz naturel entre la Chine et l’Asie centrale.

Pas étonnant que Xi souligne le thème de l’inter-connectivité encore et toujours, alors que les corridors économiques sont en cours de construction à une vitesse vertigineuse, et que la ligne du China Railway Express trace son chemin vers l’Europe – bien que pas encore en ligne très grande vitesse.

Il y avait donc beaucoup de choses à discuter au 16e Conseil de l’OCS à Tachkent, en plus de l’accélération de l’adhésion à part entière à la fois de l’Inde et du Pakistan, l’année prochaine ce sera le tour de l’Iran.

Tout cela se traduit dans la pratique par l’amalgame des nouvelles Routes de la soie (OBOR), de l’Union économique Eurasie (EEU) – comme Poutine l’a souligné au forum de Saint-Pétersbourg) –, de l’OCS, des mécanismes de financement tels que la Banque asiatique d’infrastructure d’investissement (AIIB) et enfin du partenariat stratégique global sino-russe.

Pas étonnant qu’un certain Sultan Erdogan, observant tout cela à Ankara avec une certaine appréhension, ait décidé de faire un geste. La tentative d’Erdogan d’un rapprochement avec la Russie vise à ne pas être irrémédiablement mis à l’écart dans cette fusion OBOR / EEU / OSC. La Turquie ne peut pas se permettre d’être éloignée de la Russie. Le gazoduc Turkish Stream sera essentiel pour consolider la position d’Ankara en tant que carrefour majeur de l’énergie vers l’Europe. Dans le même temps, Ankara doit impérativement se positionner comme une plate-forme importante des nouvelles Routes de la soie.

Avec l’Inde et le Pakistan, et plus tard l’Iran, comme membres à part entière, l’OCS sera en mesure, à moyen terme, non seulement de communiquer avec OBOR de tous les côtés (via le corridor économique Chine-Pakistan et l’investissement indien dans le port iranien de Chabahar), mais aussi d’être un acteur clé dans la négociation d’une solution au drame afghan, quelque chose que les Américains et l’OTAN ne seraient jamais en mesure d’accomplir. La Russie et la Chine ont toujours insisté sur le fait que l’Afghanistan a besoin d’une solution asiatique.

L’AIIB, une banque simple, propre et verte

Presque en même temps que la réunion Poutine-Xi à Pékin, et pas non plus par accident, la banque d’investissement AIIB a mis le turbo à ses opérations.

L’AIIB a commencé à faire des affaires il y a seulement six mois, avec 57 pays membres fondateurs et $100 milliards de capital engagé.

Il est prévu d’investir $1,2 milliard en 2016. Une fois de plus, avec sa marque d’euphémisme, le ministre chinois des Finances Lou Jiwei a dit : «L’AIIB doit établir son avantage comparatif», profitant des «leçons apprises lors des années de développement».

Le conseil a approuvé ses quatre premiers contrats, d’une valeur de $509 millions, avec trois projets cofinancés par la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement (BAD), le Département pour le développement international du Royaume-Uni et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Ils concernent une rénovation des taudis en Indonésie et des autoroutes au Pakistan et au Tadjikistan. Une mise à niveau du réseau électrique au Bangladesh sera financée par la seule AIIB .

Et ce n’est que le début. Bien que le dirigeant de l’AIIB, Jin Linqun, soit chinois – il a promis que sa  banque serait  «simple, propre et verte» –  l’un des cinq vice-présidents, Daniel Alexander, est britannique. Pékin détient 30% du capital initial, mais a seulement 26% des droits de vote. L’Inde détient 7,5% et la Russie 5,9%, suivies par l’Allemagne et la Corée du Sud. C’est un véritable projet multipolaire.

Presque en même temps que les actes posés par l’AIIB, la Russie et le ministre des Affaires étrangères chinois ont signé une déclaration soutenant le rôle du droit international, en insistant sur l’égalité souveraine des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures et la résolution pacifique des différends. Compte tenu de l’historique du casier judiciaire de l’Empire du Chaos, ce n’est pas vraiment sa tasse de thé. Commentant le Brexit, Boris Titov, ombudsman des petites entreprises du Kremlin, se hasarda : «Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir l’Eurasie unie […] environ dix ans.» Compte tenu de l’interpénétration lente mais sûre des institutions – l’OBOR, l’EEU, l’OCS, l’AIIB, la NDB – et du solide partenariat Russie-Chine à l’intérieur du G20, c’est plus que faisable.

À Pékin, Poutine et Xi ont discuté de leur position commune lors du prochain G20, qui se déroulera dans trois mois seulement en Chine. C’est là que tout se passe réellement et pas au G7. Comparez aussi avec le sommet du bellicisme de l’OTAN à Varsovie, début juillet. La guerre, voilà l’offre de l’Occident au Sud.

Pour résumer, l’alternative à une Eurasie unie est le chaos. Et il n’y a aucun doute que l’Empire du Chaos – conformément à son atavisme – ne cessera pas de le semer, ce chaos. Attendez-vous à voir Pékin commander mille avions militaires de transport lourds à la Russie et aussi à voir des navires russes éparpillés, éventuellement tôt ou tard dans la mer de Chine méridionale, pour en rajouter sur les braillements de colère dans la galaxie néocon/néolibéralcon.

Article Original paru chez Strategic-Culture

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par catherine pour le Saker Francophone

 

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Pékin dénonce « l’agression américaine », espère un nouvel ordre mondial sino-russe

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Par SputnikNews – Le 14 août 2016

Alors que la politique des États-Unis et de l’Europe devient de plus en plus agressive envers la Chine, Pékin commence à envisager la formation d’une alliance avec la Russie pour contrer l’OTAN.

À l’occasion du 95è anniversaire de la naissance du Parti communiste chinois, le mois dernier, Xi Jinping a fait un discours considéré comme incendiaire par les analystes, dans lequel il appelle à créer une union militaire avec la Russie, qui rendrait l’OTAN « sans pouvoir » et « mettrait fin aux élans impérialistes de l’Occident ».

Cette forte déclaration tombe au moment où tant Pékin que Moscou se trouvent dans une position vulnérable face à une politique étrangère américaine de plus en plus agressive, avec ses fréquentes simulations de guerre à grande échelle aux frontières des deux pays et la mise en place de boucliers antimissiles à des endroits stratégiques, qui limitent la capacité de la Russie et de la Chine de se défendre en cas de conflit.

« Le monde est au bord d’un changement radical, a déclaré un président chinois de plus en plus frustré. Nous voyons comment l’Union européenne est en train de se désintégrer, de même que l’économie américaine. C’en est fini du nouvel ordre mondial. »

Ce discours semble aussi fait pour calmer les dissidents en Chine, où l’on voit déjà des fonctionnaires demander aux citoyens d’être vigilants face aux agitateurs anti-gouvernementaux qui pourraient être des agents de l’Occident, alors que l’administration étasunienne se mêle de la dispute au sujet de la mer de Chine méridionale, en se joignant aux autres pour demander que Pékin soit évincé de son territoire historique et en se servant d’un arbitrage douteux qui a été considéré comme invalide, car Pékin ne reconnaît pas la juridiction de la Haye.

La perte de son territoire en mer de Chine méridionale représenterait un sérieux revers pour les aspirations économiques de Pékin, car 40% du transport maritime mondial passe par cette région, qui héberge aussi les plus grandes réserves de pétrole et de gaz naturel au monde.

Cherchant le soutien de ses compatriotes, Xi Jinping a déclaré : « Ce ne sera jamais plus comme avant. Dans 10 ans, nous aurons un ordre mondial nouveau, dont la clé sera l’union de la Russie et de la Chine. »

Le président russe, Vladimir Poutine, soutient depuis longtemps le développement d’une alliance militaire et économique avec la Chine, se référant au niveau de coopération actuelle comme « un partenariat stratégique profond ».

Alors que la communauté internationale s’en prend à Pékin par l’intermédiaire du verdict sur la mer de Chine méridionale et l’installation d’un système anti-missiles THAAD en Corée du Sud, la Russie a continué à soutenir la Chine en s’engageant avec elle dans de grandes manœuvres militaires conjointes dans le Pacifique.

Article original publié dans Sputnik News

Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone.

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Le G20 Made in China : un séisme géo-économique

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China's President Xi Jinping speaks at a news conference after the closing of G20 Summit in Hangzhou, Zhejiang Province, China, September 5, 2016. © Damir Sagolj


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 6 septembre 2016 – Source CounterPunch

Ce qui vient d’avoir lieu à Hangzhou, en Chine, est d’une immense importance géo-économique. Depuis le début, Pékin a pris le G20 très au sérieux ; cela a été conçu comme l’affaire de la Chine, et non celle de l’Ouest déclinant. Et encore moins celle de Washington.

Annonçant l’ordre du jour pour les discussions, le président Xi Jinping est allé droit au but géopolitique, lorsqu’il a donné le ton : «La mentalité caduque de Guerre froide doit être rejetée. Il est urgent de développer un nouveau concept de sécurité inclusive, globale, concertée et durable.»

Rapprochez-le des quatre prescriptions de Xi − «innover, revigorer, interconnecter et inclure» − ​​nécessaires pour redynamiser l’économie mondiale.

Agissant de facto comme chef d’État-mondial, Xi a ensuite procédé, lors de l’ouverture du sommet, à l’introduction d’un paquet très ambitieux − le résultat d’une planification épuisante qui a duré des mois dans la perspective du G20 de Hangzhou.

Le paquet est conçu pour propulser à nouveau l’économie mondiale vers la croissance et installer en même temps plus de règles chinoises amicales dans l’architecture économique mondiale et dans sa gouvernance.

Le projet ne pouvait pas être plus ambitieux pour contrecarrer le sentiment croissant anti-commerce et anti-mondialisation, en particulier à l’Ouest − du Brexit à Trump − en plaisant simultanément à un auditoire choisi, sans doute le rassemblement le plus important de leaders mondiaux dans l’histoire de la Chine, et en même temps, à long terme, en visant à prévaloir pour de bon sur la domination occidentale menée par les USA.

Voilà un revirement prévisible mais toujours remarquable pour la Chine, qui a bénéficié, comme toute autre nation, de la mondialisation − par sa croissance au cours des trois dernières décennies − essentiellement alimentée par des investissements étrangers directs et un déluge d’exportations.

Mais maintenant la géo-économie a atteint une zone de turbulence extrêmement préoccupante. Depuis la fin de la guerre froide en 1989 − et de l’Histoire elle-même, s’il faut en croire les nigauds académiques − cela n’a jamais été aussi terrible. L’appât du gain a conduit l’inégalité à vaincre la mondialisation. En un mot, une faible inflation − en raison de la concurrence mondiale − a conduit à de proverbiales politiques monétaires expansionnistes [QE : planche à billets, NdT], qui ont gonflé les bulles du logement, de l’éducation et des soins de santé, étouffant les classes moyennes et permettant à une richesse illimitée de couler à flot vers la minorité du 1% des propriétaires d’actifs.

Pourtant, même pendant la décélération, la Chine était encore responsable de plus de 25% de la croissance économique mondiale en 2015. Elle reste le turbo-propulseur principal, tout en supportant, en même temps, le fardeau du titre – auto-attribué – de représentant des pays du Sud dans la gouvernance économique mondiale .

L’investissement de la Chine, hors de ses frontières, a bondi de 62% à un niveau record de $100 milliards au cours des sept premiers mois de 2016, selon le ministère chinois du Commerce. Mais il y a un problème, que les économistes ont surnommé «l’environnement asymétrique d’investissement» : la Chine reste plus fermée que les autres membres des BRICS à l’investissement étranger, en particulier dans les secteurs des services.

Les BRICS en construction

La réunion dédiée aux BRICS, en marge du G20, n’a pas été spectaculaire en soi. Mais c’est là que Xi a détaillé l’ordre du jour de la Chine au G20 et a donné le ton pour leur huitième sommet annuel à Goa, le mois prochain. Selon un rapport du cercle de réflexion économique des BRICS à l’Université de Tsinghua à Pékin, la Chine doit améliorer ces liens multilatéraux pour «avoir un plus grand mot à dire et pousser l’Occident à cesser d’élaborer [seul] les règles internationales».

Il y a un coup à tenter − pas gagné, mais déjà en cours. Zhu Jiejin, de l’Université de Fudan à Shanghai, résume tout : «Les BRICS sont un test de la nouvelle philosophie de la Chine dans les relations internationales − bien que le fruit prendra beaucoup de temps pour mûrir.»

L’interconnexion ou la mort

Tout à Hangzhou a été calculé au millimètre près.

Prenez par exemple les sièges à la table du G20 ; des chaises classiques de la dynastie Ming − des tai-shi, «sièges pour les grands maîtres impériaux» − avec des coussins gris clair ; des rouleaux de papier avec des presse-papiers en jade vert clair à chaque extrémité ; un plateau de céramique avec un stylo ; une tasse de thé en porcelaine verte ; un sceau carré en jade − presque aussi grand qu’un sceau impérial − qui était en fait un commutateur de microphone.

Et voyez la géopolitique de l’image officielle ; Merkel et Erdogan se tenaient près de Xi parce que la Turquie a accueilli le G20 l’an dernier, et en 2017 ce sera l’Allemagne ; symétrie parfaite pour Poutine et Obama ; symétrie parfaite pour deux autres membres du BRICS, Modi de l’Inde et Temer L’Usurpateur du Brésil − aux extrémités, mais toujours en première rangée ; Shinzo Abe du Japon dans la deuxième rangée − ainsi que l’Italie, Matteo Renzi, et la Grande-Bretagne, Theresa May  «Nous sommes ouverts pour les affaires» [où est Hollande?, NdT].

Et pourquoi Hangzhou, après tout ? Étant en Chine, tout commence par une analogie historique. Hangzhou a été décrit comme le Centre de la Soie avant même le développement de l’ancienne Route de la soie. Maintenant, connectez-ça aux Nouvelles routes de la soie de Xi − une Ceinture, une Route, OBOR, dans leur dénomination officielle − que certains analystes chinois se complaisent à décrire comme  «une symphonie moderne de la connectivité».

OBOR est la mise en pratique des quatre prescriptions de Xi ; la croissance économique entraînée par une frénésie de connectivité inclusive, en particulier chez les pays en développement.

La direction de Beijing est totalement engagée dans OBOR comme transformateur géo-économique ultime en Asie-Pacifique, reliant l’essentiel de l’Asie à la Chine et à l’Europe. Et tout cela, bien sûr totalement entremêlé avec la réinterprétation énergique, par Xi, de la mondialisation. Voilà pourquoi je soutiens que ce projet est le plus conséquent pour le jeune XXIe siècle : le projet concurrent des États-Unis est du genre plus chaotique.

Avant Hangzhou, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 se sont réunis à Chengdu, les 23 et 24 juillet, pour discuter de la connectivité mondiale des infrastructures. Le communiqué devait reconnaître l’évidence, une plus grande interconnectivité est une exigence déterminante de l’économie mondiale au XXIe siècle et la clé de la promotion du développement durable et de la prospérité partagée.

C’est exactement l’objet de OBOR. La société de conseil chinoise SWS Research a estimé dans un rapport sur OBOR que l’investissement global nécessaire pour la construction d’infrastructures est proche d’un montant ahurissant : $3 260 milliards.

Ces projets comprennent le corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), défini par le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi comme «le premier mouvement de la symphonie de l’initiative une Ceinture, une Route». Et puis il y a l’aubaine du chemin de fer à grande vitesse − y compris le chemin de fer Chine-Thaïlande au sein du réseau Trans-Asia Railway ainsi que le chemin de fer à grande vitesse Jakarta-Bandung en Indonésie.

La maison Alibaba que Ma a construite

Les meilleurs acteurs chinois derrière l’expansion de OBOR et la vision de Xi d’une architecture économique mondiale réformée sont ici. Il est impossible de comprendre où la Chine se dirige sans tenir compte du rôle de chacun d’entre eux.

Et bien sûr il y a Hangzhou elle-même − une plaque tournante de la technologie excellant dans l’économie de l’information et dans l’intelligence industrielle.

Sans doute la plus grande star de ce G20, en dehors de Xi, était Jack Ma, fondateur du géant du commerce électronique Alibaba, créé en 1999, coté à New York en 2014 et la réalisation de plusieurs milliers de sociétés chinoises qui dessinent la nouvelle empreinte chinoise.

Le siège d’Alibaba est à Hangzhou. Et ce n’est pas accidentel si Justin Trudeau du Canada jusqu’à Joko Widodo d’Indonésie ont visité Xixi, le campus de l’entreprise, guidés par Ma, avec l’idée de promouvoir les produits de leur pays grâce à la plate-forme d’Alibaba. À proximité il y a Dream Town, un centre qui a aidé à naître plus de 680 start-up chinoises en un an.

Avant le G20 il y a eu un B20 − un sommet d’affaires, axé sur le développement des petites et moyennes entreprises (PME) − où le rusé Ma, admettant que «nous vivons à un moment crucial où les gens détestent la mondialisation ou le libre-échange», a promu avec force l’avènement d’une plate-forme électronique du commerce mondial, eWTP. Ma décrit eWTP comme «un mécanisme de dialogue public-privé dans le développement de l’e-commerce transfrontalier», qui  «aide les petites et moyennes entreprises, les pays en développement, les femmes et les jeunes générations à participer à l’économie mondiale».

Aussi, pas par accident non plus, Widodo de l’Indonésie a invité Ma à être son conseiller économique. L’Indonésie n’a pas moins de 56 millions de PME, comme l’a noté son président, donc l’une des priorités est de renforcer la coopération entre elles en Indonésie avec l’aide d’Alibaba pour entrer sur les marchés chinois et mondiaux.

Bien sûr, tout n’est pas un jardin de roses. Parmi les cinq groupes de travail au B20 nous pourrions trouver des acteurs douteux tels que Laurence Fink, chef du méga-fonds BlackRock, assis à la commission des finances, ou Dow Chemical au commerce et à l’investissement. Pourtant, le principal objectif reste d’aider les PME, dans les pays en développement, à se mondialiser.

Ce qui était vraiment décidé au G20 ne deviendra visible qu’à long terme. Xi a clôturé le sommet en soulignant que le G20 a accepté de promouvoir le multilatéralisme commercial et d’agir contre le protectionnisme − effet contraire évident de ce qui se passe − tout en développant en même temps les premières règles encadrant les investissements transfrontaliers, mais tout le monde les mettra-t-il en œuvre ?

Il a également déclaré que le G20 a décidé de poursuivre la réforme du FMI et de la Banque mondiale pour donner plus de poids aux marchés émergents − pas avec Hillary ou Trump au pouvoir.

De toute façon, le  message de la Chine était sans équivoque. Elle a tracé un chemin géo-économique pour l’avenir et fait des efforts considérables pour convaincre des dizaines de nations à se joindre à un cadre gagnant-gagnant. Et quel que soit l’avenir de l’imagé et conflictuel pivot vers l’Asie − le TPP bras commercial de l’OTAN inclus − Pékin ne restera pas silencieux face à l’intimidation et aux menaces US à ce qu’il considère comme vital pour la sécurité des intérêts de la Chine.

Le G20 à Hangzhou a montré que la Chine est prête à afficher son influence économique et à exercer un rôle beaucoup plus actif dans la géo-économie. Il est clair que Pékin préfère jouer le jeu dans un système commercial multilatéral fondé sur les règles de l’OMC. Washington, au contraire, a essayé de truquer le jeu avec de nouvelles règles commerciales, le TPP et le TTIP.

He Weiwen, de la Société chinoise pour les études sur l’OMC, a peut-être mis le doigt sur l’essentiel quand il a observé : «Les États-Unis ont dit qu’il ne peuvent pas laisser la Chine fixer les règles, mais il semble que leur propre définition des règles n’a pas gagné les cœurs, car ils ne voient que leurs propres intérêts.»

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

Article Original paru sur Russia Today

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Les Philippines s’émancipent enfin

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Par Jonathan Marshall – Le 21 octobre 2016 – Source Consortiumnews

Le président Chinois Xi Jinping accueille le président philippin Duterte a Pékin, le 21 octobre 2016

Alors que la crise dans les relations entre les États-Unis et les Philippines s’intensifie, les thermomètres de la sagesse conventionnelle à Washington sont tous en zone rouge, indiquant danger. Les décideurs américains intelligents devraient cependant voir dans cette crise une chance pour la paix régionale amorcée par les ouvertures du président des Philippines Rodrigo Duterte envers la Chine.

L’autoritaire mais populaire Duterte, qui est peut être encore plus déséquilibré et narcissique que Donald Trump, a fait les grands titres en se comparant à Adolf Hitler, en se vantant de ses conquêtes sexuelles et en lançant des anathèmes contre le président Obama mais aussi le pape François. Il a pourtant causé encore plus de brûlures d’estomac à Washington en annonçant bruyamment sa préférence pour un réchauffement des relations entre son pays et la Chine.

Lors de sa visite d’État en Chine, Duterte a déclaré mercredi qu’il était «temps» pour les Philippines «de dire au revoir» aux États-Unis alors que son pays entame un «nouveau chapitre» dans ses relations avec l’étranger. Cette déclaration n’a pas été faite par inadvertance. Il y a quelques semaines, il disait devant un auditoire à Manille : «Je vais rompre avec l’Amérique. Je préfère me tourner vers la Russie et la Chine.»

Pour muscler sa rhétorique, Duterte a promis de mettre fin à des exercices militaires conjoints avec les forces armées américaines et de renvoyer chez eux les centaines de troupes américaines stationnées aux Philippines. Ses vœux contredisent totalement des accords bilatéraux conclus ce printemps, avant son entrée en fonction, pour laisser les forces américaines utiliser cinq bases militaires aux Philippines et pour commencer des patrouilles navales conjointes visant à dissuader l’expansion agressive de la Chine en mer de Chine méridionale.

Le rejet par Duterte des liens militaires traditionnels avec les États-Unis a donné des sueurs froides aux analystes en politique étrangère conventionnels. Dans leur paradigme de guerre froide, ils voient tous les développements en Extrême-Orient comme un jeu à somme nulle, bénéficiant soit la Chine soit aux États-Unis, au détriment de l’autre puissance.

Un coup porté au prestige

Selon le Wall Street Journal, les actions de Duterte «ont remis en question la longue relation entre Manille et Washington, portant un coup au prestige américain et minant potentiellement les efforts états-uniens pour contrer l’influence croissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique».

De même, Andrew Shearer, analyste au Centre d’études stratégiques et internationales à Washington, avertit que «si la Chine réussit à éloigner les Philippines des États-Unis, ce sera une victoire majeure dans la campagne à long terme de Pékin visant les alliances états-uniennes dans la région. Cela nourrit les craintes que la bonne combinaison entre intimidation et incitation pourrait pousser d’autres partenaires à se distancer de Washington».

L’opinion anti-américaine de Duterte est due à plusieurs influences. L’une est son grief nationaliste contre la brutale guerre coloniale états-unienne contre les Philippines qui a commencé en 1899. Duterte déteste aussi les dirigeants américains (ou toute autre personne) lui faisant la morale sur les droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne son soutien aux escadrons de la mort qui ont tué des milliers de petits criminels et d’enfants des rues. Washington a menacé de couper une partie de l’aide économique si Manille continue cette politique macabre.

Mais Duterte joue également un jeu habile avec la Chine. Pékin s’est fortement indigné en juillet dernier, après que les Philippines avaient remporté une décision d’arbitrage international contre la Chine, accusée d’empiéter sur les lieux de pêche traditionnels philippins et leurs droits aux richesses sous-marines.

Duterte est assez intelligent pour réaliser que, même avec le soutien militaire des États-Unis, il ne pouvait pas se permettre de contester les incursions illégales de la Chine.

«Que pensez-vous qu’il va arriver à mon pays si je choisis d’aller vers la guerre ?, dit-il. Nous n’avons pas d’autres choix que de nous parler.»

Au lieu d’exiger inutilement une capitulation, Duterte a donc choisi de montrer amour et respect envers la Chine. Il fait brillamment appel à la psychologie des fiers dirigeants chinois, qui sont heureux de se montrer magnanimes envers les Philippines tout en gênant les États-Unis.

Faites la conversation, pas la guerre

Une porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Chine a salué l’engagement de Duterte pour résoudre les conflits territoriaux «par le biais de la consultation et du dialogue» et a dit : «Ceux qui veulent vraiment la paix, la stabilité, le développement et la prospérité dans la région Asie-Pacifique» doivent chaleureusement accueillir la visite d’État de Duterte. Elle a raison.

Duterte améliore considérablement la sécurité nationale des États-Unis en réduisant les risques de départ d’un conflit avec la Chine dans la mer de Chine méridionale. En outre, en réduisant l’alliance militaire États-Unis–Philippines, il réduit le risque que les forces américaines soient entrainées dans la bataille si les Philippines avaient à subir des escarmouches de la part des militaires chinois.

Les actions de Duterte devraient inciter les Américains à se poser des questions fondamentales sur le but des alliances militaires américaines dans la région. Est-ce que notre alliance avec les Philippines sert principalement à protéger la sécurité des États-Unis, ou à protéger généreusement un ami vulnérable face à l’agression chinoise ?

L’ancien argument n’est pas convaincant : les Philippines étaient un avant poste stratégique pendant la Seconde Guerre mondiale, mais sont devenues totalement inutiles aujourd’hui pour la défense de la patrie américaine, qui ne fait face à aucune menace militaire à court terme en dehors d’une guerre nucléaire.

Les États-Unis n’ont pas non plus besoin des Philippines pour aider à protéger les voies maritimes commerciales. La Chine, avec sa grande dépendance à l’égard du commerce international et du transport maritime, a toutes les raisons de respecter et de défendre la liberté de circulation maritime. L’expansion de la Chine dans la mer de Chine méridionale vise à contrer la puissance militaire des États-Unis et à accéder aux ressources sous-marines plutôt qu’à bloquer la navigation commerciale.

Le deuxième argument s’écroule aussi si les Philippines deviennent amis avec la Chine. Si notre objectif est de protéger notre ancienne colonie contre l’agression, nous devrions applaudir le réchauffement de ses relations avec Pékin.

Encercler la Chine

Un argument restant pour l’alliance militaire est – comme la Chine le craint – de contenir Pékin en l’encerclant avec des bases américaines. La sagesse conventionnelle, qui se reflète dans un rapport de 2015 édité par le Council on Foreign Relations, présente la Chine comme «le concurrent le plus important des États-Unis pour les décennies à venir» et recommande de  «renforcer de façon concertée les capacités des alliés et des amis des États-Unis à la périphérie de la Chine et d’améliorer la capacité des forces militaires américaines à projeter efficacement leurs forces dans la région Asie-Pacifique».

Mais une Chine fière, nationaliste et toujours plus riche ne supportera pas beaucoup plus longtemps l’humiliation d’être considérée comme un pays de seconde classe dans sa propre région. La politique américaine d’endiguement, consacrée sinon formellement reconnue par l’administration Obama avec le fameux «pivot vers l’Asie» garantit l’hostilité chinoise et la menace croissante d’un conflit avec les États-Unis.

Une politique plus intelligente serait de renverser ce paradigme en accueillant les ouvertures de Duterte envers la Chine et en encourageant les autres pays limitrophes de la mer de Chine méridionale à engager des pourparlers bilatéraux ou multilatéraux avec Pékin.

En 1900, au paroxysme de la brutale campagne de contre-insurrection états-unienne contre les rebelles philippins, l’anti-impérialiste Mark Twain a dit qu’au lieu d’essayer de conquérir les populations locales, cela devrait «être notre plaisir et notre devoir de rendre ces gens libres, et de les laissez régler leurs propres questions internes à leur manière». C’est toujours une bonne règle, partout, et particulièrement pour les Philippines contemporaines.

Jonathan Marshall

Article original publié dans Consortiumnews

Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone.

Mort imminente du Traité Trans-Pacifique (TTP)…

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La Chine prend le relais des États-Unis 

Préambule de l'auteur 

La bataille pour la domination du commerce mondial penche en faveur de la Chine. Face aux menaces de Donald Trump d'imposer des barrières tarifaires et de supprimer les accords de libre-échange, dont le TPP, Beijing tisse des liens avec divers partenaires importants de Washington. Lors du XXIVe sommet de l'APEC, il est apparu clairement que la mort imminente du TPP est devenue une excellente occasion pour la Chine qui, étonnamment, avait proposé aux pays qui ont signé le TPP en février de cette année, l'établissement d'une grande zone de libre-échange... mais sans les États-Unis.

Ariel Noyola Rodriguez

Par Noyola Ariel Rodriguez – Le 21 novembre 2016 – Source Russia Today

L’influence des États-Unis dans le commerce mondial se dilue. Quelques heures après la victoire électorale de Donald Trump sur Hillary Clinton, l’équipe du président Barack Obama a surpris ses propres amis en leur demandant d’abandonner, soudainement, la campagne de lobbying intense qu’ils menaient au Congrès pour la ratification de l’Accord trans-pacifique de coopération économique (TPP).

La mort du TPP est imminente. Selon ses dispositions, pour entrer en vigueur, il faut l’approbation législative d’au moins six pays et, en plus, ceux-ci doivent totaliser 85% du produit intérieur brut (PIB) des douze membres. L’économie américaine en représente à elle seule plus de 60%. Par conséquent, une fois que Obama aura laissé la ratification du TPP entre les mains de Trump, il est presque certain qu’il sera enterré par le prochain Congrès des États-Unis.

Michael Froman, représentant au Commerce pour les États-Unis, avait déjà averti en juillet de cette année que si les législateurs de son pays échouaient à ratifier le TPP, les «clés du château» de la globalisation des échanges passeraient entre les mains de la Chine. Ses paroles étaient prophétiques. Les aspirations impériales d’Obama ont capoté. L’Amérique ne dictera plus les règles du jeu.

Actuellement, l’essentiel du commerce est concentré en Asie, avec la Chine en tête. Les dirigeants de Pékin ont travaillé pendant un certain temps sur diverses initiatives de libre-échange de caractère multilatéral en vue de consolider leur influence aux niveaux régional et mondial : le partenariat économique global régional (RCEP) et le libre commerce en Asie-Pacifique (FTAAP).

El presidente chino, Xi Jinping y su mujer, Peng Liyuan, a su llegada al aeropuerto internacional en Lima, Perú, con motivo de la cumbre de APEC, el 18 de noviembre de 2016.
La Chine va-t-elle remplacer les US en Amérique latine après la victoire de Trump ?

Lors du XXIVe sommet  de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), tenu à Lima (Pérou), le Président de la Chine, Xi Jinping, a proposé aux pays signataires du TPP, tant d’Amérique – Chili, Mexique et Pérou – que d’Océanie – Australie et Nouvelle-Zélande – de rejoindre les accords de libre-échange promus par son gouvernement et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Mais laquelle des deux initiatives de libre-échange promues par la Chine est-elle vraiment de nature à supplanter le TPP ?

Il sera très difficile pour Beijing de faire fonctionner le FTAAP – traité de libre-échange entre les membres de l’APEC, créé en 2014, qui inclut les États-Unis… et la Chine – parce que si Donald Trump, à ce jour, a été catégoriquement opposé au TPP, il est clair qu’il ne soutiendra jamais une initiative de libre-échange menée par la Chine. Rappelez-vous aussi que Trump a promis à ses électeurs d’abandonner ou, dans le meilleur des cas, de renégocier les accords de libre-échange signés par les États-Unis au cours des dernières décennies. À leur avis, les accords tels que l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) sont un désastre.

Selon ce scénario, la Chine cherche à rallier à sa cause les principaux partenaires commerciaux des États-Unis en vertu de l’engagement de continuer à encourager la libre circulation des marchandises. De mon point de vue, le RCEP est l’initiative de libre-échange qui donne à la Chine la possibilité de combler le vide laissé par Washington après son abandon du TPP . «La Chine devrait mettre en place un nouvel accord qui réponde aux attentes de l’industrie et maintienne la dynamique de la mise en place d’une zone de libre-échange», a dit au début de novembre Li Baodong, le vice-ministre des Affaires étrangères de la Chine.

Le RCEP est composé de tous les pays membres du TPP, à l’exception du Canada, du Chili, du Mexique, du Pérou et, bien sûr, des États-Unis. Avec un total de plus de 3 milliards d’habitants, le RCEP inclut également d’autres pays d’Asie ayant un grand dynamisme économique : Cambodge, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Philippines, Laos, Myanmar et Thaïlande. La question se pose alors de savoir si le RCEP serait une sorte de TPP élargi, avec la Chine remplaçant les États-Unis.

Pas exactement.

L’envergure de la RCEP n’est pas la même que celle du TPP. Jusqu’à présent, les objectifs de la RCEP sont limités à l’élimination des barrières tarifaires. Le TPP, pour sa part, est beaucoup plus qu’un accord de libre-échange, parce que, entre autres choses, il met à la disposition des grandes sociétés des droits à la propriété intellectuelle, menace la protection de l’environnement, viole les droits des travailleurs et, comme si ça ne suffisait pas, laisse aux mains de tribunaux internationaux d’arbitrage [mis en place par les multinationales, NdT] le règlement des différends entre les gouvernements et les entreprises.

Par conséquent, plusieurs dirigeants considèrent favorablement le plan B proposé par les Chinois. Parmi eux, le président du Pérou, Pedro Pablo Kuczynski, qui considère qu’un accord de libre-échange alternatif au TPP est nécessaire. Bien que les pays de l’Alliance du Pacifique – composée des trois membres du TPP d’origine latino-américaine, plus la Colombie – soient intéressés à continuer d’entretenir d’excellentes relations avec les États-Unis, en même temps, plusieurs d’entre eux veulent construire des accords avec la Chine et la Russie.

Sans aucun doute, l’incertitude politique qui afflige les États-Unis depuis les élections du 8 novembre dernier est magistralement exploitée par le dragon chinois. Face à la menace de Trump d’ouvrir une nouvelle ère de protectionnisme, la réponse de Xi est très énergique : la globalisation des échanges menée par Pékin continuera, avec ou sans le soutien de Washington.

Ariel Noyola Rodríguez est économiste, il a fait ses études supérieures à l’Université nationale autonome du Mexique. Contact : noyolara@gmail.com. Twitter :@noyola_ariel.

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

Tous à bord du monde post-TPP

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All Aboard the Post-TPP World


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 25 novembre 2016 – Source Strategic Culture

Une poignée de main mi-figue mi-raisin entre le président américain Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine, avant et après avoir parlé «pendant environ quatre minutes», debout, en marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Lima, au Pérou, a capturé à la perfection le déclin mélancolique de l’ère Obama.

Un flashback  tourbillonnant sur la relation fracassante entre Obama et les «menaces existentielles» posées par la Russie et la Chine résumerait tout, depuis un Maïdan parrainé par Washington à Kiev, jusqu’à un «Assad doit partir» exigé par Obama en Syrie, avec des mentions spéciales pour la guerre des prix du pétrole, le raid sur le rouble, la diabolisation extrême de Poutine et tout ce qui a l’air russe, les provocations dans la mer de Chine méridionale – tout cela jusqu’au bouquet final : le décès du très vanté Traité Transpacifique (TPP), qui a été reconfirmé par l’APEC juste après l’élection de Donald Trump.

C’était presque trop douloureux de voir Obama défendre son héritage – pas exactement spectaculaire – à sa conférence de presse internationale finale – avec, ironiquement, la côte Pacifique sud-américaine en toile de fond – alors que le président chinois Xi Jinping baignait quasiment dans son aura géopolitique permanente, qu’il partage déjà avec Poutine. Quant à Trump, quoique invisible à Lima, il était partout.

L’enterrement rituel, dans les eaux péruviennes du Pacifique, du volet «OTAN commercial» du pivot vers l’Asie – annoncé pour la première fois en octobre 2011 par Hillary Clinton – offrait ainsi à Xi la plateforme idéale pour faire valoir les mérites du Partenariat économique régional (RCEP), largement soutenu par la Chine.

Le RCEP est une idée ambitieuse, visant à devenir le plus grand accord de libre-échange au monde; 46% de la population mondiale, avec un PIB combiné de $17 mille milliards et 40% du commerce mondial. Le RCEP comprend les dix nations de l’ASEAN, plus la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

L’idée du RCEP est née il y a quatre ans, lors d’un sommet de l’ASEAN au Cambodge – et a connu jusqu’à présent neuf cycles de négociations. Curieusement, l’idée initiale est venue du Japon – comme mécanisme permettant de combiner la pléthore d’accords bilatéraux que l’ASEAN a conclus avec ses partenaires. Mais maintenant, la Chine mène la barque.

Le RCEP est aussi le point d’appui de la Zone de libre-échange de la région Asie-Pacifique (FTAAP), un concept qui a été introduit lors d’une réunion de l’APEC à Beijing par – devinez qui – la Chine, avec pour objectif de séduire les nations pour lesquelles cette dernière est le partenaire commercial principal, en les éloignant de la tentation du TPP.

Le RCEP – et même la FTAAP – ne concernent pas une nouvelle série de règles commerciales tous azimuts ultra-complexes, concoctées par les multinationales américaines [dans leur intérêt évidemment, NdT], mais l’extension des accords existants avec l’ASEAN et les nations clés en Asie du Nord, en Asie du Sud et en Océanie.

Il n’y a pas eu besoin de météorologues expérimentés, pour voir dans quelle direction les vents du Pacifique soufflent maintenant. Le Pérou et le Chili sont à bord pour rejoindre le RCEP. Et le Japon – qui négociait le TPP jusqu’à son dernier souffle – a maintenant dirigé le cap vers le RCEP.

Le Sultan entre en scène

Pendant ce temps, Poutine et Xi se sont rencontrés une fois de plus – Poutine révélant qu’il ira en Chine au printemps prochain pour approfondir l’implication russe dans les Nouvelles Routes de la Soie : One Belt, One Road (OBOR). L’objectif ultime est de fusionner l’OBOR, dirigé par les Chinois, avec l’Union économique eurasienne (EEU) dirigée par la Russie.

C’est l’esprit qui sous-tend les vingt-cinq accords intergouvernementaux en matière d’économie, d’investissement et d’industrie nucléaire signés par le Premier ministre russe Dmitri Medvedev et le Premier ministre chinois Li Keqiang à Saint-Pétersbourg au début de novembre, ainsi que la mise en place d’un fonds conjoint Russie-Chine.

Parallèlement, soudainement et presque par miracle, le président turc Tayyip Erdogan, en revenant d’une visite au Pakistan et en Ouzbékistan, a confirmé ce qui était évident depuis quelques mois : «Pourquoi la Turquie ne serait-elle pas parmi les Cinq de Shanghai ? J’ai dit cela à M. Poutine, au président kazakh Nazarbayev, à ceux qui sont dans les Cinq de Shanghai maintenant… Je pense que si la Turquie devait rejoindre les Cinq de Shanghai, cela lui permettrait d’agir avec beaucoup plus de facilité».

Cette bombe se réfère évidemment à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui a commencé en 2001 avec les Cinq de Shanghai – la Chine, la Russie et trois nations d’Asie centrale, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan – l’Ouzbékistan a rejoint plus tard – comme un bloc de sécurité pour combattre le salafisme-djihadiste et le trafic de drogue en provenance d’Afghanistan.

Au fil des ans, l’OCS a beaucoup évolué vers un mécanisme d’intégration et de coopération en Asie. L’Inde, le Pakistan, l’Iran, l’Afghanistan et la Mongolie sont des observateurs, l’Inde et le Pakistan seront admis comme membres à part entière sans doute en 2017, suivis de l’Iran. La Turquie (depuis 2013) et le Bélarus sont des «partenaires de dialogue» de l’OCS [présents aux réunions mais sans droit de vote, NdT].

Le rusé Erdogan a fait son ouverture à l’OCS tout en soulignant que la Turquie n’avait pas besoin de rejoindre l’UE «à tout prix». C’est devenu plus qu’évident, après qu’Erdogan a survécu au coup d’État de juillet et a déclenché une répression massive qui a été accueillie avec horreur par Bruxelles, où les onze ans – jusqu’ici – de négociations pour l’adhésion turque sont presque bloquées. Et la France, la seconde puissance de l’UE après l’Allemagne, va inévitablement bloquer le processus plus tard, quel que soit le président élu l’année prochaine.

L’adhésion de la Turquie à l’OCS, à long terme, aux côtés de l’Iran, de l’Inde et du Pakistan, représenterait encore une autre étape majeure de l’intégration de l’Eurasie, car l’OCS est progressivement interconnectée avec les Routes de la soie, l’Union économique eurasienne, la Banque d’investissement dans les infrastructures (AIIB), et même la nouvelle Banque de développement du BRICS (NDB), qui commencera à financer des projets pour les membres du groupe, puis étendra ses activités à d’autres pays du Sud. Moscou et Pékin accueilleraient Ankara à bras ouverts.

Quels que soient les contours de la politique étrangère de Trump en Chine et en Asie, l’intégration eurasienne se poursuivra sans relâche. La Chine fait progresser son propre pivot interne et externe, impliquant l’ajustement des politiques financières, budgétaires et fiscales pour stimuler la consommation dans les secteurs de la vente au détail, de la santé, des voyages et des sports, parallèlement au développement des Routes de la soie partout en Eurasie, tout ce qu’il faut pour renforcer une superpuissance économique.

Le TPP – version asiatique d’une OTAN commerciale – est juste un scalp sur une route longue et sinueuse. Et en mer de Chine méridionale, le dialogue se substitue lentement à la confrontation fomentée par l’administration Obama.

A l’APEC, Xi a également rencontré le président philippin Rodrigo Duterte, appelant la Chine et les Philippines à se lancer dans la coopération maritime. Le résultat pratique est que les pêcheurs philippins continueront d’avoir accès à Scarborough Shoal, la zone de pêche fertile à l’intérieur de la zone économique exclusive (ZEE) des Philippines, qui est sous contrôle chinois depuis 2012. Beijing a également promis une aide aux pêcheurs philippins dans les industries alternatives, comme l’aquaculture.

Appelons-le le Partenariat Trans-Mer de Chine méridionale.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone

Trump ose Taïwan

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The Taipei 101 (C) building is seen amidst the Taipei city skyline. © Nicky Loh


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – le 14 décembre 2016 – Source Russia Today

Le président élu Donald Trump a-t-il utilisé un appel téléphonique de dix minutes avec le président de Taïwan comme un missile Hellfire, vaporisant instantanément la politique américaine « One China » ?

Bien sûr que non.

C’est une charade à l’intérieur d’une énigme. Commençons par une interprétation cool, telle que publiée dans un rapport de l’Académie nationale de développement et de stratégie de l’Université Renmin de Beijing, qui depuis trois ans conseille les dirigeants chinois.

Yang Qijing, l’auteur du rapport, va droit au but :

Le non-dit derrière « Make America Great Again ! » est que l’économie chinoise, en particulier son industrie manufacturière, a rendu les États-Unis moins grands qu’auparavant […] Donc nous ne devrions pas nous poser de question [sur la détermination de] l’administration Trump à mobiliser toutes ses ressources politiques, économiques et militaires pour protéger et promouvoir l’intérêt économique des États-Unis, ou même en faire sa première priorité.

En un mot, Taïwan sera utilisé comme une carte dans les négociations pour boucler une sorte d’accord avec la Chine.

Maintenant, pour l’interprétation plus sévère, telle qu’exprimée par le Global Times, journal officieux du régime, qui dans un langage populaire et sans fioritures est toujours autorisé à formuler à haute voix ce que les dirigeants de Pékin discutent à huis clos.

Taiwan's President Tsai Ing-wen. © Jorge Adorno
La Chine demande aux Etats-Unis de refuser la visite de la présidente taiwanaise © Jorge Adorno

Un éditorial avec des nuances mafieuses de The Sopranos déclare :

« Beijing ne s’infligera jamais une existence ignoble en payant pour un racket de protection. L’écart de force entre la Chine et les États-Unis est, pour le moment, le plus étroit dans l’histoire. Quelle raison avons-nous d’accepter un accord très injuste et humiliant de la part de Trump ? »

Y-a-t-il de l’hubris dans cette phrase, « L’écart de force […] le plus étroit dans l’histoire » ? Pas vraiment. Le Global Times suggère une manœuvre de Sun Tzu. La Chine « devrait oser faire des mouvements surprise et créer un nouveau modèle de relation avec les États-Unis – alors que vous jouez votre jeu, je joue le mien ».

Attendez-vous donc à ce que le président chinois Xi Jinping joue le jeu à un niveau tout à fait inattendu.

La signification de « One China »

Dimanche dernier, sur Fox News, Trump a commis l’erreur stratégique de poser toutes ses cartes sur la table, soulignant : « Je comprends parfaitement la  politique d’une seule Chine, mais je ne sais pas pourquoi nous devons être liés par cela, à moins que nous concluions un accord avec la Chine concernant d’autres choses, y compris le commerce. »

Ainsi Beijing a dûment enregistré le message : Taïwan est maintenant officiellement une monnaie d’échange.

Trump a également déclaré : « Nous sommes très affectés par les actions de la Chine avec la dévaluation, l’imposition de lourdes taxes aux frontières quand nous ne la taxons pas, la construction d’une forteresse massive au milieu de la mer de Chine méridionale, ce qu’ils ne devraient pas faire ; et, franchement, de ne pas nous aider du tout avec la Corée du Nord. »

Trump est peut être un peu léger sur ces trois points. Pékin ne veut pas que le yuan se dévalue davantage, au contraire il vise une appréciation. Les conflits dans la mer de Chine méridionale seront finalement résolus dans le cadre de l’ASEAN, les Philippines et la Malaisie, par exemple, y font déjà allusion. Rien ne peut être fait à propos de la Corée du Nord s’il n’y a pas de véritable et formelle fin à la guerre de Corée, toujours pas signée entre Washington et Pyongyang.

Trump a au moins quelque peu adouci son attitude hostile en nommant comme nouvel ambassadeur américain en Chine, un « vieil ami » de Xi Jinping, Terry Branstad.

Les conseillers de Trump, en parallèle, devraient l’informer de ce que signifie « One China » pour Pékin. C’est la pierre angulaire de l’unité nationale, englobant la souveraineté et l’intégrité territoriale. En somme, le Saint Graal. Même si Washington a reconnu « une seule Chine » depuis 1979 – avec Pékin comme « seul gouvernement légal » de la Chine – une position extrêmement ambiguë subsiste quant au statut politique de Taïwan.

Pour Washington, Taïwan n’est pas un État. Qu’est-ce que c’est alors ? Cela reste indéterminé, ce qui implique que Washington n’admet pas vraiment que Taïwan fait partie de la Chine. Washington entretient des relations avec un gouvernement – à Taïpeh – qui n’est pas officiellement reconnu, sous un statut indéterminé. Ce que Trump semble viser est de faire chavirer ce bateau embarrassant. Eh bien, l’ancien grand Petit Timonier Deng Xiaoping a fait très clairement savoir que le couronnement du succès qui effacerait un « siècle d’humiliation » de la Chine, après la remise de Hong Kong et de Macao à la fin des années 1990, serait le retour de Taïwan, en une sorte d’arrangement « un pays, trois systèmes » avant 2040.

Trump a été déconcerté par l’ampleur de l’outrage de sa conversation téléphonique avec Taïwan, il lui vend des armes, mais ne peux pas obtenir un appel en retour !

Considérez la chaîne globale d’approvisionnement

Taiwan, l’atout de la transaction, est entré dans la mêlée géopolitique liée à la promesse de campagne de Trump de rapatrier les emplois américains, une affaire extrêmement difficile. L’Institut de politique économique des États-Unis estime que les États-Unis ont perdu cinq millions d’emplois manufacturiers entre 2000 et 2014. En bref, il s’agit des dommages collatéraux dus aux chaînes d’approvisionnement souples qui prospèrent dans une mondialisation turbulente. Un rapport du Nikkei Asian Review a révélé comment la chaîne d’approvisionnement de Apple à Taïwan est inquiète de voir Trump insister pour que les composants de l’iPhone soient fabriqués aux États-Unis. Cela entraînera inévitablement plus d’un doublement du coût. Sans mentionner que les États-Unis ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire – ni de l’environnement des fournisseurs et des travailleurs qualifiés nécessaires pour y arriver – comme le PDG d’Apple Tim Cook l’a déclaré à l’émission de CBS, 60 minutes, il y a un an. La seule issue : Trump ordonnant au gouvernement américain de subventionner les entreprises locales. La vérité veut que Trump ne peut se permettre une guerre commerciale avec la Chine. Sa promesse de campagne d’imposer un droit de douane de 45% sur les produits fabriqués en Chine est seulement rhétorique. Et même si cela se produisait, Pékin ne verrait pas cela comme une catastrophe.

L’objectif complexe de Xi Jinping – réviser le modèle d’exportation chinois – est axé sur l’augmentation du niveau de dépense des consommateurs chinois, par le développement de l’énorme marché intérieur. Les coûts de production de la Chine sont en hausse ? Qu’importe, les usines chinoises se délocalisent partout en Asie du Sud-Est et même plus loin en Afrique. Pas de problème. La Chine s’élève sans relâche dans la chaîne de valeur ajoutée – voir, par exemple, l’attaque de Huawei sur le marché du téléphone mobile de luxe. Même si Trump imposait des taxes additionnelles aux produits manufacturés chinois, les consommateurs mondiaux ne seraient pas gênés.

Et la Chine continuerait à croître de toute façon. Bloomberg a estimé qu’avec une croissance de 6,7% du PIB, évaluée à 730 milliards de dollars en 2016, la Chine s’est ajouté, en un an, l’équivalent de l’économie des Pays-Bas. Et avec une croissance projetée de 6,4% l’année prochaine, elle s’ajoutera encore une Suisse.

L’économiste en chef de Deutsche Bank Zhiwei Zhang a noté le fait essentiel : en termes de valeur ajoutée, la Chine ne représente que 16% du déficit américain, légèrement en avance sur le Japon et l’Allemagne. Donc, une guerre commerciale avec la Chine « serait une guerre contre tous les participants à la chaîne d’approvisionnement mondiale, y compris les entreprises américaines ». Trump peut bien jeter l’atout Taïwan sur la table de jeu, Beijing joue déjà un jeu entièrement différent.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

Le timonier global Xi Jinping intensifie son offensive de charme

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Chinese President Xi Jinping attends the World Economic Forum (WEF) annual meeting in Davos, Switzerland January 17, 2017. REUTERS/Ruben Sprich


Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 17 janvier 2017 – Source The Saker

Il le fait, à sa manière.

Le président chinois Xi Jinping est descendu sur les Alpes suisses. Profitant d’un vide géopolitique seulement trois jours avant l’investiture de Donald Trump et d’un Occident atlantiste plongé dans la stagnation et / ou le protectionnisme, il a déchaîné une offensive de charme, en positionnant habilement la Chine à la tête de la mondialisation inclusive.

Dans un large discours, allant de l’angoisse globale à la nouvelle normalité de la Chine, Xi a joué de toute la gamme des notes que le capital global avait besoin d’entendre. Le protectionnisme consiste à « se verrouiller dans une pièce sombre » et « personne n’est gagnant dans une guerre commerciale ».

Son discours a approfondi la nécessité de la paix en Syrie, les effets pervers de l’absence de réglementation financière et la lutte pour « l’équilibre entre efficacité et équité ».

Alors, en avant pour la quatrième révolution industrielle – et que la Chine assume.

Xi, le premier président chinois à se rendre au festival de blabla turbo-capitaliste du Forum économique mondial, a signifié business depuis le début.

Il est arrivé avec une délégation de 80 personnes, qui comprenait Jack Ma, patron d’Alibaba, Wang Jianlin, patron de Dalian Wanda – les deux premiers milliardaires de la Chine – ainsi que Zhang Yaqin, patron de Baidu.

Comparez ces princes globalistes avec le camp Trump, représenté par un de ses conseillers d’affaires officiels, Anthony Scaramucci, fondateur du fonds spéculatif SkyBridge Capital et de Salt, une conférence d’investissement pas tout à fait stellaire de Las Vegas (la prochaine sera au Bellagio en mai).

Où est le ticket pour la fête des Rothschild ?

Le Davos 2017 humanisé est très inquiet de sauver le monde – ou du moins les riches de la plupart des pays. Le Forum économique mondial a soudainement découvert que la mondialisation, telle que nous la connaissons, favorise des inégalités massives, de même que les dirigeants autoproclamés de la mondialisation restent inflexibles sur leur droit moral à faire plier des nations entières à leurs volontés, comme le prouvent les chiffres miraculeux de l’économie irlandaise.

Ainsi, ce forum angoissé est en train de promouvoir au moins six sessions de discussion sur l’inégalité, allant de « Combattre l’insécurité et l’inégalité croissantes » à « Couillonnés et furieux : comment régler la crise des classes moyennes », avec en vedette Christine – Vuitton – Lagarde et un groupe de vautours dirigeant des fonds spéculatifs.

Et ce, alors que Oxfam a révélé au monde le vrai G8 de l’inégalité – à savoir huit individus possèdent autant de richesse que l’ensemble des 50% les plus pauvres de la planète. Appelez-les Rois de la mondialisation – mettant en vedette, entre autres, Bill Gates, le caïd d’Amazon Jeff Bezos, Mark Zuckerberg de Facebook, Larry Ellison d’Oracle et Michael Bloomberg.

D’une manière purement néo-dadaïste, il ne saurait y avoir un emblème plus graphique de l’inégalité que Davos lui-même. Pour obtenir une carte verte d’accès à tous les secteurs, principalement dans, et autour, du Grand hôtel Belvédère, les sociétés doivent devenir des partenaires stratégiques du Forum.

La liste est une merveille. Chaque adhésion coûte un fabuleux $600 000, permettant à un PDG d’amener jusqu’à quatre cohortes, ils doivent cependant payer en plus pour chaque billet individuel. Et même cela ne garantit pas une invitation à la fête la plus fastueuse en ville, organisée par Nat Rothschild en tandem avec le milliardaire russe Oleg Deripaska.

Pourtant, ceux qui ont balancé autant de pognon ne résisteront pas à la chance d’entendre Sheryl Sandberg de Facebook – une fortune de $1,3 milliard – s’exprimer sur la façon dont les dirigeants mondiaux plus âgés peuvent profiter de l’optimisme de la jeunesse. Eric Schmidt – $11 milliards – président de la société mère de Google Alphabet, est également en ville, mais cette fois, il a opté pour la discrétion.

Écoutez mes applaudissements gagnant-gagnant

Xi a pris soin de ne pas annoncer un nouveau consensus chinois, ou modèle, car le modèle lui-même est soigneusement et péniblement peaufiné.

Ce qui ressort de son exposé, c’est que Pékin n’interprète pas la mondialisation dans le sens occidental et turbo-néolibéral.

Ce dernier a en effet des avantages, mais ceux-ci masquent le pillage des ressources du monde en développement, par le biais de lois internationales furtives – et aujourd’hui mort-nées – telles que le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) ou le Partenariat transpacifique (TPP), principalement pour le bénéfice du 0,01% de l’Occident, qui dès lors s’inquiète de l’inégalité.

A passerby casts a shadow over a map illustrating China's "One Belt, One Road" megaproject at the Asian Financial Forum in Hong Kong, China, on January 18, 2016. Photo: Reuters/Bobby Yip
Photo: Reuters / Bobby Yip

Au lieu de cela, Xi fait la promotion d’une série d’accords gagnant-gagnant. C’est pourquoi son positionnement est essentiellement le glorieux pari ultime du projet des Nouvelles routes de la soie – One Belt, One Road (OBOR) – largement présenté dans la dernière partie de son discours.

Tout le monde sait que ce projet est un moyen essentiel pour modifier le modèle chinois, en développant le Far West chinois, en ouvrant un éventail de marchés eurasiatiques, en promouvant l’internationalisation du yuan, et bien sûr en consolidant un changement géopolitique majeur, notamment en neutralisant l’essentiel du Pivot vers l’Asie de la paire Obama / Clinton.

Donc, quand nous réunissons la puissance de feu concertée de la Banque asiatique d’investissement dans l’infrastructure (AIIB) et du Silk Road Fund (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), nous disposons de suffisamment de capitaux pour autoriser un financement généreux pour la bonification des infrastructures tout au long des Routes de la soie, depuis la Chine jusqu’à l’Europe occidentale et l’Afrique de l’Est. Rien qu’au Kazakhstan, par exemple, il y a au moins cinquante accords en vigueur, évalués à plus de $20 milliards. Les nouvelles négociations sur la paix en Syrie – Russie, Iran et Turquie – auront lieu à Astana et non à Genève. Le Kazakhstan représente l’intersection des nouvelles routes de la soie et de l’Union économique eurasienne (UEE). La Russie et la Chine attirent l’Iran – et plus tard la Turquie – vers l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). La Syrie, apaisée et reconstruite, sera un carrefour clé de OBOR. Tout est interconnecté.

Ce que la Chine propose n’a rien à voir avec la démondialisation. Il s’agit plutôt de localisation.

Mais les accords commerciaux ne meurent jamais. Xi a profité du décès du TPP pour exalter les mérites du Partenariat économique régional pan-asiatique (RCEP), qui exclut les États-Unis, mais fusionne tous les pays avec lesquels les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont des accords commerciaux : la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Le RCEP sera une aubaine pour la production manufacturière dans la chaîne d’approvisionnement très vaste et complexe de toute l’Asie, fracassant les tarifs au delà des frontières. Cela concernera le commerce sino-indien. Pourtant, il reste à voir comment la campagne Make in India du Premier ministre Narendra Modi se comportera, face à l’ouverture de ses marchés aux importations chinoises.

Et, bien sûr, Xi devait soulever la question du yuan. Le yuan est actuellement surévalué. La Banque populaire de Chine ne veut pas qu’il monte encore plus haut. Sa priorité est un taux de change stable, pour stabiliser le commerce. Pourtant, le stratège de la Danske Banque, Allen von Mehren, qui connaît habituellement bien le sujet, prédit que le yuan tombera à 7,26 contre le dollar américain à la fin de septembre.

Quelqu’un doit expliquer tout cela à Trump, implications incluses. Ce ne sera pas Scaramucci, sans parler de Peter Navarro, Wilbur Ross, « Mad Dog » Mattis ou Michael Flynn. Ce doit être le timonier global en personne, Xi.

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone.

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